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HARRIS, ROBERT, artiste et professeur, né le 17 septembre 1849 à Tyn-y-groes, pays de Galles, deuxième des sept enfants de William Critchlow Harris et de Sarah Stretch ; le 22 mai 1885, il épousa à Montréal Elizabeth (Bessie) Putnam, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé dans cette ville le 27 février 1919 et inhumé au cimetière St Peter, Charlottetown.
Durant les deux dernières décennies du xixe siècle et les deux premières du xxe, Robert Harris était le portraitiste le plus réputé au Canada. On venait même de New York afin de poser pour lui. Les quelque 300 portraits de Harris répertoriés dans des collections privées ou publiques forment un microcosme de l’élite financière et sociale du Canada.
En compagnie de ses parents et de ses frères et sœurs, Harris célébra son septième anniversaire à bord de l’Isabel, avant d’arriver à Charlottetown. Son père avait visité le Haut-Canada en 1854. Élevé dans l’espoir d’être gentleman-farmer mais n’ayant pas les moyens de le devenir, sans qualification pour quelque métier ou profession, ce rêveur impénitent avait vu l’avantage d’émigrer. Au lieu d’emmener sa famille dans le Haut-Canada, il se laissa convaincre de se rendre à l’Île-du-Prince-Édouard et de tenter sa chance dans l’agriculture ou les affaires. Peu après son arrivée en 1856, il mit sur pied, avec d’autres associés, une conserverie de homard et de porc. Sa femme, Sarah, s’occupait de la maisonnée en veillant, d’un déménagement à l’autre, à ce que les enfants reçoivent une bonne éducation. Les garçons fréquentèrent le Prince of Wales College à Charlottetown. Le dessin fut presque une obsession pour Robert dès son enfance. Chaque fois que des magazines anglais arrivaient, il s’empressait d’en copier les illustrations. Sa mère l’encourageait et faisait venir du matériel d’artiste de Liverpool.
Harris apprit la flûte et chantait dans la chorale de l’église. À l’instar de son frère William Critchlow, il jouait du violon. On se passionnait pour la musique à Charlottetown, mais les beaux-arts n’y comptaient pas autant d’amateurs et de protecteurs. Sachant que, s’il allait à Liverpool, la famille de sa mère s’occuperait de lui, Harris décida d’aller y poursuivre ses études artistiques. Il avait beau adorer dessiner les paysages de l’Île-du-Prince-Édouard, il avait besoin d’échanges intellectuels avec des gens qui comprendraient son intérêt pour les êtres humains et son goût de les peindre. Pour réaliser ce projet, il avait besoin d’argent. À l’âge de 15 ans à peine, il se mit à travailler pour un arpenteur et agent des terres de Charlottetown, Henry Jones Cundall. Dès 1867, ses économies étaient suffisantes.
Une fois à Liverpool, Harris obtint un laissez-passer d’étudiant pour la bibliothèque et le musée publics. Outre une riche collection en histoire naturelle, il y avait là un bon choix de moulages reproduisant des statues antiques et les meilleures statues modernes. Deux fois la semaine, Harris faisait des croquis à partir de ces moulages, comme il le ferait par la suite au South Kensington Museum de Londres et à Boston. Pour lui, cet exercice avait beaucoup de valeur, car il exigeait de la précision et enseignait à l’élève la structure du corps humain. En 1883, quand il donnerait des cours à l’école de l’Association des beaux-arts de Montréal, il obligerait ses élèves à faire du dessin d’après moulage. À l’instar du peintre français Jean-Auguste-Dominique Ingres, il était convaincu que l’art véritable est le dessin et qu’il est essentiel à la pratique du portrait. Harris séjourna environ trois mois en Angleterre, à Liverpool surtout. À son retour à Charlottetown, il retourna travailler pour Cundall et fit de la comptabilité pour un avocat. Plus que jamais, il était résolu à devenir portraitiste.
À l’automne de 1872, avant son départ pour Boston, où il resterait près de deux ans, Harris obtint, par l’entremise de personnes approchées par sa mère, une commande de portraits des présidents de l’Assemblée de l’Île-du-Prince-Édouard. Ces portraits, à 30 $ chacun, seraient exécutés à partir de photographies afin qu’il puisse continuer la série une fois à Boston. Dans cette ville, il terminerait également un portrait de William Garvie*, commissaire des Travaux publics et des Mines en Nouvelle-Écosse. David Honeyman*, conservateur du Provincial Museum de Halifax, avait accepté d’acheter cette œuvre « si c’[était] un bon portrait ».
Harris arriva à Boston en janvier 1873. Il passa bien des soirées à graver des vues de la ville et des images d’objets exposés au Museum of Fine Arts pour qu’elles soient reproduites dans des journaux de Halifax. Deux éditeurs, la James R. Osgood and Company et la Shepherd and Gill, lui demandèrent d’illustrer des livres ; il fit quelques travaux pour la Shepherd and Gill. Dessiner d’après modèle au Lowell Institute était ce qu’il préférait. Quatre matinées par semaine, il assistait aux leçons d’anatomie artistique du docteur William Rimmer. L’après-midi et le soir, il dessinait, soit dans son logement, soit au Boston Athenaeum.
Ce travail intensif affaiblit la vue de Harris. « Je peux travailler tout le jour sans éprouver le moindre désagrément, écrivit-il à sa mère, mais je ne peux absolument rien faire le soir. » Un spécialiste consulté en avril 1874 lui commanda de rentrer à l’Île-du-Prince-Édouard et de laisser ses yeux se reposer au moins six mois. À l’automne, il était de retour à Boston, où il resterait jusqu’en avril 1875. Deux années passées à travailler, à étudier et à assister à des concerts et à des conférences lui avaient donné confiance et l’avaient rendu encore plus ambitieux. Il avait déjà un style bien à lui, dont le Transcript de Boston faisait l’éloge. Ses couleurs rappelaient celles de l’école de Barbizon ; la maîtrise avec laquelle il peignait le regard de ses modèles était déjà évidente. Jamais de sa vie, pourtant, il ne se crut aussi bon dessinateur que les autres le disaient. De 1871 à 1875, il exécuta 61 portraits, dont ceux peints à Boston. Cette production comprend les portraits de plusieurs présidents de l’Assemblée, d’un maire de Charlottetown, Thomas Heath Haviland*, d’un marchand aisé de cette ville, William Alfred Weeks, du juge Edward Palmer* ainsi que des Néo-Écossais Joseph Howe* et l’évêque Hibbert Binney*.
Harris dut attendre en octobre 1876 pour que le montant de ses économies lui permette de retourner étudier en Angleterre. Résolu à copier des toiles à la National Gallery, il fut amèrement déçu de découvrir que, même si seuls les étudiants étaient admis les jeudis et vendredis, ils se retrouvaient là par centaines et que plusieurs plantaient leur chevalet devant les meilleurs tableaux. Il réussit néanmoins à copier un Vélasquez et commença des études de deux têtes signées par sir Joshua Reynolds. À la fin de décembre ou au début de janvier, il s’inscrivit à la Slade School of Fine Art ; par la suite, il fréquenta la Heatherly School of Fine Art. Il assista à des conférences et participa à des débats au Royal Colonial Institute, où il avait été élu « invité temporaire ». Ensuite, il retourna à Liverpool. Tout ce temps, il avait assuré sa subsistance en faisant des illustrations et des peintures à partir de photographies reçues du Canada. À Liverpool et à Ormskirk, il exécuta six portraits de résidents de ces lieux, dont ceux d’un riche mécène, Luke B. Brighouse, et de ses deux fils. Par la suite, Brighouse lui commanderait quelques scènes bibliques et historiques.
Arrivé à Paris en octobre 1877, Harris se joignit au groupe des jeunes peintres de l’atelier Bonnat. Léon Bonnat, un des meilleurs peintres de scènes historiques en France, n’était pas un professeur rémunéré mais un conseiller bénévole qui allait de temps à autre à l’atelier critiquer le travail du groupe. Laissé plus ou moins à lui-même, Harris apprit à utiliser la couleur de manière plus riche et acquit une technique impressionniste. Sans bouder les parties de plaisir de ses collègues, il s’imposa une discipline qu’il allait conserver tout au long de sa carrière. Le soleil de Paris lui donnait mal aux yeux. À Charlottetown et à Boston, il avait trouvé des gens pour lui faire la lecture. À Paris, la situation était différente : « lire [me] manqu[e] terriblement, disait-il, je ménage mes yeux avec le plus grand soin afin de travailler le plus possible le jour, je fais une promenade après le dîner et me couche généralement tôt ». Il apprit à connaître les us et coutumes des Français et visita plusieurs fois l’Exposition universelle de Paris. Grâce à ses voyages et à ses activités créatrices, son expérience dépassait celle de bien des jeunes peintres canadiens. Plus tard, il soulignerait la valeur des études outre-mer pour ses compatriotes.
Harris rentra à Charlottetown en janvier 1879. Peut-être aurait-il souhaité rester à l’Île-du-Prince-Édouard, mais il sentait que ce n’était pas un endroit pour un portraitiste qui devait vivre de ses commandes et de ses ventes. Quand même, entre son retour à Charlottetown et son départ pour Toronto à l’automne de 1879, il exécuta, selon son « carnet de clients », 18 portraits, dont un, très réussi, de son mentor et ami, Cundall. Avant de quitter Paris, il avait expédié un certain nombre de tableaux à Toronto en vue d’une exposition de l’Ontario Society of Artists. Il avait la quasi-certitude que, comme il avait étudié à l’étranger, certaines de ces toiles seraient acceptées et bien accueillies. Pour savoir s’il aurait de l’avenir à Toronto comme portraitiste, il écrivit à Lucius Richard O’Brien*, le vice-président de la société. O’Brien lui répondit le 14 août 1879 que les portraitistes et les artistes en général ne manquaient pas à Toronto. « Pourtant, d’après ce que j’ai vu, précisa O’Brien, votre travail serait parmi le meilleur, sinon supérieur à tout ce que nous avons, et vous auriez de bonnes chances par rapport aux autres. La réussite, pour un portraitiste, semble dépendre beaucoup de la capacité de se faire valoir, et je ne suis pas en mesure de vous juger sur ce point. » Le sens des affaires, Harris l’avait acquis longtemps auparavant, après avoir éprouvé des difficultés à se faire payer par des clients de l’Île-du-Prince-Édouard.
Harris fut chaleureusement accueilli à Toronto et constata que sa réputation était déjà solide. L’amitié qu’il noua avec O’Brien serait très fructueuse. O’Brien avait discuté de la création d’une académie nationale des arts avec le gouverneur général, lord Lorne [Campbell]. En janvier 1880, Harris reçut d’O’Brien une lettre officielle l’informant que le gouverneur général l’avait nommé parmi les membres fondateurs de l’Académie canadienne des arts (par la suite l’Académie royale des arts du Canada). À la même époque, il fut invité à peindre les enfants d’une famille de Peterborough. Deux autres portraits de groupes d’enfants, les Stetham et les Burnside, exécutés en 1880 et en 1881, révèlent ses affinités avec les jeunes. Une empathie semblable, nécessaire à un bon portraitiste, transparaît dans ses études de gamins des rues et dans The news boy (1879). À l’automne de 1880, Harris termina la première commande qu’il avait obtenue d’un établissement à Toronto, le portrait du révérend George Whitaker*, recteur du Trinity College.
Comme Harris était un illustrateur chevronné, le rédacteur en chef du Globe de Toronto, John Gordon Brown, le chargea d’aller à Lucan, en Ontario, où James Donnelly* et des membres de sa famille avaient été assassinés le 4 février 1880. Brown voulait un portrait des sept hommes accusés de ces meurtres. Harris se rendit donc d’abord à London, où les prisonniers attendaient leur procès. Ces derniers multiplièrent les subterfuges pour se dissimuler le visage, mais Harris, qui était bon observateur et avait le coup de crayon rapide, fit quelques croquis ressemblants. Il poursuivit ensuite sa route jusqu’à Lucan et dessina le lieu du crime. Enchanté des résultats, Brown lui commanderait d’autres illustrations, dont des portraits des membres du consortium qui allait construire le chemin de fer canadien du Pacifique.
À la fin de février, Harris se rendit à Ottawa en tant que membre du comité de cinq hommes formé pour gérer l’académie. Son morceau de réception à l’académie, The chorister, terminé le 8 février, fut accepté ; cette toile ferait donc partie de la collection initiale de la Galerie nationale du Canada (le futur Musée des beaux-arts du Canada), qui ouvrit ses portes deux ans plus tard [V. John William Hurrell Watts]. Harris resta à Ottawa pour assister au vernissage de l’exposition de l’académie le 6 mars 1880. Sa nomination parmi les représentants de l’Ontario Society of Artists au comité de la Provincial Exhibition en février 1880 témoigne aussi de son statut.
Harris aimait Toronto. Anglican de la Haute Église, il assistait à de nombreux offices dans différents temples, car entendre de bons sermons était un de ses plaisirs, tout comme dessiner, dans son carnet de croquis, les jolies jeunes femmes présentes. Il avait travaillé presque sans arrêt depuis son arrivée dans la ville. Même une visite à l’Île-du-Prince-Édouard à l’été de 1880 fut consacrée à l’exécution d’une illustration pour Picturesque Canada [...], G. M. Grant, édit. (2 vol., Toronto, 1882–1884) [V. O’Brien*]. Harris trouvait éreintant de peindre des mécènes, et il s’en plaignait : « Les gens qui veulent des portraits, disait-il, sont ceux qui ne connaissent rien à l’art. » Ses cours à l’Ontario School of Art depuis janvier 1880, ses fonctions à l’académie, la vice-présidence de l’Ontario Society of Artists, à laquelle il avait été élu en mai 1880, s’ajoutaient à son horaire déjà chargé. En outre, John Wilson Bengough* et son frère, éditeurs du Grip, le pressèrent deux fois d’accepter la direction artistique d’un magazine illustré qu’ils étaient sur le point de lancer, ce qu’il refusa. Pour lui, le temps était venu de se retremper dans les milieux artistiques d’Europe. Après avoir achevé les portraits qu’il avait commencés, il vendit plusieurs tableaux à des enchères publiques, retourna à l’Île-du-Prince-Édouard et s’embarqua pour Liverpool en octobre 1881.
Accepté par les Torontois et sûr d’obtenir d’autres commandes, Harris avait désormais un minimum de sécurité financière. L’élégance de sa mise, au moment de sa deuxième visite à Paris, n’évoquait plus l’étudiant impécunieux d’autrefois. Il soumit un tableau au Salon de Paris, qui l’accepta. Une deuxième toile, meilleure à son avis, fut refusée par la Royal Academy of Arts en Angleterre, ce qui l’indigna. Chose étonnante, ce fut à Paris, semble-t-il, que Harris entendit parler pour la première fois de ce qui serait sa plus grosse commande, un tableau à la mémoire des Pères de la Confédération – « le tableau du gouvernement », comme il le surnommerait. Certains artistes ne dissimulant pas leur jalousie envers sa réussite financière, il savait qu’il aurait besoin d’aide pour obtenir cette commande. De Paris, il demanda à Jedediah Slason Carvell*, sénateur de l’Île-du-Prince-Édouard, de « faire établir la commande ». Après avoir peint des paysages en dehors de Paris, il partit en septembre 1882 pour Rome et Florence. De retour à Londres en février 1883, il loua un atelier et commença à se préparer pour la prochaine exposition de l’Académie royale des arts du Canada. Cette fois, il eut le plaisir d’apprendre que l’académie anglaise acceptait une de ses œuvres. Incapable d’attendre plus longtemps une décision au sujet de la commande, il alla à Ottawa en mars 1883. Après des rencontres avec Carvell, il se rendit à Montréal afin de commencer des portraits de l’homme d’affaires Hugh McLennan* et de sa femme. Il trouva que « l’élément français rend[ait] [Montréal] plus intéressant que Toronto ». Les McLennan l’encouragèrent à s’y installer en permanence, l’assurant qu’il aurait assez de clients.
En mai 1883, l’Examiner de Charlottetown rapporta que l’exécution d’un tableau commémorant la Confédération des provinces de l’Amérique du Nord britannique serait confiée à Harris. À la fin des négociations, il était entendu que le tableau représenterait la conférence de Charlottetown, mais par la suite on décida que la scène se passerait plutôt à Québec. Vu que Harris devrait faire en plus des portraits des délégués présents à Québec, des amis lui conseillèrent de demander davantage que les 4 000 $ convenus. Ravi d’avoir remporté la commande et prévoyant que les reproductions du tableau rapporteraient beaucoup, il ne réclama pas d’augmentation. Or, le droit d’auteur ne lui fut jamais attribué. Avec le temps, ce qui aurait pu être une source de satisfaction devint une cause de grande rancœur.
Harris s’organisa pour faire le travail préparatoire à Charlottetown. Il expédia une lettre et un questionnaire à chaque délégué ou à sa famille. Il reçut une réponse dans 20 cas sur 33. Les photographies prises par William Notman* ou des membres de son équipe, de même que celles de William James Topley, qui avait ouvert une succursale du studio Notman à Ottawa en 1868, lui furent aussi d’un grand secours. Une fois qu’il eut assez d’indications concernant le teint des personnages et la couleur de leurs yeux et de leurs vêtements, il se mit à l’œuvre. Sur une petite ébauche à l’huile, il disposa les tons et les volumes en prévision du tableau définitif, qui devait mesurer 61 pouces sur 141. Il se rendit à Québec et fit des croquis à l’emplacement du Parlement. Sur le carton, c’est-à-dire le dessin en grand, et sur la toile définitive, il ajouta des vues du Saint-Laurent dessinées à partir de la citadelle.
Harris commanda une toile de première qualité, apprêtée selon ses instructions, et la fit livrer à son atelier de Montréal. Elle arriva le 7 octobre, au moment même où il entamait une série de conférences et de cours à l’Association des beaux-arts de Montréal. Des portraits et des scènes de genre l’obligèrent aussi à rogner sur le temps qu’il aurait dû consacrer à l’importante commande gouvernementale. En plus, il fut élu à l’Athenaeum Club ; il était le seul artiste à être membre de ce cercle, qui lui semblait un riche réservoir de clients. Les McLennan lui avaient trouvé un logement dans la pension d’une de leurs amies. Elizabeth Putnam, la fille de cette veuve, était une charmante jeune femme de 23 ans. Harris ne tarda pas à s’éprendre d’elle. Jamais il ne fut plus occupé que pendant l’hiver de 1883–1884. Le 7 avril 1884, il écrivit au ministre des Travaux publics, sir Hector-Louis Langevin*, pour lui demander la permission de présenter le tableau de la conférence de Québec à la prochaine exposition de l’académie canadienne à Montréal. La toile, intitulée Meeting of the delegates of British North America [to settle terms of confederation, Quebec, October 1864] et terminée quelques mois avant le vingtième anniversaire de la conférence de Québec, reçut un accueil enthousiaste de la presse et du public. On l’accrocha dans la salle du comité des chemins de fer, dans l’édifice central du Parlement d’Ottawa. La seule autre fois où l’on put voir le tableau à l’extérieur d’Ottawa, ce fut en 1910, à une exposition d’art canadien à Liverpool. Il fut détruit dans l’incendie qui ravagea l’édifice central du Parlement en 1916.
Harris et Elizabeth Putnam se marièrent le 22 mai 1885. Après avoir passé quelques jours à Québec, ils poursuivirent leur lune de miel en Angleterre, en France, en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas. Ils rentrèrent au Canada le 18 août. Comme auparavant, Harris peignait sans relâche. Ses splendides portraits de Thomas Workman* et de sir Hugh Allan*, sa Bessie in her wedding gown (1885) et son autoportrait, de la même période, ne sont que quatre exemples de ce qu’il a fait de mieux. Les poses forment un équilibre parfait avec les proportions physiques des modèles. En 1885–1886, Harris exécuta deux de ses tableaux les plus populaires, Harmony et The meeting of the school trustees. Le second, frappant par son thème féministe, représente une jeune institutrice qui s’adresse à un groupe d’administrateurs scolaires, tous des hommes plus âgés qu’elle.
Outre des centaines de portraits de notables canadiens, Harris peignit de nombreuses études pénétrantes de modèles professionnels, d’autochtones et de jeunes. À partir du portrait de sir Hugh Allan, il demanda 500 $, ce qui était assez élevé ; au faîte de sa carrière, son prix atteignit 600 $. Tout en ayant les moyens d’aider les membres de sa famille, il pouvait se rendre régulièrement à l’étranger avec sa femme Bessie. En 1906, ils résidèrent à Munich et en Italie. Leur dernière visite en Europe – à Paris, à Berne et à Étaples, en France – eut lieu en 1911, après quoi ils se rendirent seulement en Nouvelle-Angleterre, dans la province de Québec et dans les Maritimes. Au fil de ses voyages et de ses séjours à l’étranger, Harris était devenu de plus en plus conscient de sa nationalité canadienne. Dans ses allocutions devant l’Association des beaux-arts de Montréal et d’autres organismes, il faisait valoir que l’art canadien avait une identité différente de celle des autres pays. Il fut probablement l’un des premiers à faire des recherches sur les relations entre l’art canadien et ses influences britanniques et européennes.
Rien n’atteste mieux la compétence de Harris et la haute estime dans laquelle le tenaient ses pairs que sa nomination, par l’entremise de l’académie, au poste d’organisateur de la collection qui serait présentée par le Canada à l’Exposition universelle de Chicago en 1893. La même année, il fut nommé président de l’académie. Il avait refusé cette fonction en avril 1890, mais se sentait à présent contraint de l’accepter. Il resterait en poste 13 ans, soit plus longtemps que n’importe lequel de ses prédécesseurs. Au cours de cette période, il améliora l’administration de l’académie. En outre, il s’employa à stimuler l’intérêt pour l’art canadien parmi le grand public, qui avait tendance à traiter avec dédain ou indifférence les artistes moins favorisés que lui. Après son succès à Chicago, il insista pour que le gouvernement encourage financièrement la participation des Canadiens à des expositions internationales. À l’intention de sir Wilfrid Laurier, il rédigea et signa trois requêtes pour des bourses d’études à l’étranger ainsi que pour un soutien financier à l’académie et à la participation du Canada à l’Exposition universelle qui se tiendrait à Paris en 1900. Il présenta aussi une requête au sujet des loteries de l’Art Union of Canada. Organisées d’abord en vue de financer l’acquisition de tableaux pour une galerie nationale, ces loteries étaient devenues de simples jeux d’argent qui ne rapportaient aucune sorte de bénéfice aux artistes. Les quatre requêtes restèrent sans réponse, mais Harris continua d’exercer des pressions et finit par avoir gain de cause. Le gouvernement, qui avait ouvert ses coffres, veilla à ce que l’art canadien soit représenté à la Pan-American Exposition de Buffalo, dans l’État de New York, en 1901 et à l’Exposition universelle de St Louis, au Missouri, en 1904. À Buffalo, Harris gagna une médaille d’or ; à St Louis, il eut une mention honorable et une médaille d’or. Il avait reçu une mention honorable à Paris en 1900. Organiser la participation du Canada à l’exposition de St Louis en 1904 fut sa dernière mission d’envergure avant son départ de la présidence de l’académie deux ans plus tard. En 1902, en récompense de sa contribution à l’art canadien, il avait été créé compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.
Il est ironique que, depuis des générations, les Canadiens connaissent Harris par un tableau qui a été détruit au cours d’un incendie et qu’ils ont vu uniquement sur des photographies ou en reproduction. En octobre 1916, on lui demanda de faire une autre toile sur le même sujet. Craignant que l’effort requis pour exécuter cette commande ne l’empêche d’en accepter d’autres et ne nuise à sa santé, il refusa et répondit que « le gouvernement ferait bien d’acheter [le carton original] ». Il demandait 2 000 $, prix « très raisonnable » selon lui, et exigeait bien sûr que le carton ne soit pas copié. Ce dessin fait maintenant partie de la collection du Musée des beaux-arts du Canada.
Des années de dur labeur et d’administration, une mauvaise santé, une vue affaiblie n’empêchaient pas Harris de dessiner, quoique dans ses dernières années les résultats aient été loin d’être acceptables. Après des vacances à l’Île-du-Prince-Édouard pendant l’été de 1918, il retourna à Montréal et entama des négociations au sujet d’un portrait de Francis Lovett Carter-Cotton. Ce projet ne devait jamais se matérialiser. Harris était presque complètement aveugle et pouvait à peine quitter son divan. Il mourut le 27 février 1919.
En inaugurant la Harris Memorial Exhibition en 1919, un ami et ancien élève, George Agnew Reid*, évoqua l’apport extraordinaire de Robert Harris aux beaux-arts et rappela qu’il était un critique bienveillant, toujours prêt à signaler les aspects positifs du travail d’un collègue. « Il y aurait encore beaucoup à dire sur l’œuvre et la valeur de Robert Harris, continua Reid, mais la modestie était l’un de ses traits caractéristiques, et nous hésitons à lui faire ces éloges qu’il méritait à un si haut degré, sachant que pour lui l’œuvre était tout et l’auteur, rien. »
Robert Harris est l’auteur d’un ouvrage de poésie publié après sa mort sous le titre Verses by the way, from an artist’s sketch book (Charlottetown, 1920). On trouve ses peintures et ses croquis dans des collections privées au Canada et aux États-Unis, ainsi que dans un grand nombre des principaux musées du Canada, dont le Centre de la Confédération galerie d’art et musée (Charlottetown), et le musée des Beaux-Arts du Canada (Ottawa). La majeure partie de la correspondance de Harris adressée à sa famille est conservée dans le fonds Famille Harris aux archives du Centre de la Confédération galerie d’art et musée, mais on trouve aussi quelques lettres aux AN, MG 29, D88. Les œuvres de Harris ont fait l’objet de plusieurs expositions. Le catalogue intitulé Robert Harris, 1849–1919 (Centre de la Confédération galerie d’art et musée, 1967) et celui que nous avons préparé sous le titre Robert Harris (1849–1919) (musée des Beaux-Arts du Canada, 1973) figurent parmi les plus utiles. La biographie qui précède est basée sur deux longs travaux que nous avons rédigés sur le sujet : Robert Harris, 1849–1919 : an unconventional biography (Toronto et Montréal, 1970) et Island painter : the life of Robert Harris (1849–1919) (Charlottetown, 1983). [m. w.]
Académie royale des arts du Canada ; exibitions and members, 1880–1979, E. de R. McMann, compil. (Toronto, 1981).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— W. [G.] Colgate, Canadian art, its origin & development (Toronto, 1943 ; réimpr., 1967).— A dictionary of Canadian artists, C. S. MacDonald, compil. (3e éd., 7 vol. parus, Ottawa, 1987– ).— J. R. Harper, Painting in Canada, a history ([Toronto], 1966).— Frank MacKinnon, « Robert Harris and Canadian art », Dalhousie Rev. (Halifax), 28 (1948–1949) : 145–153.— N. [McF.] MacTavish, The fine arts in Canada (Toronto, 1925 ; réimpr., [introd. de Robert McMichael], 1973).— B. K. Sandwell, « Most famous Canadian picture and its painter : Robert Harris, R.C.A., and « The fathers of Confederation », Saturday Night, 9 juill. 1927 : 5.— Rebecca Sisler, Passionate spirits ; a history of the Royal Canadian Academy of Arts, 1880–1980 (Toronto, 1980).— Some papers from an artist’s life (Robert Harris Memorial Gallery et la Public Library, Charlottetown, [1919 ?]).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).— R. C. Tuck, Gothic dreams : the life and times of a Canadian architect, William Critchlow Harris, 1854–1913 (Toronto, 1978).— Moncrieff Williamson, « Robert Harris and The fathers of Confederation », musée des Beaux-Arts du Canada, Bull., 11 (1968) : 8–21.
Moncrieff Williamson, « HARRIS, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harris_robert_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/harris_robert_14F.html |
Auteur de l'article: | Moncrieff Williamson |
Titre de l'article: | HARRIS, ROBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 10 déc. 2024 |