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POLSON, MARGARET SMITH (Murray), réformatrice sociale, directrice d’un magazine et fondatrice de l’Imperial Order Daughters of the Empire, née le 1er juin 1844 à Paisley, Écosse, fille de William Polson et de Margaret Maclean, fabricant d’amidon ; le 20 juillet 1865, elle épousa dans cette ville John Clark Murray*, et ils eurent un fils et quatre filles ; décédée le 27 janvier 1927 à Montréal.

Enfant, Margaret Smith Polson montrait un talent remarquable au piano, mais elle n’eut pas l’occasion d’aller poursuivre des études supérieures de musique à l’étranger. Elle resta à la maison et remplit efficacement le rôle dévolu à l’aînée d’une famille de sept enfants. À l’âge de 21 ans, elle épousa John Clark Murray et s’installa avec lui dans le Haut-Canada. Alors professeur de philosophie au Queen’s College de Kingston, il assumerait une fonction semblable au McGill College de Montréal en 1872.

Margaret Smith Polson Murray (elle signait fréquemment de ses deux noms de famille) ne tarda pas à militer dans plusieurs organismes de bienfaisance à Montréal. En 1874, elle-même et six autres femmes préoccupées par les problèmes sociaux, dont Mary McDougall [Cowans*], se réunirent en vue de trouver des moyens d’aider les nécessiteux. Leurs délibérations aboutirent l’année suivante à la fondation de la Young Women’s Christian Association de Montréal, dont la mission initiale était d’accueillir de jeunes Canadiennes et étrangères à leur descente du train ou du bateau et de « veiller à leur bien-être temporel, moral et spirituel ». Les besoins étaient grands et le champ d’intervention ne cessait de s’étendre. Mme Murray assuma la difficile tâche de secrétaire bénévole.

Douée d’un esprit vif et toujours disposée à s’instruire, Margaret Smith Polson Murray assistait aux conférences de la Montreal Ladies’ Educational Association [V. Anne Molson*]. Pour encourager les autres à se perfectionner, elle organisa pour les samedis après-midi une série de divertissements éducatifs. Fidèle à son amour de la musique, elle aida à former une chorale à l’église presbytérienne St Paul. Ses articles rédigés pour le Week de Toronto, un texte intitulé « Women’s clubs in America » et publié dans le Nineteenth Century de Londres ainsi que « The housekeeper under protection », paru dans une autre publication londonienne, la Contemporary Review, témoignent de ses préoccupations sociales et de ses talents d’auteure. Le Young Canadian, qu’elle fonda à Montréal et dont elle était la directrice, démontre son intérêt pour les enfants. Lancé en janvier 1891 et sous-titré « magazine hebdomadaire illustré et patriotique pour les jeunes Canadiens », ce périodique publia sur une variété de sujets des textes écrits par des auteurs canadiens bien connus, mais son existence fut brève. Patriote infatigable, Mme Murray mènerait un groupe de 600 Montréalaises à un rassemblement au square Dominion en août 1914, au moment où l’Empire britannique déclarerait la guerre à l’Allemagne.

Margaret Smith Polson Murray avait joué, dans la création de la Young Women’s Christian Association de Montréal, un rôle équivalent à celui de ses six compagnes, mais elle fut la principale fondatrice d’une autre organisation importante et durable. En 1899, lorsque l’on fit état des premières victimes de la guerre des Boers, elle se trouvait en Angleterre. Elle rapporta que « tout le pays était atterré » mais « prêt à donner […] et à se laisser emporter par la fièvre de la guerre ». D’après elle, les Canadiennes devaient profiter de l’occasion pour « se placer au premier rang du patriotisme colonial » en formant une association capable d’une action prompte et concertée. Peut-être sa ferveur envers l’Empire était-elle sentimentale, mais le fait qu’elle ait reconnu l’existence de trois besoins urgents – réconforter les soldats, soutenir les personnes à leur charge, entretenir les tombes des militaires défunts – montre qu’elle était éminemment pragmatique.

À son retour au Canada, Mme Murray avait une idée précise de l’organisation qu’elle voulait mettre en place. Elle se mit à la tâche sans délai. Le 13 janvier 1900, après « une ou deux rencontres préparatoires chez elle », elle expédia aux maires des grandes villes canadiennes des télégrammes contenant le message suivant : « Les femmes de [votre ville] sont-elles prêtes à se joindre aux femmes de Montréal au sein d’une fédération nommée Daughters of the Empire et à inviter les femmes de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande à s’associer à elles pour envoyer à la Reine un témoignage de notre dévouement à l’Empire et un fonds de secours dont Sa Majesté disposera à sa guise [?] » Deux jours plus tard, elle résumait ses idées dans un communiqué de presse et donnait des entrevues à des journaux montréalais.

Le 1er février 1900, Margaret Smith Polson Murray apprit que le premier chapitre local avait été formé le 15 janvier à Fredericton. Le 13 février eut lieu à Montréal l’assemblée de fondation de l’organisation nationale, la Federation of the Daughters of the Empire (la section juvénile fut baptisée Children of the Empire), dont la devise était Pro regina et patria. Convoquée par Mme Murray, l’assemblée réunit 25 femmes. Encore une fois, Mme Murray choisit le poste de secrétaire bénévole, à partir duquel elle pourrait mener les choses rondement.

Durant l’été de 1900, avec peu d’aide, sinon fort probablement celle de ses deux filles célibataires, Mme Murray accomplit un travail qu’elle qualifierait elle-même d’« absolument prodigieux ». Elle rédigea une constitution détaillée, définit les buts et la structure de l’organisation et imagina des titres spéciaux pour les administratrices, notamment ceux de reine régente, de régente et de porte-étendard. En outre, elle donna des conseils sur la formation des chapitres, le déroulement des assemblées et les projets à entreprendre. Elle envisageait dans les diverses colonies une hiérarchie de chapitres locaux, provinciaux et nationaux qui serait coiffée d’un chapitre impérial installé dans la mère patrie et placé sous l’égide de la reine Victoria. Elle installa l’administration centrale de la fédération canadienne à Montréal même si elle estimait que Toronto, en raison de sa plus forte population britannique, aurait mieux convenu. Par lettre et par télégramme, elle communiqua avec les épouses de notables de tout l’Empire et obtint l’appui de lady Minto, femme du gouverneur général du Canada, lord Minto [Elliot*]. Elle apprit avec satisfaction que bon nombre de chapitres étaient en train de se former, dont quelques-uns aux États-Unis.

Margaret Smith Polson Murray maintint un rythme épuisant tout au long de l’été et de l’automne de 1900. Elle envoya des câbles, des cartes postales et jusqu’à 500 lettres par jour « à des personnes triées sur le volet », rechercha des protecteurs de haut niveau, commanda des insignes, des chéquiers et des exemplaires de la constitution de l’organisme, encouragea l’enseignement de l’histoire dans les écoles ainsi que la création de prix et l’organisation de fêtes patriotiques pour le Jour de l’Empire, communiqua avec le ministère des Affaires indiennes afin que les femmes autochtones puissent adhérer à l’organisme, rédigea un sommaire des objectifs en vue d’une large diffusion, recueillit des fonds, prononça des discours et organisa un immense dîner de bienvenue pour les soldats de retour au pays. Elle était déterminée à « remuer ciel et terre ».

L’entretien des sépultures de guerre était l’une des priorités de Margaret Smith Polson Murray. En vue d’assurer l’identification et l’entretien des tombes (canadiennes et boers, surtout dans les endroits isolés), elle obtint la collaboration du ministère britannique de la Guerre et de la section du Cap de la Guild of Loyal Women of South Africa. Cette association promit d’identifier les sépultures canadiennes, de « garder propres [ces] lieux sacrés [… et] d’y déposer des fleurs à Noël et à Pâques ». Dans le même but, Mme Murray créa un fonds au Canada, au su de lady Minto, du premier ministre du pays, sir Wilfrid Laurier*, et du ministre de la Milice et de la Défense, Frederick William Borden*. Cependant, d’autres groupes s’intéressèrent aux sépultures de guerre et des rivalités surgirent bientôt entre patriotes.

Un organisme aux objectifs semblables à celui de Margaret Smith Polson Murray – rassembler les habitants de l’Empire et entretenir les sépultures de guerre – vit le jour en Angleterre en 1901. Il s’agissait de la Victoria League, qui estimait que Mme Murray empiétait sur son territoire en travaillant pour sa propre cause en Grande-Bretagne. Pendant l’été de 1901, des membres du chapitre torontois des Daughters of the Empire implorèrent leur fondatrice de retourner à Londres pour raffermir leur position. Edith Sarah Louisa Nordheimer [Boulton*], régente du chapitre provincial de l’Ontario, lui envoya un télégramme où elle la pressait d’y aller et de « ne faire aucune concession ». À contrecœur (elle avait démissionné du poste de secrétaire bénévole en février 1901, peut-être pour cause d’épuisement, mais elle avait retiré sa démission et fut réélue à l’assemblée annuelle suivante), Mme Murray se remit en route pour la Grande-Bretagne. Avec son énergie coutumière, elle prépara la création de chapitres nationaux en Angleterre, en Écosse et en Irlande ainsi que d’un chapitre impérial à Londres dont elle serait secrétaire. Elle visita les bureaux de la Victoria League, où elle fut « accueillie de manière tout à fait charmante » et où l’on discuta d’une affiliation. Cependant, une fois de retour à Montréal, elle eut la mauvaise surprise de recevoir une lettre qu’elle qualifia d’« infâme » par la suite. La ligue l’accusait de « déloyauté », exigeait le nom et l’adresse de ses relations à Londres et disait ne pas pouvoir « favoriser la fondation de sections des Daughters of the Empire au Royaume-Uni car cela engendrerait une confusion sans fin et anéantirait l’idée de la Victoria League ».

En constatant que le chapitre ontarien refusait de la soutenir contre la ligue, Mme Murray éprouva « la cruelle amertume [de se voir victime] d’une représentation erronée des faits ». De plus, elle se sentait trahie par lady Minto, qui non seulement fit connaître publiquement l’accusation de la ligue, mais allait tenter de la supplanter dans le dossier des sépultures de guerre. Enthousiasmée par les efforts de Mme Murray, lady Minto avait accepté d’être présidente honoraire des Daughters of the Empire et trésorière honoraire du fonds des sépultures de guerre. Or, en avril 1901, Mme Murray avait appris – ce qui l’avait laissée « bouche bée » – que la femme du gouverneur général recommandait d’attendre la fin de la guerre pour s’occuper des tombes. L’année suivante, tandis que les hostilités continuaient, elle découvrit avec colère que lady Minto avait formé son propre organisme, la Canadian South African Memorial Association, et demandait que les dons ne soient versés qu’à celle-ci. Prise dans un insupportable « dilemme entre loyauté et révolte », Mme Murray n’osa pas faire connaître la trahison de la représentante de la reine. Elle protesta fermement en privé, mais lady Minto tint bon. La rupture entre elles était inévitable.

Margaret Smith Polson Murray n’était pas bien après son deuxième voyage en Angleterre. En octobre 1901, elle demanda aux membres du chapitre provincial de l’Ontario d’assumer la direction. Elles acceptèrent, et le bureau de Toronto devint le siège national. Sous ce nouveau régime, l’organisation prit le nom d’Imperial Order Daughters of the Empire, adopta la devise One flag, one throne, one empire, modifia son insigne et se fit constituer juridiquement en Ontario. Edith Sarah Louisa Nordheimer fut la première élue à la présidence nationale. Fait significatif, les idéaux, les objectifs, la constitution et la structure conçus par Mme Murray ne changèrent à peu près pas. Même le comité des sépultures de guerre continua de collaborer avec la Guild of Loyal Women of South Africa.

Pendant un temps, les rapports entre Mme Murray et quelques-unes parmi les membres de Toronto furent tendus et la confusion régna quant à son statut au sein des Daughters of the Empire. Certaines croyaient qu’elle avait rompu tous ses liens avec l’organisme, mais tel n’était pas le cas. Elle forma un nouveau chapitre à Montréal. Elle correspondait régulièrement avec le bureau national et donnait souvent des avis. Toutefois, de l’hostilité à son endroit se fit jour en 1906. La porte-étendard du chapitre de Hamilton, tout en reconnaissant qu’elle était une « femme merveilleusement douée » et qu’elle avait accompli un « travail stupéfiant », publia un compte rendu très sévère de ses activités antérieures, l’accusant d’avoir laissé l’organisme « dans un grand désordre ». Mme Murray protesta énergiquement et à maintes reprises auprès des membres de la direction nationale, puis, voyant qu’elles refusaient encore une fois de l’appuyer, elle rompit son silence et présenta sa propre version des faits. Dans un vibrant plaidoyer de 94 pages publié en 1907 à compte d’auteure, elle exposa en détail le travail qu’elle avait fait et décrivit dans quel état se trouvaient les Daughters of the Empire (26 chapitres établis, bon nombre d’autres en voie de formation) lorsqu’elle en avait confié la haute direction à Toronto. Comme les Minto ne se trouvaient plus au Canada, elle se sentait libre de donner son opinion au sujet de lady Minto et de la Victoria League. Par la suite, elle se défendit et adressa des reproches à lady Minto dans les pages mêmes du périodique de l’ordre, Echoes (Toronto), ce qui embarrassa la direction nationale.

La situation de Margaret Smith Polson Murray ne s’éclaircit vraiment qu’après la démission de Mme Nordheimer en 1911. On l’invita officiellement en juin 1912 à reprendre son « ancienne place au sein de l’Ordre » et, par la suite, on la nomma membre honoraire à vie. Sa contribution fut pleinement reconnue dans l’adresse – un document richement enluminé – qui lui fut présentée en avril 1915 et par l’insigne – une pièce de joaillerie – que lui remirent quatre ans plus tard les chapitres les plus anciens de la province de Québec.

À la mort de Mme Murray en janvier 1927, des hommages affluèrent du monde entier. L’Imperial Order Daughters of the Empire comptait alors environ 650 chapitres au Canada et quelques-uns dans d’autres parties de l’Empire ; le nombre total des membres dépassait les 30 000. L’ordre était l’une des associations féminines les plus imposantes, les plus actives et les mieux organisées du pays.

Margaret Smith Polson Murray laissait un héritage remarquable. Elle avait éveillé un esprit de patriotisme et de charité chez un nombre incalculable de femmes et d’hommes, popularisé l’idée d’entretenir les sépultures de guerre, contribué à légitimer la participation des femmes à la vie publique et encouragé l’instruction patriotique des enfants. L’organisation qu’elle avait fondée était vigoureuse et souple. Au début du xxie siècle, l’ordre œuvre surtout au Canada, principalement auprès des immigrantes et des femmes autochtones. Cependant, il a conservé des liens solides avec la Grande-Bretagne, son insigne porte toujours la couronne et l’Union Jack et, conformément à la tradition, sa patronnesse est la femme du gouverneur général. Margaret Smith Polson Murray fut inhumée aux côtés de son mari au cimetière du Mont-Royal à Montréal.

Margaret Gillett

Le Répertoire de l’ICMH mentionne 36 numéros, publiés du 28 janv. au 30 sept. 1891, de l’hebdomadaire pour enfants Young Canadian, dont Margaret Smith Polson Murray était la rédactrice en chef. Cette dernière a aussi publié The Federation of the Daughters of the British Empire and the Children of the Empire (junior branch) (Montréal, 1900) et The Daughters of the Empire and the Children of the Empire (junior branch) and the South African Memorial Association : an unwritten chapter of two important imperial movements founded in Montreal, Feb. 1900 (Montréal, 1907).

AN, MG 28, I 8 ; I 17.— General Register Office for Scotland (Edinburgh), Abbey (Paisley), reg. of marriages, 20 juill. 1865.— MUA, MG 3083.— Gazette (Montréal), 28 janv., 3 févr. 1927.— Montreal Daily Star, 16 janv. 1900, 3 févr. 1927.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Encyclopedia Canadiana, K. H. Pearson et al., édit. ([éd. rév.], 10 vol., Toronto, 1975).— Lisa Gaudet, « Nation’s mothers, empire’s daughters : the Imperial Order Daughters of the Empire, 1920–1930 » (mémoire de m.a., Carleton Univ., Ottawa, 1993).— D. C. Hamilton, « Origins of the IODE : a Canadian women’s movement for God, king and country, 1900–1925 » (mémoire de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1992).— [Albert Murray ?], « An intimate sketch », Echoes (Toronto) (mars 1927) : 5.— C. G. Pickles, « Representing twentieth century Canadian colonial identity : the Imperial Order Daughters of the Empire » (thèse de ph.d., McGill Univ., Montréal, 1996).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).

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Margaret Gillett, « POLSON, MARGARET SMITH (Murray) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/polson_margaret_smith_15F.html.

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Auteur de l'article:    Margaret Gillett
Titre de l'article:    POLSON, MARGARET SMITH (Murray)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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