H’DAMANI (Hadamane, Hydamani, Hdyamani, littéralement « taureau qui marche » ou « fait des cliquetis en marchant », aussi connu dans sa jeunesse sous le nom de Wigiya, c’est-à-dire « tente jaune »), chef santee-sioux, chasseur et trappeur, né vers 1831 ; décédé en août 1912 dans la réserve indienne Oak Lake, près de Pipestone, Manitoba.

H’damani était sous-chef d’un village de Santees wahpetons situé sur la Minnesota supérieure au sud du lac qui Parle (Minnesota). Wiyan, sa première femme, était la sœur du fameux chef rebelle wahpekute Inkpaduta, qui lança des attaques au lac Spirit (Iowa) en 1857 et joua un rôle important dans le soulèvement des Sioux en 1862 [V. Tatanka-najin*]. H’damani participa aux deux conflits à un degré moindre que son inconstant beau-frère, que Sioux et Blancs haïssaient parce qu’ils le trouvaient méchant et perfide. Après avoir quitté sa femme et son jeune fils (Edwin Phelps, futur missionnaire congrégationaliste dans le Dakota du Sud), H’damani épousa Tunka ; ils auraient trois fils et deux filles qui parviendraient à l’âge adulte. À la fin de 1862, il fit passer la frontière à 30 familles de Wahpekutes et de Santees mdewakantons et les mena dans ce qui est aujourd’hui le sud du Manitoba. Puis, après avoir négocié un achat avec les Sauteux de la région, il s’installa avec ces familles sur les pentes nord-ouest du mont Turtle.

La bande de H’damani était une proche alliée de plusieurs autres bandes sioux qui s’étaient établies dans le sud-ouest du Manitoba. Par contre, ses relations avec la bande d’Inkpaduta, qui vivait non loin de là tout en faisant des raids de guérilla en territoire américain, étaient tendues. Pendant la célèbre bataille de la rivière Little Bighorn, en 1876, Inkpaduta dirigea une force nombreuse sous le commandement du chef sioux Sitting Bull [Ta-tanka I-yotank*] et joua un rôle primordial dans la défaite de George Armstrong Custer. Par la suite, il retourna pendant un moment du côté canadien du mont Turtle avec 60 familles. En de nombreuses occasions, des Sioux américains en révolte passèrent la frontière pour chercher asile auprès de H’damani, qui tenait beaucoup à vivre en paix au Canada. Rien n’indique que H’damani abandonna jamais cette résolution.

Dans les premières années, les bandes avaient subsisté en chassant, en pêchant et en faisant la traite des fourrures au fort Ellice et à Upper Fort Garry (Winnipeg). Dans le courant de l’été de 1877, H’damani se rendit à White Horse Plain (Saint-François-Xavier) pour demander une réserve au lieutenant-gouverneur Alexander Morris*. La réserve indienne Oak Lake, qui comptait quatre portions, fut créée cette année-là, mais H’damani et un certain nombre de familles refusèrent de quitter les contreforts du mont Turtle, car ils étaient attachés à cet endroit. Le chef continua à faire des pressions auprès du gouvernement. En 1886, le département de l’Intérieur fit donc arpenter une portion de terre juste au nord de la frontière canado-américaine, même si certains fonctionnaires s’y opposaient fermement en raison de sa proximité avec les États-Unis, et donna à cette terre le nom de réserve indienne Turtle Mountain. Cependant, aucun arrêté en conseil ne vint confirmer la création de la réserve.

Bien qu’ils aient fait un peu de culture céréalière et d’élevage, les Amérindiens de la réserve Turtle Mountain vivaient surtout de la chasse, de la pêche et du piégeage. Leur puissant chef expulsait les Américains de passage qui n’étaient pas les bienvenus ; au bout de quelques années, il put compter à cette fin sur l’aide de la Police à cheval du Nord-Ouest. De 1892 à 1895, une association interconfessionnelle, la Christian Endeavour Society, tint une école dans la réserve, mais après qu’elle eut fait faillite, les jeunes Amérindiens furent placés dans un pensionnat à Regina. La famille de H’damani refusa d’y envoyer ses enfants. Dans l’ensemble, les colons blancs aimaient et respectaient le vieux chef et sa bande, de moins en moins nombreuse.

Décidés à fermer la petite réserve, des fonctionnaires réussirent à convaincre trois familles de s’installer à Oak Lake en 1898 et cinq autres à faire de même en 1908. Après, seuls les membres de cinq familles figuraient encore sur la liste officielle des résidents du mont Turtle – principalement des personnes âgées, infirmes et agonisantes. Les fonctionnaires exerçaient sur elles des pressions de plus en plus fortes pour qu’elles quittent la réserve. Le 9 août 1909, trois hommes votèrent en faveur de la fermeture ; H’damani et son petit-fils Chaske (Charlie Eagle) votèrent contre. Seuls les chefs masculins de ces cinq familles avaient été autorisés à voter et, sur les formules de cession, on n’avait pas mentionné que H’damani portait le titre de chef. Ainsi finit la petite réserve. L’année suivante, le commissaire aux Affaires indiennes, David Laird, découvrirait que huit autres personnes, dont certaines qui avaient quitté la réserve auparavant, auraient dû avoir le droit de vote.

Veuf, âgé, faible et sans domicile, H’damani vécut quelque temps dans une réserve près de Devils Lake, dans le Dakota du Nord, avec sa fille Mazadusawin (Anna). Il mourut en rendant visite à des parents à Oak Lake. Le gouvernement vendit la réserve Turtle Mountain aux enchères à des colons, puis répartit à son gré le produit de la vente entre les cinq familles. En 1954, le père missionnaire oblat Gontran Laviolette découvrit un solde impayé substantiel. En 1991, la bande d’Oak Lake a revendiqué officiellement ses droits sur la réserve Turtle Mountain.

Peter Lorenz Neufeld

Nous avons obtenu des documents concernant H’damani, des Affaires indiennes et du Grand Nord Canada (Ottawa), de la Gendarmerie royale du Canada (Ottawa), du ministère de la Justice du Canada, à Yellowknife, du Manitoba, Dept. of Consumer and Corporate Affairs, Vital statistics (Winnipeg), et de la N. Dak. State Hist. Soc. (Bismarck). Nous avons aussi reçu des renseignements de R. W. Meyer (Mankato, Minn.), de Mme M. Zaruk (Winnipeg), de Bob Caldwell (Deloraine, Manitoba), et du regretté père Gontran Laviolette (Winnipeg).  [p. l. n.]

AN, RG 10, 3602, 3607–3608, 3644, 3650–3651, 3728, 3773, 3881.— Deloraine Times and Waskada News (Deloraine), 25 mai 1944.— Winnipeg Free Press, 9 déc. 1991.— Winnipeg Tribune, 20 mai 1944.— P. D. Elias, The Dakota of the Canadian northwest : lessons for survival (Winnipeg, 1988).— Gontran Laviolette, The Dakota Sioux in Canada (Winnipeg, 1991) ; The Sioux Indians in Canada (Regina, 1944).— P. L. Neufeld, « Hdyamani – Turtle Mountain’s man of peace », Indian Record (Winnipeg), 47, no 10 (oct. 1984) : 17–19.

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Peter Lorenz Neufeld, « H’DAMANI (Hadamane, Hydamani, Hdyamani, Wigiya) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/h_damani_14F.html.

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Auteur de l'article:    Peter Lorenz Neufeld
Titre de l'article:    H’DAMANI (Hadamane, Hydamani, Hdyamani, Wigiya)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    5 déc. 2024