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KYLIE, EDWARD JOSEPH, professeur, historien et officier, né le 19 septembre 1880 à Lindsay, Ontario, unique enfant de Richard Kylie, forgeron, et de Norah Regan ; décédé célibataire le 14 mai 1916 à Owen Sound, Ontario, et inhumé à Lindsay.
Richard et Norah Kylie veillèrent à ce que leur fils reçoive la meilleure formation offerte à Lindsay : à la maison, à l’école des Sisters of Loretto et au Lindsay Collegiate Institute. Grâce à une bourse, Edward Joseph put entrer en 1897 au University College de la University of Toronto. En 1901, après avoir étudié les humanités, l’anglais et l’histoire, participé à la vie étudiante et été rédacteur en chef du journal du collège, le Varsity, il reçut une licence ès arts. Le ministre anglican George MacKinnon Wrong*, directeur du département d’histoire, ouvert en 1895, avait remarqué ses talents. Il lui fit obtenir une bourse de la Flavelle Travelling Fellowship et l’envoya au Balliol College d’Oxford. Inscrit en histoire moderne, Kylie obtint une mention très bien en 1904 et une maîtrise ès arts en 1906. De plus, il se distingua à nouveau dans les activités parascolaires en devenant en 1903 le premier colonial à être élu président de l’Oxford Debating Union.
Son séjour à Oxford marqua Kylie pour toujours ; la forme de tutorat en vigueur dans cette université lui plut particulièrement (il en vanta les mérites à Wrong en 1903) de même que le sentiment de se trouver au cœur de l’Empire britannique. En outre, cette expérience en fit un candidat idéal pour la première nomination de Wrong au département d’histoire, en 1904, bien que son statut et son salaire n’aient été déterminés qu’au terme de longues rencontres entre le bienfaiteur Joseph Wesley Flavelle*, le recteur de l’université James Loudon et le ministre provincial de l’Éducation Richard Harcourt*. Selon un collègue, Kylie était revenu au pays « raffiné à l’excès et stérile ». Grâce à sa vive intelligence, à son charme et à son enthousiasme juvénile, il conquit pourtant tous ceux qui se demandaient peut-être pourquoi, dans ce bastion protestant qu’était Toronto, Wrong avait confié la charge des cours d’histoire à un catholique. Kylie gagna immédiatement la faveur des étudiants : en 1905–1906, il fut président honoraire de la Literary and Scientific Society du University College et, au trimestre suivant, de l’Undergraduate Union. Dès 1912, il était professeur adjoint.
Kylie partageait les ambitions de Wrong pour le département et sa vision de la place du Canada au sein de l’Empire. Ses recherches portaient d’une part sur l’Angleterre médiévale et d’autre part sur le xixe siècle canadien. Ainsi, il publia The English correspondence of Saint Boniface [...] à Londres en 1911, et composa pour la collection intitulée Canada and its provinces une section sur l’histoire constitutionnelle de la province du Canada de 1840 à 1867. Détaillé quoique sans originalité (on y retrouve l’interprétation classique des whigs), ce compte rendu des années antérieures à la Confédération faisait valoir que l’instauration pacifique du gouvernement responsable était la clé de voûte des gouvernements canadien et impérial.
Kylie se vouait à la formation des étudiants de premier cycle, et surtout au système de tutorat adapté par Wrong : des discussions en petits groupes, plutôt qu’à deux comme à Oxford, était tout ce que Toronto pouvait se permettre. Fervent adepte de l’Historical Club de Wrong, il parla du rôle des grandes puissances en Afrique du Nord à la première réunion en 1905. Ce groupe d’environ 25 étudiants de sexe masculin venant de diverses disciplines et choisis par cooptation se réunissait dans les maisons de l’élite torontoise pour débattre des problèmes mondiaux. Ces rencontres permettaient non seulement aux membres d’aiguiser leur esprit, mais aussi de se faire un nom et des relations.
Généreux, Wrong introduisit Kylie dans le réseau qu’il avait soigneusement formé. Le jeune et ambitieux historien ne tarda pas à fréquenter des cercles influents, à publier dans la presse et à paraître sur des tribunes publiques. En 1909 à Toronto, il prononça une allocution intitulée « The menace of socialism » devant le prestigieux Empire Club of Canada. L’antidote qu’il proposait était tiré de l’ouvrage d’Andrew Carnegie, The gospel of wealth : partage des bénéfices, gratuité scolaire, accroissement du sens civique. Rien dans ce programme ne troubla l’appétit des convives, des notables locaux de la politique, du clergé et des affaires. Par la suite, sa ferme croyance en « la responsabilité de l’individu envers la collectivité » amènerait Kylie à participer à la Toronto Housing Company Limited, entreprise privée qui, sous la direction du réformateur urbain George Frank Beer, s’efforçait d’offrir des logements à faible loyer.
Toutefois, dans les années critiques d’avant la Première Guerre mondiale, Kylie s’intéressa surtout aux affaires internationales. Dans « The problem of empire », publié en 1907 dans le Canadian Courier, il s’inquiétait des changements qui menaçaient le patrimoine britannique du Canada. Seuls d’« urgents devoirs et problèmes nationaux », disait-il, permettraient aux citoyens matérialistes et à leurs dirigeants de s’élever au-dessus des querelles, de la corruption et de la poursuite du « gain individuel » qui empoisonnaient l’âme du pays.
Pour Kylie comme pour Wrong et des personnalités torontoises tels Flavelle, le banquier Byron Edmund Walker* et le journaliste John Stephen Willison*, la solution consistait à réorganiser l’Empire pour le renforcer et pour y accroître l’influence du Canada. Dès 1908 et plus résolument à mesure que s’intensifiait la rivalité des marines anglaise et allemande, Kylie milita dans ce qu’on a appelé le mouvement Round Table, dont le but était de promouvoir l’idée d’unité impériale née des efforts d’unification de l’Afrique du Sud après la guerre de 1899–1902. En tant que membre et secrétaire de la section canadienne, Kylie participait régulièrement à des entretiens privés, parcourait le pays pour prendre la parole et sonder l’opinion, et écrivait sur les affaires canadiennes dans le périodique du mouvement, le Round Table. Dans ce débat, le passé donnait un élément de réponse. La responsabilité ministérielle et la Confédération, écrivait Kylie en 1913 dans Canada and its provinces, « ont eu pour conséquence directe l’apparition de ce que nous appelons maintenant des identités coloniales. En même temps, elles ont démontré que le Britannique d’outre-mer peut trouver un exutoire à ses aspirations politiques à l’intérieur de l’Empire. »
Étant donné sa ferveur pour l’idée d’un Canada influent au sein d’un Empire uni, Kylie vit, dans le conflit mondial déclenché en août 1914, une occasion, pour les composantes de l’Empire, de coopérer et, pour lui-même, de servir. En 1914–1915, il mit sur pied l’E Company du Canadian Officers’ Training Corps, sis à l’université, et fut agent de recrutement à l’université pour le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Son ami George Franklin McFarland, lui aussi diplômé du University College, prit le commandement du 147th Infantry Battalion, formé dans le comté de Grey en novembre 1915. Kylie s’y joignit à titre d’adjudant, avec le grade de capitaine, et commença son entraînement à Owen Sound. Vacciné contre la typhoïde en mai 1916, il contracta la maladie et développa en plus une pleurésie et une congestion pulmonaire. Malgré l’arrivée de deux médecins spécialistes de Toronto et un nouvel apport d’oxygène dans une voiture conduite par le capitaine Charles Vincent Massey*, autre protégé de Wrong et ancien étudiant de Balliol, Kylie mourut le 14 mai à l’âge de 35 ans. Il laissait ses parents dans le deuil. On l’inhuma avec les honneurs militaires dans sa ville natale ; un train spécial avait été affrété pour transporter à partir de Toronto les personnes qui voulaient assister à la cérémonie.
Grâce à une bourse à la mémoire d’Edward Joseph Kylie, créée par un comité placé sous la présidence de Massey, d’autres diplômés de la University of Toronto purent aussi aller étudier l’histoire à Oxford.
Edward Joseph Kylie a rédigé la chapitre intitulé « Constitutional development, 1840–1867 » de l’ouvrage Canada and its provinces ; a history of the Canadian people and their institutions [...], Adam Shortt et A. G. Doughty, édit. (23 vol., Toronto, 1913–1917), 5 : 105–162. Son allocution intitulée « The menace of socialism » a été publiée dans Empire Club of Canada, Speeches (Toronto), 6 (1908–1909) : 120–128, et « The problem of empire » a paru dans Canadian Courier (Toronto), 11 mai 1907 : 14.
AO, RG 80-2-0-152, no 33497.— Univ. of Toronto Library, Thomas Fisher Rare Book Library,
Ramsay Cook, « KYLIE, EDWARD JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kylie_edward_joseph_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/kylie_edward_joseph_14F.html |
Auteur de l'article: | Ramsay Cook |
Titre de l'article: | KYLIE, EDWARD JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 8 déc. 2024 |