CHAMBERLIN, EDSON JOSEPH, administrateur ferroviaire, né le 25 août 1852 à Lancaster, New Hampshire, fils de Joseph Mark Chamberlin et d’une prénommée Rae Ann ; en 1876, il épousa à St Albans, Vermont, Sara Griffin Place, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 27 août 1924 à Pasadena, Californie.

Edson Joseph Chamberlin étudia dans des écoles élémentaires locales et au Montpelier Methodist Seminary de Montpelier, au Vermont. Engagé en 1871 par le Central Vermont Railroad, il occupa plusieurs postes subalternes avant d’être nommé secrétaire du président et du directeur général. En 1884, il devint surintendant de l’Ogdensburg and Lake Champlain Railroad, qui reliait le Central Vermont au fleuve Saint-Laurent et aux Grands Lacs. Les bateaux du Central Vermont qui faisaient la navette entre Chicago et Ogdensburg, dans l’État de New York, relevaient aussi de sa compétence.

Après avoir travaillé deux ans pour le réseau de l’Ogdensburg and Lake Champlain (il retournerait au Central Vermont Railroad en qualité de président en janvier 1913), Chamberlin s’installa à Ottawa afin d’assumer, le 1er septembre 1886, la direction générale d’une entreprise beaucoup plus imposante, contrôlée par le magnat du bois John Rudolphus Booth : le chemin de fer Atlantique canadien. Grâce à des correspondances avec le Grand Tronc, le Northern Railway et le Central Vermont, le chemin de fer Atlantique canadien était un maillon essentiel du réseau de transport entre le lac Champlain et les lacs Huron, Michigan et Supérieur. À titre de directeur général, Chamberlin s’intéressa également à l’exploitation forestière dans la vallée de l’Outaouais, car le plus gros volume de fret local transporté par l’Atlantique canadien provenait d’entreprises de ce secteur. Durant 17 ans, il fut président de la Colonial Lumber Company Limited, sise à Pembroke, en Ontario.

La présence de Chamberlin au sein de la bonne société d’Ottawa restait discrète. À la fin des années 1890, lui-même et sa femme, une Américaine, habitaient au 333, rue Metcalfe. En 1897, Mme Chamberlin était présidente de l’Ottawa Decorative Art Society. Bien qu’il ait appartenu à plusieurs cercles et ait aimé jouer au golf, Chamberlin ne se laissait guère distraire des chemins de fer. Il faisait partie du conseil d’administration du Montreal, Portland and Boston Railway, mais l’Atlantique canadien demeurait le principal objet de ses préoccupations.

Les trois réseaux transcontinentaux du Canada – le chemin de fer canadien du Pacifique, établi depuis longtemps, le Canadian Northern Railway et le Grand Trunk Pacific Railway / chemin de fer National Transcontinental – tenteraient de s’approprier le chemin de fer Atlantique canadien, à cause de sa position stratégique. Au milieu de 1904, les pourparlers étaient assez avancés pour que l’annonce de son achat par le Canadian Northern semble probable, mais, à la suite d’une intervention ultime du gouvernement fédéral, ce fut le Grand Tronc qui emporta la mise. Cette transaction, exécutoire à compter du 1er janvier 1905, déçut bon nombre des participants des négociations antérieures et amena Chamberlin à quitter sans délai le chemin de fer Atlantique canadien. Toutefois, il conserverait son poste à la Colonial Lumber Company Limited et un domicile à Ottawa. Après sa démission, il s’occupa d’autres chemins de fer au Canada, en Amérique du Sud et au Mexique. Il fonda par exemple la Standard Construction Company, qui obtint des contrats pour construire des tronçons du Morelia and Tacambaro Railway à travers l’État du Michoacán au Mexique. En outre, il fut président de ce chemin de fer.

En 1909, au lendemain de l’accession de Charles Melville Hays* à la présidence du Grand Tronc, Chamberlin fut nommé vice-président et directeur général de la Grand Trunk Pacific Railway Company. Il s’agissait d’une filiale du Grand Tronc dont la ligne principale devait aller de Winnipeg à Prince Rupert, en Colombie-Britannique. Construit par le gouvernement, le chemin de fer National Transcontinental, que la Grand Trunk Pacific Railway Company avait accepté en 1904 de louer dès son achèvement, était censé relier le Grand Trunk Pacific au réseau du Grand Tronc dans l’Est canadien. En 1909, le Grand Trunk Pacific et le National Transcontinental étaient toujours en chantier, mais, déjà mêlé à plusieurs disputes de clocher, le Grand Trunk Pacific n’avait plus très bonne réputation dans l’Ouest. Bien que la construction de sa ligne principale ait été financée en partie par des fonds fédéraux et provinciaux, ses dirigeants furent déçus d’apprendre que, cédant surtout à des pressions de l’Ouest, Ottawa accorderait aussi de l’aide à la société rivale, le Canadian Northern Railway. Le trafic n’était pas assez intense dans l’Ouest pour justifier l’existence de deux nouveaux réseaux transcontinentaux. Le Grand Trunk Pacific était particulièrement vulnérable : le chemin de fer canadien du Pacifique, au sud, et les embranchements du Canadian Northern Railway, au nord, étaient sur le point de le prendre dans un étau. Aussi ne parvint-il jamais à se constituer une clientèle suffisante. Ses perspectives d’avenir s’assombrirent encore davantage à compter du moment où la construction de ses lignes et du National Transcontinental s’avéra bien plus coûteuse que prévu. Pour être rentable, le Grand Trunk Pacific avait besoin que l’immigration et le peuplement se poursuivent à un rythme soutenu durant de nombreuses années.

Un mois après la mort de Charles Melville Hays (il périt dans le naufrage du Titanic en avril 1912), les administrateurs du Grand Tronc nommèrent Chamberlin à la présidence. (On sait que, à ce moment-là, il vivait à Winnipeg.) Pour son malheur, un désastre financier guettait le Grand Trunk Pacific et le chemin de fer National Transcontinental, de même que leur société apparentée, le Grand Tronc. La construction du Grand Trunk Pacific et du National Transcontinental coûtait très cher. Or, emprunter de l’argent devenait plus difficile et beaucoup plus onéreux à cause de la menace de guerre en Europe, et les restrictions imposées à l’émigration par divers gouvernements européens réduisaient le flot d’immigrants vers l’Ouest. Dès le début des hostilités en 1914, le coût et la disponibilité de la main-d’œuvre, du matériel roulant et des approvisionnements constitueraient des problèmes énormes. Chamberlin n’avait pas assez d’envergure pour affronter ces difficultés, peut-être insurmontables d’ailleurs. En août 1913, celui que l’historien des chemins de fer George Roy Stevens a qualifié d’esprit brouillon à la compétence « médiocre » commit une bourde. Il confirma publiquement que la Grand Trunk Pacific Railway Company était obligée de prendre en charge le chemin de fer National Transcontinental lorsqu’il serait achevé. (L’inauguration aurait lieu le 17 novembre 1913.) De plus, il avait le don d’irriter des membres importants du cabinet fédéral, dont le ministre des Finances, William Thomas White*.

Chamberlin et d’autres administrateurs du Grand Tronc réagirent de façons diverses à la crise. Ils tentèrent de limiter les coûts, mais ils sentaient l’urgence de terminer la ligne principale et de l’ouvrir à la circulation. Les modalités selon lesquelles le Grand Trunk Pacific devait louer le chemin de fer National Transcontinental de Winnipeg à Moncton étaient plus problématiques. Comme les coûts de cette ligne excédaient de beaucoup les estimations, elle ne pouvait pas être rentable. Chamberlin s’efforça donc de faire modifier les conditions du bail ou d’y échapper, ou à tout le moins de retarder la prise en charge en trouvant des défauts à des ouvrages estimés satisfaisants par Ottawa. Rien n’y fit. En janvier 1915, le ministre des Chemins de fer et Canaux, Francis Cochrane*, exigea du Grand Trunk Pacific qu’il assume sans délai la responsabilité de la section est. Encore une fois, Chamberlin usa de faux-fuyants. En partie à cause de lui, jamais le Grand Trunk Pacific n’assumerait la charge du National Transcontinental.

Les autorités du Grand Tronc espéraient que le gouvernement prendrait le contrôle des lignes de l’Ouest ou permettrait que le Grand Trunk Pacific soit mis sous séquestre sans entraîner la société mère dans sa faillite. Ottawa choisit plutôt de former, en juin 1916, une commission royale d’enquête dont le mandat serait de recommander des solutions aux problèmes du Grand Tronc, du Grand Trunk Pacific et du National Transcontinental ainsi que du Canadian Northern, qui avait contracté lui aussi de lourdes obligations envers le gouvernement fédéral [V. sir William Mackenzie]. À l’automne, la commission donna à Chamberlin une superbe occasion de montrer « quels obstacles [son entreprise] a[vait] pu rencontrer dans la réalisation de son programme ». Il remit un rapport écrit dont Stevens a dit qu’il était « d’une maladresse consternante ». Par ses violentes critiques contre l’aide accordée au Canadian Northern, sa rhétorique incendiaire et sa défense véhémente des décisions du Grand Tronc – décisions prises d’après des projections beaucoup trop optimistes sur le développement de l’Ouest –, Chamberlin se mit à dos non seulement les commissaires, mais aussi des hommes politiques et des fonctionnaires importants. Par la suite, quand il témoigna en personne, il ne put que confirmer la mauvaise situation du Grand Tronc.

La commission remit son rapport en avril 1917 ; ses membres ne s’entendaient pas tous sur les mesures à prendre. En juin, le gouvernement décida de nationaliser le Canadian Northern et de verser 7,5 millions de dollars au Grand Trunk Pacific, ce qui revenait à prendre en charge le réseau du Grand Tronc. Il faudrait encore deux ans pour parachever ce transfert compliqué, mais de toute évidence le Grand Tronc et son président avaient perdu la bataille. Fâché, Chamberlin, qui n’était plus qu’un vieillard souffrant, démissionna en août 1917. La responsabilité d’obtenir ce que les actionnaires estimaient être une juste compensation incomba à son successeur, Howard George Kelley.

De plus en plus malade, Edson Joseph Chamberlin passa ses dernières années à Pasadena, où il mourut en 1924. Dans la dépêche qui annonçait son décès, la Presse canadienne le décrivit comme « l’un des administrateurs ferroviaires les plus compétents du dominion et l’un de ceux qui a[vait] le mieux réussi ». Les historiens ont rendu, sur sa carrière, un jugement beaucoup plus dur.

Theodore D. Regehr

BAC, RG 31, C1, 1901, Ottawa, Central Ward, div. 8 : 25.— Globe, 28 août 1924.— New York Times, 28 août 1924.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— A. W. Currie, The Grand Trunk Railway of Canada (Toronto, 1957).— Frank Leonard, A thousand blunders : the Grand Trunk Pacific Railway and northern British Columbia (Vancouver, 1996).— H. A. Lovett, Canada and the Grand Trunk, 1829–1924 [...] ([Toronto, 1924] ; réimpr., New York, 1981).— J. N. Lowe, « Canada’s third transcontinental railway : the Grand Trunk Pacific/National Transcontinental railways », Journal of the West (Los Angeles), 17 (1978), nº 4 : 52–61.— Poor’s manual of railroads (New York), 1909.— G. R. Stevens, Canadian National Railways (2 vol., Toronto et Vancouver, 1960–1962), 2.— F. A. [A.] Talbot, The making of a great Canadian railway [...] the construction of the nearly completed Grand Trunk Pacific Railway from the Atlantic to the Pacific [...] (Londres, 1912).— Who’s who and why, 1919–1920.

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Theodore D. Regehr, « CHAMBERLIN, EDSON JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/chamberlin_edson_joseph_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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