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LEBASTARD, PROSPER (baptisé Prosper-Jean-Marie), prêtre catholique, eudiste et éducateur, né le 14 mars 1865 à Saint-Aubin-d’Aubigné, France, fils de Prosper Lebastard et de Jeanne-Marie Jouland ; décédé le 20 septembre 1920 à Rennes, France.
Orphelin de père dès l’âge de cinq ans, Prosper Lebastard est inscrit à 12 ans au collège Saint-Martin, dirigé par les eudistes de Rennes. Enfant timide et réservé, il y fait de brillantes études. En 1885, il entre au noviciat des eudistes à Kerlois, près de Hennebont, et est agrégé à Roche-du-Theil quatre ans plus tard. Ordonné prêtre le 23 mai 1891 à Rennes, il passe deux ans comme surveillant des grands au petit séminaire de Valognes. En 1893, il est envoyé en Nouvelle-Écosse pour y enseigner la philosophie au collège Sainte-Anne, à Church Point. Deux ans plus tard, il est nommé professeur de philosophie au Holy Heart Seminary à Halifax, qu’il doit quitter en 1897 pour retourner au collège Sainte-Anne, comme préfet et premier assistant.
L’incendie du collège durant la nuit du 15 au 16 janvier 1899, de même que ses relations tendues avec le supérieur, Gustave Blanche, expliquent la nomination, en août 1899, de Lebastard à titre de deuxième supérieur du collège du Sacré-Cœur de Caraquet, au Nouveau-Brunswick. Au début, Lebastard doit occuper à la fois les postes de supérieur, d’économe, de préfet de discipline et des études. Jusqu’en 1909, il mènera les destinées du collège avec beaucoup d’autorité. « Il y a de ces hommes qui paraissent nés pour commander ; et lui en était [... Il] était vraiment le maître dans sa maison, et un maître absolu », dira de lui son biographe le père Émile Georges.
Durant son supériorat, Lebastard fait agrandir le collège à deux reprises, en 1901 et en 1908, et le nombre d’étudiants passe de 19 à 130, fait non négligeable dans un milieu où existait peu de tradition d’études classiques. Le collège rayonne dans toute la région : c’est un lieu où l’on se rend pour du théâtre, des conférences, des séances, et de merveilleux concerts aux dires de tous. Il devient un carrefour important et presque unique pour l’avancement de la cause acadienne et francophone du nord du Nouveau-Brunswick. En 1905, Lebastard y accueille la Convention nationale des Acadiens, qui réunit plusieurs milliers de francophones des Maritimes.
Pendant les dix ans qu’il passe à Caraquet, Lebastard est en contact constant avec ses supérieurs en France ; il leur écrit plusieurs lettres par semaine, où il se montre fort préoccupé de sa mission et de ses difficultés. Ses relations avec le curé fondateur du collège, le père Joseph-Théophile Allard, et, jusqu’en 1903, avec l’évêque irlandais du diocèse de Chatham, Mgr James Rogers*, sont parfois tendues. L’un des problèmes auxquels il a à faire face est la volonté des Acadiens, tels que Pierre-Amand Landry et Pascal Poirier*, d’avoir un évêque de leur race, ce que leur refuse l’épiscopat irlandais. Pour Lebastard et les eudistes, qui doivent leur présence en Amérique aux évêques irlandais, la situation est délicate. En 1900, au moment du sacre de Thomas Francis Barry comme coadjuteur du diocèse, nomination que les Acadiens dénoncent, Lebastard écrit : « Nous tâchons de nous souvenir, nous Eudistes, que le silence est d’or. » II n’assiste donc pas à la cérémonie, prétextant de mauvaises conditions climatiques et l’inefficacité du chemin de fer. « Notre mission, écrit-il l’année suivante, est d’éviter toutes les imprudences qui pourraient compromettre I’œuvre. »
Lebastard est très actif dans la communauté de Caraquet et des environs. En 1906, il est en partie responsable de l’établissement d’une succursale d’une banque de la province de Québec, la Banque du Peuple, qui n’a malheureusement guère de succès et est remplacée en 1910 par la Banque provinciale du Canada, dont le siège social est également au Québec. Il s’agissait d’une première expérience bancaire pour les Acadiens du nord du Nouveau-Brunswick. En 1907, la Gloucester Navigation Company Limited est fondée, et c’est au collège qu’ont eu lieu les réunions préparatoires. Les prêtres enseignants du collège que dirige Lebastard sont aussi d’une aide fort précieuse pour le clergé de la région : ils organisent des retraites, préparent les enfants à la première communion, prêchent et assistent les curés. Lebastard et ses collègues ont reçu la desserte de la paroisse Saint-Paul de Bas-Caraquet et ils y font bâtir une église aux dimensions imposantes, terminée en 1905.
Le milieu dans lequel les eudistes œuvrent leur paraît toutefois souvent hostile, comme en fait foi cette lettre de Lebastard en 1902 : « Nous serons toujours ici des étrangers, comme ceux qui nous viendront de France. » Dès 1907, Lebastard manifeste le désir de retourner en France, mais son supérieur l’exhorte à rester afin de surveiller les nouveaux travaux d’agrandissement du collège. Ce n’est qu’en juillet 1909 qu’il peut enfin retourner parmi les siens. Son séjour est cependant de courte durée, car dès 1910, il revient à Halifax et, en 1911, il est nommé provincial des eudistes de l’Amérique du Nord.
Pendant son deuxième séjour au Canada, soit de 1910 à 1920, Lebastard est l’âme dirigeante de l’établissement d’un noviciat-scolasticat à Bathurst, dont la construction débute en 1912. L’édifice doit cependant être utilisé à d’autres fins peu après son ouverture, car le 30 décembre 1915 le collège du Sacré-Cœur est la proie des flammes. Les élèves doivent donc se rendre à Bathurst pour continuer leurs études.
Comme la congrégation dont il est provincial favorise la reconstruction du collège à Bathurst, Lebastard est en butte à l’opposition des gens de Caraquet et des élèves qui veulent le conserver chez eux. Après de nombreuses tractations et l’appui du clergé acadien du diocèse, notamment de Stanislas-Joseph Doucet, on prend la décision d’installer provisoirement le collège à Bathurst. C’est le noviciat-scolasticat qui va accueillir les élèves du collège du Sacré-Cœur en septembre 1916. Hélas, le noviciat est lui aussi la proie des flammes le 6 mars 1917. Inébranlable, Lebastard préside à la reconstruction de l’édifice pour une deuxième fois. En 1919, la permission de construire le collège à Bathurst est accordée, mais rien n’est fait encore à l’été de 1920 quand Lebastard, son mandat de provincial terminé, quitte le Nouveau-Brunswick pour la France. Finalement, c’est l’édifice destiné au noviciat qui deviendra le collège, où les classes recommenceront en 1921.
Peu après son arrivée en France, Prosper Lebastard est hospitalisé à Rennes pour une intervention chirurgicale. Le 20 septembre 1920, il est victime d’une crise cardiaque qui l’emporte. Son œuvre au Canada, plus précisément dans les Maritimes, est impressionnante. À n’en pas douter, il fut le pionnier de l’éducation classique française dans le nord du Nouveau-Brunswick. On se souvient de lui comme d’un homme timide, réservé, autoritaire et qui ne laissait rien au hasard.
APNB, MC 318, B, Caraquet, corr. Lebastard (mfm).— Arch. départementales, Ille-et-Vilaine (Rennes, France), État civil, Saint-Aubin-d’Aubigné, 14 mars 1865.— Dictionnaire biographique du nord-est du Nouveau-Brunswick (6 cahiers parus, [Bertrand ; Shippagan, B.-B.], 1983– ), 4e cahier : 32–34.— Émile Georges, le Révérend Père Prosper Lebastard, eudiste, 1865–1920 (Bathurst, N.-B., 1921).[Georges de La Cotardière], la Congrégation de Jésus et Marie (eudistes) au Canada : cinquante ans, 1890–1940 ; notes et souvenirs (Besançon, France, 1946).— Clarence LeBreton, le Collège de Caraquet, 1892–1916 (Hull, Qué., 1991).— Marcel Tremblay, 50 ans d’éducation catholique et française en Acadie : Caraquet, 1899–Bathurst, 1949 (Bathurst, 1949), 58s.
Clarence LeBreton, « LEBASTARD, PROSPER (baptisé Prosper-Jean-Marie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lebastard_prosper_14F.html.
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Auteur de l'article: | Clarence LeBreton |
Titre de l'article: | LEBASTARD, PROSPER (baptisé Prosper-Jean-Marie) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 5 déc. 2024 |