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SHERATON, JAMES PATERSON, ministre de l’Église d’Angleterre, éducateur, rédacteur en chef et auteur, né le 29 novembre 1841 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, fils de Robert Sheraton, marchand, et d’Anna Towers Paterson ; le 12 décembre 1866, il épousa dans la paroisse de Richibucto, Nouveau-Brunswick, Margaret Wright (décédée en 1874), et ils eurent un fils, Robert William (décédé en 1899), puis le 8 avril 1875, à Pictou, Nouvelle-Écosse, Rachel Mary Stewart ; décédé le 24 janvier 1906 à Toronto.
À l’âge de sept ans, James Paterson Sheraton entra à la Saint John Grammar School, dont le directeur était son grand-père maternel, James Paterson. Il fréquenta la University of New Brunswick, où il obtint en 1861 une licence d’humanités et de sciences naturelles. Il étudia la théologie auprès de John Medley*, évêque de Fredericton, et du révérend John Armstrong, rector de l’église St James de Saint-Jean, ainsi qu’au King’s College de Windsor, en Nouvelle-Écosse. Ordonné diacre en 1864 et prêtre l’année suivante, il desservit des églises de mission au Nouveau-Brunswick, notamment à Shédiac et à Weldford, jusqu’en 1872. Cette année-là, il travailla un moment dans le diocèse de Huron, en Ontario, mais pour des raisons familiales, il retourna en 1873 dans une mission de Petersville, au Nouveau-Brunswick, où il resta jusqu’en 1874. De 1874 à 1877, il fut rector à Pictou, en Nouvelle-Écosse.
En 1873, plusieurs Torontois anglicans de tendance évangélique, irrités que les décisions concernant le diocèse se prennent sans tenir compte de l’avis des laïques, avaient formé un groupe de pression, la Church Association of the Diocese of Toronto. Peu après, ils prirent pour cible le collège anglican, Trinity. Selon eux, la faculté de théologie enseignait aux étudiants à renier la Réforme, et la faculté des arts n’avait pas sa raison d’être puisque l’établissement provincial, le University College, remplissait la même mission plus efficacement. Dès 1874, la Church Association projetait de fonder sa propre école de théologie. Sheraton étant renommé comme pasteur évangélique et érudit, on laissa entendre qu’il ferait un directeur idéal. En 1877, après des offres répétées, elle le convainquit d’accepter le poste contre un salaire de 1 500 $.
La Protestant Evangelical Divinity School ouvrit ses portes le 1er octobre 1877 dans une pièce de l’école de la cathédrale St James. Elle ne comptait que 12 élèves, dont deux ne la fréquentaient qu’irrégulièrement. Le rector de la cathédrale, Henry James Grasett*, était vice-président ecclésiastique de la Church Association. L’école n’avait pas de bibliothèque ; le seul professeur était Sheraton, qui enseignait l’exégèse biblique et la théologie spéculative. L’évêque de Toronto, Alexander Neil Bethune*, annonça qu’il n’ordonnerait pas les diplômés ; il refusa même d’autoriser Sheraton à exercer son ministère dans le diocèse. Sheraton disposait cependant d’un avantage énorme : l’école jouissait de l’appui de plusieurs des anglicans les plus influents de Toronto. Edward Blake*, Samuel Hume Blake*, Casimir Stanislaus Gzowski*, William Holmes Howland* et Daniel Wilson* appartenaient au conseil d’administration. L’école allait focaliser les conflits au sein de l’anglicanisme torontois : en effet, le parti évangélique et le parti de la Haute Église s’affrontaient, et les laïques aspiraient à une voix au chapitre au lieu d’être soumis à la prérogative épiscopale et à l’autorité du clergé.
C’était surtout Sheraton qui veillait à l’administration et au développement de l’école, qui fut constituée juridiquement en 1879. L’année suivante, le nouvel évêque, Arthur Sweatman, plus conciliant que Bethune, en ordonna les quatre premiers diplômés. Dès 1882, elle pouvait compter sur une dotation de 89 000 $, amassée en partie grâce à Sheraton, qui en octobre de la même année inaugura le premier bâtiment de l’établissement, rue College, à l’ouest de Queen’s Park. William George Storm* en avait dessiné les plans, et on le baptisa Wycliffe College, apparemment sur le conseil de Sheraton, qui voulait ainsi commémorer le 500 anniversaire de la première traduction de la Bible faite sous l’instigation de John Wycliffe. Le nom s’étendit bientôt à toute l’école, et il fut reconnu juridiquement en 1885. La même année, le collège s’affilia à la University of Toronto. Ainsi, les étudiants de l’université pouvaient suivre certains cours au collège, et Sheraton devint un membre en vue du conseil universitaire. Il militait dans le mouvement en faveur de la fédération universitaire, et en 1889, Wycliffe devint un collège fédéré de la University of Toronto. La même année, la province ecclésiastique anglicane du Canada reconnut enfin le Wycliffe College officiellement et nomma Sheraton à un nouveau conseil d’examinateurs des candidats aux diplômes de théologie. En 1891, le collège emménagea avenue Hoskin, dans l’immeuble qu’il occupe encore et qui a été dessiné par David Brash Dick. À ce moment-là, il possédait une bibliothèque de quelque 8 000 volumes et comptait quatre professeurs rémunérés, dont deux diplômés, Frederick Herbert DuVernet et George MacKinnon Wrong*. Quand Sheraton mourut, en 1906, d’une maladie causée par le surmenage, dit-on, 170 de ses élèves avaient été ordonnés.
En tant que directeur du collège, Sheraton se trouvait constamment mêlé à des controverses. Ses détracteurs le qualifiaient d’« agitateur stipendié » et disaient que « son œuvre impie attirera[it] la malédiction sur l’Église pour des générations ». Régulièrement, il heurtait les partisans de la Haute Église en qualifiant le Trinity College de « sectaire », en se moquant de l’idée selon laquelle il y avait une méthode anglicane d’enseigner les mathématiques et en associant le Wycliffe College au University College, au Knox College et au Toronto Baptist College. Un chroniqueur partisan de la Haute Église l’accusait d’encourager les étudiants de théologie à « fraterniser avec les blasphémateurs, les sceptiques, les contempteurs de la loi divine et de l’Église de Dieu ». En outre, Sheraton agaçait les penseurs du parti de la Haute Église en vantant les mérites de la critique historique, qui, soutenait-il, « pulvérisait » leur conviction que Jésus-Christ lui-même avait instauré les traditions et la hiérarchie de l’Église.
Très versé en ouvrages d’érudition anglais et allemands, Sheraton était tenu pour « une encyclopédie théologique vivante » selon la notice nécrologique du Canadian Churchman. Cependant, ses vues étaient étroites : il assimilait facilement catholicisme à formalisme institutionnel, et protestantisme à foi fondée sur la Bible. Sa perspective sur les Saintes Écritures et l’Église devait beaucoup à celle d’autres auteurs, notamment deux praticiens anglais de la critique historique de la Bible, Brooke Foss Westcott et Joseph Barber Lightfoot. De plus, alors qu’il adorait voir la critique historique s’en prendre à la tradition catholique, il lui opposait une résistance acharnée quand elle se penchait sur la Bible elle-même. Sa théologie étriquée et son penchant pour la controverse aidèrent probablement le Wycliffe College tant que celui-ci en fut à l’étape de façonner son identité et de s’assurer l’appui des laïques qui contestaient l’autorité du clergé anglican. Cependant, à mesure que s’apaisèrent les luttes entre les factions du diocèse, les éléments modérés du parti évangélique en vinrent à considérer son intransigeance comme un handicap. Sa grande piété, la clarté de son enseignement et son amitié exercèrent une puissante influence sur la génération d’étudiants qu’il dirigea, mais son extrémisme tendait à isoler le Wycliffe College du reste de l’Église. Par contraste, son successeur, Thomas Robert O’Meara, donna au collège une orientation plus pastorale et, fait sans doute révélateur, en cinq ans le nombre d’inscriptions doubla.
De 1877 à 1882, James Paterson Sheraton avait été rédacteur en chef de l’Evangelical Churchman, auquel il avait donné une réputation internationale. Il écrivit de nombreux opuscules, livrets et articles de journal, et produisit toute une suite d’exposés pour les écoles du dimanche, mais il ne signa aucun ouvrage majeur. Le Queen’s College de Kingston lui décerna un doctorat honorifique en théologie en 1883, et la University of Toronto un doctorat en droit en 1896. Il œuvra dans la Lord’s Day Alliance, l’Evangelical Alliance, la Canadian Temperance League et la Bible Society. Il appartint au conseil d’administration du Bishop Ridley College de St Catharines, qui fut fondé par des partisans du Wycliffe College. Surnommé « le petit docteur », il était court et délicat, avait le crâne chauve, une longue barbe fournie, les joues rouges, des lunettes épaisses et une voix fluette.
James Paterson Sheraton est l’auteur d’un certain nombre de brochures imprimées dont : Christian science ([Toronto, 1891]) ; The history and principles of Wycliffe College : an address to the alumni [...] October 7th, 1891 (Toronto, 1891) ; The inspiration and authority of the Holy Scriptures : an address to the alumni, October 3rd, 1893 (Toronto, 1893) ; The idea of the church : an address to the alumni, October 8th, 1896 (Toronto, [1896]) ; Our Lords teaching concerning himself ([Princeton, N.J. ?], 1904) ; The higher criticism [...] (Toronto, 1904) ; et The higher criticism of the Old Testament, introd. de William Caven (New York, 1905). Toutes ces publications sont conservées dans le dossier de Sheraton à la Wycliffe College Library, Toronto, certains en plusieurs exemplaires. Ses notes de lecture et ses principaux papiers sont dans les archives du collège.
PANS, RG 32, WB, 81 : 129, n° 70.— Wycliffe Colllege Arch., Ser.1-B, 1–2 (procès-verbaux du conseil et des administrateurs, 1878–1907) ; Ser. 2, 9 (album de la Church Assoc.) ; Ser. 8E, 11 (associations) ; Ser. 9, 3 (coupures de journaux de Wycliffe, 1874–1878 ; coupures de journaux de la Church Assoc., 1874–1878).— Daily Mail and Empire, 25 janv. 1906.— Globe, 25 janv. 1906 : 1, 6.— Toronto Daily Star, 24 janv. 1906.— Canadian Churchman, 1er févr. 1906 : 72–73.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— The clergy list [...] (Londres), 1865–1906.— Crockford’s clerical directory [...] (Londres), 1865–1906.— Dominion Churchman, 3 nov. 1887 : 660.— Evangelical Churchman (Toronto), 1er nov. 1877 ; 7 (1882–1883) : 332–334 ; 8 (1883–1884) : 413–414 ; 10 (1885–1886) : 463–464 ; 13 (1888–1889) : 389 ; 15 (1890–1891) : 19–22.— A. L. Hayes, « The struggle for the rights of the laity in the diocese of Toronto, 1850–1879 », Canadian Church Hist. Soc., Journal (Toronto), 26 (1984) : 5–17.— In memoriam, J. P. Sheraton (Toronto, 1906 ; exemplaire à la Wycliffe College Library).— Jakob Jocz, « The principalship of James Paterson Sheraton, 1877–1906 », The enduring word : a centennial history of Wycliffe College, Arnold Edinborough, édit. (Toronto, 1978), 3–22.— The jubilee volume of Wycliffe College (Toronto, 1927).— Vital statistics from N.B. newspapers, 1866–67 (Johnson), n° 944.
Alan L. Hayes, « SHERATON, JAMES PATERSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/sheraton_james_paterson_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/sheraton_james_paterson_13F.html |
Auteur de l'article: | Alan L. Hayes |
Titre de l'article: | SHERATON, JAMES PATERSON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 1 déc. 2024 |