FORANT, ISAAC-LOUIS DE, officier de marine, chevalier de Saint-Louis, troisième gouverneur de l’île Royale (île du Cap-Breton) ; né probablement vers 1685 à La Tremblade, dans le département de la Charente-Maritime, à 25 milles au sud-ouest de Rochefort ; mort célibataire le 10 mai 1740 à Louisbourg. Il était le petit-fils de Job de Forant (1612–1692) qui, à la suite de sa renonciation au calvinisme, fut promu au grade de chef d’escadre dans la marine de guerre française en 1686.

Isaac-Louis de Forant commença sa carrière dans la marine en tant que garde-marine à Rochefort le 19 novembre 1703. Le 1er novembre 1705, il fut promu enseigne de vaisseau et, le 12 novembre 1712, lieutenant de vaisseau. Il fut pendant plusieurs années commandant du navire du roi, le Héros, sur lequel il fit voile fréquemment vers Louisbourg et Québec entre 1720 et 1740.

Le 1er avril 1739, Forant, capitaine de vaisseau depuis octobre 1731, fut nommé gouverneur de l’île Royale et en même temps François Bigot* fut désigné commissaire-ordonnateur. Forant exprima son mécontentement d’avoir été nommé à un poste aussi peu important, alors que ses collègues de même grade servaient dans les colonies en tant que gouverneurs généraux, mais Maurepas [Phélypeaux], le ministre de la Marine, le persuada d’accepter sa nomination de bonne grâce.

Il est évident que les autorités, en nommant Forant et Bigot à l’île Royale, comptaient sur eux pour résoudre de sérieux problèmes et pour mettre fin aux désordres de toutes sortes qui retardaient le développement de la colonie tout entière. Dans ses instructions du 26 mai 1739, Maurepas dénonça le manque de discipline autant chez les officiers que chez les troupes. Il exigea que des mesures rigoureuses soient adoptées pour réprimer l’absentéisme et l’ivrognerie. Il insista également pour que l’on prenne des mesures de façon à mettre fin aux irrégularités touchant au service de garde, à la distribution de rations, de vivres et de marchandises provenant des réserves, et au paiement de la solde et des gains supplémentaires des troupes ; ces irrégularités créaient un climat propice à l’indiscipline et aux mauvaises mœurs.

Après délibérations avec son prédécesseur, Joseph de Monbeton* de Brouillan, dit Saint-Ovide, Forant, accompagné d’un personnel de quatre hommes et deux femmes, s’embarqua avec Bigot à l’île d’Aix, sur le Jason, le 30 juillet 1739. Il atteignit Louisbourg le 10 septembre. Son premier acte officiel fut de passer les troupes en revue ; dans sa première dépêche au ministre il avoua sans détours qu’elles étaient les pires qu’il avait jamais vues. Après la revue, Forant rassembla tous les commandants dans ses quartiers au château Saint-Louis et leur lut les passages qui les concernaient dans les instructions que le ministre lui avait remises au mois de mai précédent. Comme l’a écrit Forant au ministre, les officiers « ont pareu Extrememant touchés des idées dezavantajeuzes quon vous a donné de leurs conduites », et il ajoute qu’ils semblèrent décidés à lui prouver que le blâme ne retombait pas entièrement sur eux comme ses correspondants auraient voulu lui faire croire.

Pendant les deux semaines qui suivirent, Forant débarrassa la garnison de ses éléments les moins désirables. En n’éliminant que les invalides et les plus manifestement inaptes au service, en retenant provisoirement ceux qui ne répondaient pas aux normes officielles de taille, et en ajoutant les recrues de 1739, il put maintenir les effectifs de chaque compagnie à 56 hommes. Bien qu’il demandât 100 recrues supplémentaires « afin d’en continuer la réforme et rendre les troupes passables », on ne lui en envoya que 60 en 1740. Il obtint aussi des draps et des matelas pour les quartiers qui étaient à ce point infestés’ de vermine que, les nuits d’été, les soldats préféraient prendre leurs couvertures et aller dormir en plein air sur les remparts. Forant fonda également une école d’artillerie pour répondre aux besoins de Louisbourg dont la protection dépendait de l’efficacité de son artillerie.

Le problème de l’eau-de-vie était tout aussi pressant mais Forant et Bigot firent remarquer, dans une dépêche conjointe de novembre 1739, que les cantines des officiers étaient bien mieux tenues que les nombreuses tavernes de Louisbourg. Maurepas, dans une lettre du 7 mai 1740, fit savoir qu’il désapprouvait fermement tout relâchement dans la lutte contre une cause de désordre aussi manifeste. « Il paroit, écrivit-il, que vous êtes déterminés à les laisser subsister [...] Je ne saurai approuver le parti que vous avez pris à cet égard ».

Toutefois, dans les derniers jours d’avril, Forant tomba gravement malade et le 10 mai 1740 il mourut d’une fluxion de poitrine. Bigot qui décrivit chaleureusement les qualités de son supérieur, fit enterrer Forant en la chapelle du château Saint-Louis. En 1964 des archéologues ont découvert des restes mortels que l’on sait être ceux de Forant et d’un autre officier.

Forant était manifestement au stade ultime de son agonie quand il signa son testament, puisqu’il lui fallut six tentatives pour apposer une signature lisible. Il instituait Bigot son exécuteur testamentaire. Après avoir légué à son collègue les onze volumes du Grand dictionnaire historique de Moreri et fait don à la résidence du gouverneur de ses tapisseries et peintures, fort nombreuses et de belle qualité, il demanda qu’on laisse quelque chose à ses domestiques et à ceux qui l’avaient assisté durant sa maladie. Par un geste sans précédent dans la brève histoire de Louisbourg, il stipula que le reste de son bien servirait à l’octroi de bourses pour l’éducation des filles des officiers de l’île Royale au couvent de la congrégation de Notre-Dame à Louisbourg. À la suite d’un différend avec Marguerite de Forant, sœur d’Isaac-Louis et sa seule héritière, à qui Bigot avait fait parvenir le mobilier de son frère, on arriva, en octobre 1741, à un compromis : les sœurs recevraient 32 000#de la succession et Mlle de Forant le reste. L’année suivante, en juin 1742, les fonds furent investis en France au taux annuel de cinq pour cent.

Il semblerait, d’après les documents de l’époque, que l’on tenait Isaac-Louis de Forant en la plus haute estime. Bien que l’admiration de Maurepas pour son « zèle et talents » puisse paraître purement formelle, François de Beauharnois* qui, en tant qu’intendant de Rochefort de 1710–1711 à 1739 connut bien Forant, évoque en 1739 à propos de celui-ci et de Bigot leur « agrément et leur bon esprit. » Son lieutenant de roi, François Le Coutre* de Bourville, et son ami Bigot firent tous deux son éloge. L’anonyme « habitant de Louisbourg » écrivait aux environs de 1740 : « Il méritoit par son humanité et sa douceur de conduire les hommes. On le craignoit parce qu’on l’aimoit. »

Du fait que Forant n’a exercé ses fonctions de gouverneur de l’île Royale que durant huit mois, il serait illusoire d’essayer d’évaluer quelle aurait été la portée de ses réformes s’il eût vécu. D’un autre côté, bien qu’il n’ait pas su s’attaquer avec vigueur aux problèmes de l’eau-de-vie, de la mutinerie et de l’état de siège à Louisbourg, problèmes dont ses successeurs devront s’occuper, les réalisations de Forant se sont avérées suffisamment importantes pour qu’on leur attribue plus qu’une valeur éphémère.

En collaboration

Archives Maritimes, Port de Rochefort, E, 364, 366, 368.-AN, Col., B, 68, 69, 72 ; Col., C11B, 21, 22 ; Col., D2C, 222, Marine, C1, 161 ; Marine, 4JJ, 7, 8 ; Section Outre-Mer, G2, 185 ; Section Outre-Mer, G3, 2 046.— Louisbourg in 1745 ; the anonymous Lettre d’un habitant de Louisbourg (Cape Breton) containing a narrative by an eye-witness of the siege in 1745, George Wrong, édit. (Toronto, 1897).— Le Jeune, Dictionnaire.— Guy Frégault, Bigot (2 vol., Montréal, 1948), I.— Lauvrière, La tragédie d’un peuple.— McLennan, Louisbourg.

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En collaboration, « FORANT, ISAAC-LOUIS DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/forant_isaac_louis_de_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    2 déc. 2024