OUELLET, DAVID, architecte et sculpteur, né le 15 septembre 1844 à La Malbaie, Bas-Canada, fils d’Édouard Ouellet, cultivateur, et de Marie Lebel ; avant 1884, il épousa Emma Laforme, et ils adoptèrent un neveu et une nièce ; décédé le 14 juillet 1915 à Québec.

David Ouellet étudie de 1856 à 1864 au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, puis entre comme apprenti-architecte chez François-Xavier Berlinguet, architecte et sculpteur de Québec, où il travaille auprès de Louis Jobin*, alors apprenti-sculpteur. Sous la direction de l’abbé Pierre-Stanislas Vallée, architecte et sculpteur, il réalise un plan-relief du village de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (La Pocatière), qui lui mérite en 1867 une mention honorable à l’Exposition universelle de Paris. En 1869, il se rend à Montréal, mais après quelques années peu prospères, il revient à Québec où, de 1874 à 1876, il est associé au doreur ornemaniste Louis Alméras. À l’âge de 31 ans, il commence à exercer à Québec sous le titre d’architecte, en ouvrant dans son logement une agence d’architecture qu’il gère en même temps qu’un atelier de sculpture.

Formé à l’enseigne de la tradition, Ouellet s’inscrit en marge du renouveau amorcé par l’ouverture de la province de Québec aux influences étrangères ; et contrairement à ses contemporains architectes, il s’associe peu à la vie politique de son époque. Il ne fera qu’un bref séjour en politique municipale, à titre d’échevin de Ville-Montcalm à compter de 1911 ; la ville sera annexée à Québec deux ans plus tard. Pendant son mandat, il sera président du comité des chemins et de l’aqueduc. Son œuvre, très abondante, se concentre hors des centres urbains et ressortit essentiellement à l’architecture religieuse. Les quelques incursions de Ouellet en architecture civile laissent d’ailleurs transparaître cette dominante de l’art religieux dans son œuvre : les intérieurs cossus de la maison Terreau-Racine (rue des Remparts, Québec), ou les maisons en rangée du juge Alexandre Chauveau (rue Sainte-Ursule, Québec) s’apparentent à d’imposants presbytères.

La première œuvre d’architecture de Ouellet, l’église de Rivière-Ouelle (les plans datent de 1876), l’amène sur les traces de Berlinguet et de Vallée sur la rive sud du Saint-Laurent, où la croissance démographique requiert de nouvelles infrastructures cultuelles. C’est à ce domaine que Ouellet consacre sa carrière. Il dirige une entreprise de fabrication systématique d’églises : il offre de concevoir, de réaliser et de surveiller l’exécution entière d’un édifice religieux, depuis le plan jusqu’au décor, et se rend, à titre d’architecte, indispensable à l’architecture religieuse. Tandis que l’innovation mobilise les énergies de la plupart des architectes de l’époque, Ouellet mise sur sa formation traditionnelle : l’homme de métier, que révèle sa pratique d’architecte-sculpteur-doreur, sécurise une génération de bâtisseurs affectionnés par le clergé et protégés par les maîtres d’œuvre. Ouellet signe près de 250 constructions et transformations d’églises, essentiellement entre 1876 et 1905.

Au sein de l’architecture victorienne, la production de Ouellet se distingue par sa polychromie, des assemblages volumétriques exacerbés, une exubérance monumentale tout appropriée aux ambitions du clergé en pleine expansion. Nombre de ses projets, qui dotent d’une nouvelle façade-écran d’anciennes églises, cadrent avec cet esprit de grandeur. Parmi ses premières commandes se retrouve l’église historique Notre-Dame-de-Bon-Secours (1882), à L’Islet, qu’il pare ainsi d’une large façade encadrée de tours, dont les hauts clochers profilent une silhouette grandiose.

Ouellet use volontiers des textures et des contrastes colorés, alliant boiseries, pierre brute, chaînages d’angle et assises de pierre de taille : l’hospice de la Miséricorde de Québec (1887), de calcaire et de brique orangée, en témoigne. C’est cependant à l’érection de hauts clochers que Ouellet déploie d’abord son talent : depuis Saint-Louis de Kamouraska (1883) jusqu’à Saint-Antoine-de-Tilly (1901), l’architecte fait étalage d’un répertoire formel où les géométries multiples, entrecroisées, rivalisent avec la hauteur des structures. Les clochers de Saint-Louis-de-Lotbinière seront d’ailleurs emportés par un ouragan en 1913 ; celui de Saint-Lazare (1881), dans Bellechasse, avant d’être abaissé, s’élevait à un peu plus de 210 pieds.

À partir de 1902, Ouellet s’associe à son stagiaire et fils adoptif Pierre Lévesque. L’éclectisme formel qui caractérisait ses clochers gagne la totalité de ses compositions. En même temps qu’il se sert de plus en plus de l’avancée d’une tour centrale pour donner de l’expression aux façades, Ouellet délaisse la rigidité classique de ses premières œuvres pour adopter une approche pittoresque, qui marie des bossages, des ornements classiques, des corniches et bandeaux en forte saillie dans des compositions mouvementées, riches en contrastes de formes, de couleurs et de textures. Les façades de l’église de Saint-Léon-le-Grand (1914), près de Louiseville, et de Sainte-Luce (1914), près de Saint-Germain-de-Rimouski (Rimouski), sont un exemple de cette manière éclectique particulièrement, imaginative, qui, à partir d’un catalogue de motifs parfois récurrents, propose des assemblages variés, engendrant des édifices tous différents, à la fois œuvres d’auteur et manifestes identitaires de l’Église.

Propriétaire d’une importante bibliothèque, Ouellet était au fait des progrès techniques et formels ; les tendances Art nouveau de l’autel de l’église de Cap-Santé (1877) et la machinerie de ses ateliers en sont la preuve. Toutefois, les projets de Ouellet visent avant tout à faciliter l’exécution des travaux par une main-d’œuvre rurale peu formée à l’innovation. À ce titre, ses croquis évocateurs et le détail de ses devis, en même temps qu’ils imposent le plan de l’architecte, le rendent intelligible tant au client qu’au maître d’œuvre. Tout en s’appuyant sur des procédés de construction traditionnels, les plans de Ouellet, conçus comme des modules dont les composantes sont interchangeables, optimisent le rendement à l’atelier et au chantier ; pareil système garantit au client l’exclusivité d’un choix architectural, en même temps qu’une gamme d’effets et de prix.

Ouellet met donc sa créativité au service de l’Église du Québec avec le souci de lui assurer économie et confort. Il invente des améliorations techniques et du mobilier d’église – l’architecte fait d’ailleurs breveter ses bancs, typiques, de bois clair et foncé –, usant à l’occasion de matériaux nouveaux, plus durables ou moins chers. Ses œuvres, qui s’inscrivent néanmoins dans une continuité architecturale, satisfont le clergé réfractaire à l’innovation qui mettrait son identité en péril. À la suite des prêtres bâtisseurs, Ouellet récupère pour le compte de la pratique architecturale laïque la conception des églises, en s’insérant entre le clergé et le constructeur ; il exprime les besoins de l’un, régule la tâche de l’autre et gère la totalité de la production, depuis le gros œuvre jusqu’aux dorures.

En plus d’une architecture de composition originale au sein de la production contemporaine, Ouellet lègue à l’histoire de l’architecture un modèle de pratique hybride, tributaire des précédents bâtisseurs et précurseur des grands bureaux d’architecture du xxe siècle. La productivité de ses ateliers, qui comptaient jusqu’à deux fois plus d’employés que ceux de ses contemporains, témoigne du succès de sa carrière ; parmi ses nombreux apprentis, son gendre et associé de 1889 à 1891, Joseph-Georges Bussières, reproduira dans la région de Portneuf le modèle professionnel de son maître.

Membre fondateur de l’Association des architectes de la province de Québec, David Ouellet se déclarait « le seul architecte de l’association tenant un atelier pour l’exécution de toutes sortes d’ouvrages d’architecture » : cette polyvalence, celle d’un chef d’entreprise, aura certes permis à l’architecte « artisan » de s’imposer dans un domaine marqué de plus en plus par le professionnalisme, les progrès techniques, les influences étrangères et autres facteurs du renouveau. Un secteur important du patrimoine bâti d’un Québec à la frontière entre le traditionnel et le moderne porte l’empreinte de cette polyvalence.

Lucie K. Morisset

Il n’existe, à ce jour, qu’une seule étude de l’œuvre de David Ouellet : Sylvie Tanguay, « David Ouellet (1844–1915), architecte : exploration de la pratique architecturale relative à l’architecture religieuse en milieu rural à la fin du xixe siècle » (mémoire de m.a., univ. Laval, 1988). On y trouve des références détaillées aux sources, ouvrages et articles concernant Ouellet.

On rencontre des mentions de Ouellet dans deux ouvrages de Luc Noppen et al., Québec : trois siècles d’architecture ([Montréal], 1979) et Québec monumental, 1890–1990 (Sillery, Québec, 1990) ; une liste partielle de ses œuvres est dressée dans A. J. H. Richardson et al., Quebec City : architects, artisans and builders (Ottawa, 1984), 429s. Quelques-unes des églises que l’architecte a transformées ont été étudiées par Luc Noppen, dans les Églises du Québec (1600–1850) (Québec, 1977) et par Gérard Morisset*, dans l’Architecture en Nouvelle-France (Québec, 1949), le Cap-Santé, ses églises et son trésor, C. Beauregard et al., édit. (2e éd., Montréal, 1980) et les Églises et le Trésor de Lotbinière (Québec, 1953).  [l. k. m.]

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Lucie K. Morisset, « OUELLET, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ouellet_david_14F.html.

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Auteur de l'article:    Lucie K. Morisset
Titre de l'article:    OUELLET, DAVID
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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