Titre original :  Leonard, Bernard

Provenance : Lien

LEONARD, BERNARD, peintre, vitrier, marchand, décorateur d’intérieurs, manufacturier et homme politique, né en 1841 à Enniskillen (Irlande du Nord), fils de Bernard Leonard et de Mary McKenna ; le 7 février 1871, il épousa à Québec Catherine (Kate) Kirwin (Kerwin), et ils eurent huit enfants ; décédé le 20 mars 1924 à Québec.

Bernard Leonard immigra à Québec avec sa famille en 1846. Il ne fit pas de longues études ; formé jeune au métier de peintre par son compatriote Charles McDonald, peintre, quincaillier, marchand de papiers peints et de tapis, il travailla pour ce dernier dès 1863 puis se lança à son compte en 1869, au 8 de la Fabrique. D’abord renommé pour ses travaux de peinture décorative (notamment son décor aménagé en novembre 1871 au Music Hall à l’occasion d’un bal pour souligner le départ du 60th Regiment et, en 1883, ses murales pour l’Hôtel du Parlement), voire pour ses enseignes (prix à l’Exposition provinciale de Québec en 1877), Leonard s’intéressa au fil des ans à d’autres secteurs. Ainsi, dès 1876, il s’annonçait comme vitrier et importateur de papiers peints et de faïences.

Trois ans plus tard, en homme d’affaires avisé, Leonard installa définitivement sa boutique dans la rue Saint-Jean, grande artère commerciale de la haute ville de Québec ; c’est l’actuel numéro 1117 qu’un placard à son nom, logé sous la corniche, identifie encore. L’acquisition de l’immeuble en 1889 correspondit à un tournant important de son entreprise : cette année-là, John Kirwin, l’aîné de ses fils, frais émoulu de l’académie commerciale de Québec, fut intégré dans la compagnie familiale, laquelle comptait déjà une quarantaine d’employés. Devenu l’associé de son père en 1895, John Kirwin se joignit aussi à son frère Bernard James pour former, l’année suivante, la Leonard Brothers, propriétaire du Quebec Shoe Store, magasin de chaussures fines situé à quelques portes de la B. Leonard. En 1900, ce fut au tour de William Henry, l’artiste de la famille, d’entrer dans l’entreprise en devenant l’assistant de Wallace J. Fischer, maître verrier anglais engagé non seulement pour mettre sur pied, en 1896–1897, une manufacture de vitraux mais aussi pour s’occuper des décors peints. Une dizaine d’années plus tard, la compagnie comptait 150 ouvriers. Au départ de Fischer vers 1921, William Henry devint responsable de l’atelier et du magasin de la rue Saint-Jean. Après la mort de leur père, les frères Leonard s’orienteraient davantage vers la décoration intérieure et les vitraux, et délaisseraient la vente de papiers peints, de couleurs, vernis et peinture. La manufacture de vitraux disparaîtrait à la mort de William Henry en 1940. La compagnie serait alors achetée par Ernest Legault, qui s’en départirait vers 1948.

L’installation de la manufacture de vitraux au 31 de la rue Saint-Stanislas, soit à proximité du magasin déjà reconnu comme le plus grand détaillant en papiers peints de l’est du Canada, démontre l’esprit d’entreprise de la famille Leonard. Selon le recensement de 1891, le Québec ne comptait que trois « manufactures de vitraux », toutes situées à Montréal. Bernard Leonard et son fils aîné auront donc voulu profiter de l’engouement créé par la mode des vitraux pour ajouter un secteur prometteur à leur entreprise et se démarquer de la concurrence, en ayant à leur service un véritable artiste peintre sur verre, capable de concevoir et de réaliser de grands ensembles cohérents du point de vue tant de la facture que de l’iconographie. Fischer avait appris son métier en Angleterre, en France et en Allemagne, ce dont témoignent ses travaux, en particulier les verrières religieuses exécutées entre 1897 et 1921. Les 41 vitraux de l’église Saint-Jean-Baptiste de Québec, posés entre 1897 et 1912, demeurent le contrat le plus considérable réalisé par Fischer pour le compte de la B. Leonard. À Québec, on lui doit aussi les verrières des chapelles du séminaire, des ursulines, des augustines et de la Congrégation des hommes de la haute ville, et quelques-unes des fenêtres commémoratives des églises St Matthew, Chalmers, Wesley et Baptist, entre autres. À cette centaine de vitraux toujours en place, il faut ajouter les verrières détruites ou déplacées, comme ce fut le cas pour celles de l’ancienne chapelle Notre-Dame-du-Chemin, qui ont trouvé refuge, en 1986, dans l’église d’Amqui. Ailleurs en province, d’autres vitraux de Fischer sont toujours en place, notamment à Cacouna, Chicoutimi, Deschambault, Saint-Isidore, près de Québec, et à l’île d’Orléans. Outre le vitrail religieux, la maison Leonard conçut et exécuta nombre de vitraux pour des édifices publics, des commerces et des résidences de riches marchands de Québec et même de Montréal. Peu de ces œuvres subsistent ou, comme elles sont rarement signées, elles ne peuvent être identifiées avec certitude. Tout comme les décors intérieurs, elles ont été victimes des modes et des rafraîchissements périodiques, sinon des démolitions.

Ayant assuré l’avenir de ses fils en les intégrant dans son entreprise, Bernard Leonard se consacra progressivement à d’autres occupations. Il s’intéressa à l’exploration minière et fut, en 1907, vice-président de la Chibougamoo Mining Company Limited et de la Great Northern Gold Fields Company. Il participa aussi à la vie municipale. Élu six fois échevin du quartier Saint-Louis entre 1890 et 1906, il fit partie, entre autres, des comités de santé, de l’aqueduc et du feu, expérience qu’il mit certainement à profit comme président de l’Industrial Life Insurance Company, fondée en 1904 dans sa résidence de la rue Grande Allée, avec le concours de Némèse Garneau*, conseiller législatif, Gaspard Le Moine, marchand, et John Kirwin, fils de Leonard. Constituée juridiquement en mai 1905, la compagnie était autorisée à faire des contrats d’assurance contre les accidents, la maladie et sur la vie. De 1905 à 1922, Bernard Leonard en fut choisi annuellement président. La compagnie connut une croissance constante au cours de ses mandats. Dès 1906, deux bureaux furent ouverts à Montréal et un autre à Drummondville. La valeur nette des polices en vigueur passa de 4 764,55 $ à la fin de l’année 1906 à 453 348,11 $ au 31 décembre 1921. En février 1922, John Kirwin succéda à son père à la présidence ; il occuperait ce poste jusqu’en 1944, puis ce serait au tour d’Esmond, le cadet, qui finalement céderait ses actions en 1950, mettant ainsi un terme à l’association de la famille Leonard avec la compagnie. Un portrait de Bernard Leonard, exécuté en 1930 par Lucien-Raoul-Jean Martial et conservé dans l’édifice de ce qui est aujourd’hui L’Industrielle-Alliance Compagnie d’assurance sur la vie, à Québec, rappelle encore ce lien.

Selon l’Album biographique des membres du conseil de ville de Québec, publié par Léon Lortie, Bernard Leonard fut également président vers 1895 de deux organisations irlandaises de Québec, l’Irish Catholic Benevolent Society et l’Institut littéraire Saint-Patrice. Toutefois, c’est surtout par son bon goût allié à un indéniable sens des affaires qu’il s’est taillé une réputation. Il a formé plusieurs artistes et décorateurs. Passer par son entreprise était un gage de réussite, comme le soulignait la Semaine commerciale en mars 1900, à l’occasion de l’ouverture d’un magasin des frères Simard dans la basse ville de Québec : « Ces messieurs ont été dix ans à l’emploi de la maison […] Leonard comme peintres-décorateurs, tapissiers etc. Après de tels états de services, il nous paraît futile de les recommander. »

Ginette Laroche

ANQ-Q, CE301-S98, 7 févr. 1871.— AVQ, QP1-4, 41/0002.— L’Industrielle-Alliance Compagnie d’assurance sur la vie (Québec), Procès-verbaux des assemblées des actionnaires et états financiers, 1905–1930 ; Procès-verbaux des assemblées des directeurs, 1905–1930.— L’Action catholique (Québec), 21 mars 1924, 17 juin 1940.— Daily Telegraph (Québec), 1er janv. 1900.— L’Événement, 21 mars 1924.— Montreal Herald, 8 nov. 1890.— La Semaine commerciale (Québec), 22 déc. 1899, 9 mars 1900.— Annuaire, Québec, 1863–1889 ; Québec et Lévis, 1890–1950.— Canada ecclésiastique, 1914–1920.— The Canadian trade review : an illustrated descriptive edition of the city of Quebec and district, treating of their history, resources, industries, scenery and waterfalls ([Montréal ?, 1908 ?]), 65, 87.— Jacques Lapointe, « Monographie de L’Industrielle, cie d’assurance-vie » (mémoire de m.sc.c., univ. Laval, 1950).— Ginette Laroche, « Des vitraux « made in Quebec » », Cap-aux-Diamants (Québec), 2 (1986–1987), no 3 : 7–9 ; Vitraux (Québec, 1999).— Léon Lortie, Album biographique des membres du conseil de ville de Québec, 1894–95 (Québec, 1895).— La Semaine commerciale ; dépouillement de la « colonne de l’entrepreneur » 1894 à 1913 : le Vieux-Québec, le faubourg Saint-Jean, la Grande-Allée, Robert Caron, compil. (Québec, 1983).— Une page d’histoire de Québec ; magnifique essor industriel ([Montréal, 1955]), 476–482.

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Ginette Laroche, « LEONARD, BERNARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/leonard_bernard_15F.html.

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Auteur de l'article:    Ginette Laroche
Titre de l'article:    LEONARD, BERNARD
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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