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ADAM, GRAEME MERCER, éditeur et auteur, né le 25 mai 1839 à Loanhead, Écosse, fils de James Adam et de Margaret Wishart ; en 1863, il épousa Jane Beasly Gibson (décédée en 1884), et ils eurent huit enfants, puis en 1891, Frances Isabel Brown, et de ce second mariage naquit au moins un enfant ; décédé le 30 octobre 1912 à New York et inhumé à Toronto.
Graeme Mercer Adam fut baptisé du nom du propriétaire des domaines dont son père était intendant. Il grandit dans une famille lettrée et, dès le début de ses études à Édimbourg, se passionna pour le monde de l’édition, alors dominé par la William Blackwood and Sons et la Thomas Nelson and Sons. Il travailla dans l’édition à Édimbourg et ce fut, dit-on, par l’entremise des Blackwood qu’il eut l’occasion de venir au Canada et d’entrer à la librairie de John Cunningham Geikie à Toronto. En 1860, lorsque Geikie décida d’aller poursuivre sa carrière en Angleterre, Adam s’associa à James Rollo pour acheter l’entreprise. Bien que la Rollo and Adam n’ait pas eu de presse, elle acceptait des contrats d’impression et publia ainsi une certaine quantité d’inédits. En outre, elle s’essaya à produire des éditions canadiennes d’auteurs britanniques et américains. Ainsi, Adam se familiarisa tôt avec la question controversée du droit d’auteur, dont il allait beaucoup s’occuper par la suite. Une des premières grandes initiatives de la Rollo and Adam consista à lancer à Toronto, en mai 1863, le British American Magazine. Malgré sa courte existence (elle cessa de paraître en avril 1864), cette revue représentait une belle réussite dans le contexte littéraire du pays. Elle était dirigée par le géologue Henry Youle Hind*, qui prenait beaucoup à cœur l’avenir du Nord-Ouest canadien – d’où, peut-être, l’intérêt qu’Adam allait porter par la suite à cette région. John Reade, Thomas D’Arcy McGee* et Charles Mair* figuraient parmi les collaborateurs de la revue ; Adam écrivait des recensions. En 1866, par suite du départ de Rollo, il forma avec John Horace Stevenson une nouvelle société qui ne tarda pas à s’imposer beaucoup plus que la précédente dans le commerce de gros et l’impression de livres pour des particuliers. Toujours en 1866, au cours des raids féniens, Adam participa à l’affrontement de Ridgeway à titre de commandant d’une compagnie des Queen’s Own Rifles.
Dans les années 1870, malgré une économie incertaine et la morosité qui succéda à l’enthousiasme de la Confédération, l’animation régnait dans les milieux intellectuels du Canada. Adam, quant à lui, se distingua rapidement en plus en tant que libraire, éditeur et entrepreneur littéraire. À compter de 1865, la Rollo and Adam avait fait paraître quelques numéros d’un périodique appelé Canada Bookseller En 1870, l’Adam, Stevenson and Company commença à publier régulièrement une autre revue spécialisée du même nom dans laquelle Adam prédisait que la demande de réimpressions canadiennes pourrait favoriser « la floraison d’une littérature nationale de quelque mérite et de quelque importance et la formation d’un vaste milieu d’édition ». Dès 1872 cependant, il avait abandonné cette revue pour un autre périodique qui visait en partie les mêmes objectifs, mais avait des ambitions beaucoup plus vastes. Publié pour la première fois en janvier par l’Adam, Stevenson and Company, la Canadian Monthly and National Review était issue du mouvement Canada First ainsi que de l’initiative personnelle et du soutien financier de Goldwin Smith*. Arrivé récemment de la Cornell University d’Ithaca, dans l’État de New York, Smith faisait déjà des remous dans le petit milieu intellectuel de Toronto. Le Canadian Monthly s’inspirait beaucoup de la Fortnightly Review de Londres et en était digne. Dirigé avec soin et imagination par Adam, il contenait une foule d’essais originaux qui portaient sur une grande variété de sujets et provenaient d’auteurs canadiens très cotés à l’époque: Daniel Wilson*, William Dawson Lesueur, William Henry Withrow*, Martin Joseph Griffin et Charles Lindsey*, pour n’en nommer que quelques-uns. Agnes Maule Machar* et Louisa Annie Murray* y publiaient à la fois des essais et de la fiction. Le Canadian Monthly n’était affilié à aucun parti politique et reflétait la pensée rationaliste et progressiste de la fin du xixe siècle. Sous la solide direction d’Adam, sauf de 1876 à 1879, la revue conserva son lectorat pendant la plus grande partie de la décennie. Encore aujourd’hui, on la considère comme l’un des périodiques canadiens les plus importants qui aient existé.
Si Adam dut abandonner momentanément la direction du Canadian Monthly, ce fut en raison de graves difficultés financières à l’Adam, Stevenson and Company. Lorsque l’éditeur John Lovell* lui offrit de collaborer avec lui, il accepta donc. Bien connu dans le milieu montréalais de l’édition et, depuis 1850, dans le milieu torontois aussi, Lovell avait eu comme associé son beau-frère John Gibson, rédacteur en chef du Literary Garland de Montréal, dont Adam avait épousé en 1863 l’une des filles, Jane Beasly. En 1872, Adam avait rédigé avec Lovell A letter to Sir John Rose, bart., k.c.m.g., on the Canadian copyright question, qui avait paru à Londres. Peu après, Lovell entamait une carrière spectaculaire dans l’édition américaine en stéréotypant et imprimant des ouvrages britanniques à partir de sources américaines dans une nouvelle usine située à Rouses Point, dans l’État de New York, et en les expédiant outre-frontière comme contrefaçons américaines après avoir acquitté des droits. Son succès commercial fut tel que, en 1876, il créa une société à New York avec son fils John Wurtele et Adam. Cette société prit le nom de Lovell, Adam, Wesson and Company lorsque Francis L. Wesson, gendre de Lovell, s’y joignit.
En 1878, Adam était de retour à Toronto. En juillet 1879, il reprit la direction de son ancienne revue, qui s’intitulait alors Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Review. Cette dernière conservait une excellente tenue, mais le public auquel convenaient son intellectualisme et le « grand sérieux » de son ton moral s’amenuisait peut-être. Elle cessa de paraître en 1882.
Dans les années d’après la Confédération, le monde de l’éducation connut une réorganisation en Ontario. Adam voyait là un marché potentiel et soutenait la cause de l’instruction. En 1879, il lança le Canada Educational Monthly, peut-être en partie pour combler le vide créé en 1877 par la fermeture du Journal of Education for Ontario, dont John George Hodgins avait été rédacteur en chef. Le mensuel d’Adam acquit vite une renommée qui déborda les frontières de la province. Par ailleurs, Adam restait proche de Goldwin Smith, qu’il admirait beaucoup. Dans les années 1880, il fut son unique collaborateur au Bystander, à titre de secrétaire et d’adjoint littéraire. En 1883, il se joignit à l’équipe d’un nouveau journal dont Smith était l’un des piliers, le Week. Fidèle à ses engagements en matière d’éducation, il commença à publier, dans cette même année, une collection de livres de lecture en cinq volumes. En 1885, il édita un ouvrage de Thomas Babington Macaulay, Warren Hastings : an essay, qui fut publié à Toronto, et il fit paraître, en collaboration avec James W. Connor, de Berlin (Kitchener), un manuel de prononciation et de bon usage pour les jeunes élèves. En 1886 parut à Toronto un petit manuel d’histoire composé par lui-même et William John Robertson pour le réseau scolaire de l’Ontario, Public school history of England and Canada [...].
Les années 1880 furent d’ailleurs celles où Adam fut le plus prolifique en tant qu’auteur et éditeur. Par souci de rentabilité, il tabla sur l’intérêt suscité par les voyages et produisit des livres de divers genres, par exemple des résumés des expéditions de Henry Morton Stanley en Afrique ou des guides touristiques tels Canada, historical and descriptive, from sea to sea (Toronto, 1888) et Illustrated Quebec [...] (Montréal, 1891). Il collabora au Picturesque Canada (1882–1884) de George Monro Grant* et supervisa par la suite la production d’une édition américaine. Il joua un rôle important dans la parution de Toronto, old and new [...], lancé en 1891 en l’honneur du centenaire de la fondation du Haut-Canada et en hommage à sa capitale. La même année, Adam fit publier une édition augmentée d’un livre paru en 1883, Life and times of the Right Honourable Sir John A. Macdonald [...], de Joseph Edmund Collins* ; il avait préparé lui-même cette nouvelle édition, qui complétait la biographie de Macdonald* jusqu’à son décès. En plus, à un moment quelconque, cet homme remarquablement productif fit paraître Handbook on commercial union : a collection of papers read before the Commercial Union Club, Toronto [...] (1888), avec une introduction de Smith, et un recueil de biographies, Prominent men of Canada [...] (1892). En 1893, il lança une histoire de l’Upper Canada College en collaboration avec le directeur de cet établissement, George Dickson.
Avant de quitter à nouveau le Canada en 1892, Adam produisit trois monographies exceptionnelles. En 1885, il écrivit The Canadian north-west : its history and its troubles [...]. Cet ouvrage substantiel raconte l’histoire des Territoires du Nord-Ouest depuis « les premiers temps de la traite des fourrures jusqu’à l’époque du chemin de fer et de la colonisation ». Il rapporte des « incidents de voyage [survenus] dans la région » et, surtout, contient « le récit de trois insurrections-». Le compte rendu des voyages d’Alexander Henry* l’aîné, de Samuel Hearne* et d’Alexander Mackenzie* est vivant et bien documenté. L’interprétation des événements de 1869–1870 et de 1885 est prévisible mais honnête, et elle s’appuie aussi sur une documentation solide. Deux ans après The Canadian north-west, Adam produisit An outline history of Canadian literature (Toronto et Montréal), une première dans le domaine des études littéraires canadiennes. Composé de 54 pages seulement et placé en appendice d’un ouvrage un peu plus long, An abridged history of Canada, de William Henry Withrow, paru à Toronto en 1887, ce texte est fait de courtes rubriques, souvent guère plus que des bibliographies, et vise à donner une idée de la littérature canadienne, à la fois du point de vue de la forme et du fond. Les récits de voyage et les écrits sur la colonisation occupent une grande place, mais les belles-lettres y figurent aussi, puisque des rubriques sont consacrées à des écrivains tels Rosanna Eleanora Leprohon [Mullins*] et Sara Jeannette Duncan*, Charles Sangster* et Charles George Douglas Roberts*. En outre, les écrivains canadiens-français ne sont pas laissés pour compte. Enfin, en 1887, Adam composa avec Agnes Ethelwyn Wetherald* un roman à l’intrigue et au style tout à fait conventionnels, An Algonquin maiden : a romance of the early days of Upper Canada (Montréal et Toronto). Ce livre parut (comme le nota modestement Adam) « non seulement à Montréal, mais [aussi] à Londres et à New York ».
Adam quitta Toronto en 1892 pour des raisons financières. Il écrivit par la suite à Henry James Morgan : « il faut faire bien des sacrifices, et même abandonner sa chère patrie, pour faire bouillir la marmite et s’assurer un revenu, même modeste ». Au moment de son départ, des amis et collègues lui avaient lu une adresse et remis une bourse « en reconnaissance de ses longs et précieux services aux lettres canadiennes ». Il avait déjà des relations à New York et se joignit bientôt à l’équipe de la United States Book Company de John Wurtele Lovell. En peu de temps, il devint un lecteur de manuscrits et un conseiller littéraire de cette entreprise qui se classa bientôt parmi les chefs de file de l’industrie. Cependant, sa production perdit la continuité et l’intégrité qui la caractérisaient, au point qu’on a parlé, à ce propos, de besognes purement alimentaires. Rien ne porte à croire toutefois qu’Adam abaissa ses exigences. Si la qualité de sa production diminua, ce fut peut-être surtout parce qu’il était coupé du milieu littéraire dynamique et stimulant où il avait œuvré durant plus de 30 ans. Il affrontait un nouveau marché. Parmi ses plus grands succès de cette période, il faut signaler Sandow on physical training, paru à New York en 1894, qui est un compte rendu de la carrière et des techniques d’un célèbre homme fort. Adam renoua également avec la littérature de voyage et les ouvrages éducatifs. Il s’installa à Chicago en 1896 pour prendre la direction d’un nouveau périodique, Self-Culture, puis alla poursuivre cette aventure à Akron, dans l’Ohio. En 1903, il était de retour à New York et faisait des travaux littéraires de toutes sortes pour les diverses maisons d’édition formant la United States Book Company. Décédé dans cette ville le 30 octobre 1912, il fut inhumé au cimetière St James de Toronto.
En 1960, un des fils de Graeme Mercer Adam lui dédia une modeste fontaine aux Allan Gardens de Toronto. L’inscription, « Auteur et historien du Toronto ancien », est impropre, voire trompeuse, mais, par son prosaïsme même, elle reflète le déclin connu par Adam après son départ du Canada. Exception faite de Smith (et cette exception est de taille), Adam fut probablement la figure littéraire la plus influente du Canada anglais dans la période immédiatement postérieure à la Confédération. En fait, il n’ignorait rien de ce qui avait trait au monde du livre, aussi bien canadien qu’étranger. Selon l’un de ses premiers biographes, la littérature canadienne ne pourra jamais s’acquitter de sa dette envers lui : « Cet homme adore la littérature, et il n’est pas exagéré de dire qu’il lui a voué son existence. Quel destin cruel les lettres ont connu au Canada, voilà un fait trop bien connu, mais M. Adam a toujours combattu pour la littérature et a conservé son courage lorsque d’autres laissaient tomber. » Certes, il finit par abandonner la lutte, mais peut-être faut-il en conclure que les difficultés auxquelles il faisait face étaient grandes, et non que lui-même manquait d’envergure.
Les listes des publications de Graeme Mercer Adam, y compris celles qui sont mentionnées dans sa biographie, figurent dans le Répertoire de l’ICMH.
AN, MG 29, D61.— Donald Jones, « Modest monument : Allan Gardens fountain celebrates pioneer Canadian publisher », Toronto Star, 8 déc. 1979: H11.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1–2.— Dict. of Toronto printers (Hulse).— An index to the « Canadian Monthly and National Review » and to « Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Review », 1872–1882, M. G. Flitton, compil. (Toronto, 1976).— R. L. McDougall, « A study of Canadian periodical literature of the nineteenth century » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1950).— G. L. Parker, The beginnings of the book trade in Canada (Toronto, 1985).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).
Robert L. McDougall, « ADAM, GRAEME MERCER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/adam_graeme_mercer_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/adam_graeme_mercer_14F.html |
Auteur de l'article: | Robert L. McDougall |
Titre de l'article: | ADAM, GRAEME MERCER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |