VANDERPANT, JOHN (il reçut à la naissance le nom de Jan van der Pant), auteur, photographe et conférencier, né le 11 janvier 1884 à Alkmaar, Pays-Bas, fils aîné de Jan van der Pant et de Catharina Sophia Ezerman ; le 6 juillet 1911, il épousa à Haarlem, Pays-Bas, Catharina Johanna over de Linden (décédée en 1955), et ils eurent un fils, qui mourut en bas âge, et deux filles ; décédé le 24 juillet 1939 à Vancouver.

Jan van der Pant changerait l’orthographe de son nom quelque part entre 1914 et 1919, mais il utiliserait sa forme originale dans des articles publiés aux Pays-Bas dans les années 1920. Il grandit à Alkmaar ; son père était un marchand de tabac et un importateur aux revenus moyens. Héritier de l’entreprise familiale, il y travailla momentanément ; sa vocation, cependant, était ailleurs. Pendant qu’il était inscrit à la faculté de littérature de l’université de Leyde, de 1905 à 1912, il commença à écrire de la poésie, ce qu’il continuerait à faire sa vie durant. Entre 1907 et 1910, il publia des poèmes dans des revues littéraires néerlandaises. Il fut de plus l’auteur dun livre intitulé Verzen (Vers), paru à Haarlem en 1908. En janvier 1908, sa première photo, une scène hivernale, fut reproduite dans Nederland in rijp […] (Les Pays-Bas recouverts de frimas), publié à Koog-Zaandijk (Zaanstad). Il développa aussi un intérêt, qu’il conserverait toute sa vie, pour la musique, l’histoire des langues et les philosophies spirituelles ; plus tard, la Science chrétienne et la théosophie éveilleraient sa curiosité.

En 1910, étudiant à l’université, Vanderpant commença à travailler comme journaliste-photographe pour la revue amsterdamoise Op de Hoogte (Bien informé), malgré le fait qu’il n’avait pas de véritable formation de photographe. De 1910 à 1914, il publia des articles illustrés sur des pays comme les Pays-Bas, l’Italie, le Portugal et le Canada. Séduit par la beauté des paysages canadiens et intéressé par les possibilités que présentait le Nouveau Monde, il y immigra avec sa femme en 1911. Au cours des deux années suivantes, ses articles et ses photos montrant les avantages qu’offrait le Canada aux agriculteurs hollandais parurent dans des revues et des journaux de son pays natal. En 1912, il travailla provisoirement pour le gouvernement canadien, en donnant des conférences aux Pays-Bas sur les intérêts de l’immigration.

Vanderpant ouvrit son premier studio de photographie commerciale en 1912 dans la petite ville d’Okotoks, en Alberta. Peu après, il créa deux autres studios : un à Fort Macleod, l’autre à Pincher Creek. Même si les affaires de Vanderpant prospéraient, sa femme et lui souffraient des privations de la vie à Okotoks. En 1919, ils s’installèrent à New Westminster, en Colombie-Britannique, où Vanderpant mit sur pied le Columbia Studio. La nouvelle de son talent se répandit et, pendant l’entre-deux-guerres, ses portraits furent parmi les meilleurs au Canada. Utilisant des poses fascinantes et des éclairages innovateurs, Vanderpant faisait ressortir les caractéristiques intrinsèques de ses clients, en créant ce qu’il appelait des images « vivantes ». Un de ses portraits les plus célèbres, réalisé en 1929, est celui de l’écrivain et philosophe indien Rabindranāth Tagore. Ses modèles de renom comptèrent, entre autres, l’auteur Bertram Richard Brooker*, le poète William Bliss Carman*, la pianiste et compositrice Jean Coulthard*, les artistes Alexander Young Jackson* et Frederick Horsman Varley*, et le Hart House String Quartet.

En 1921, Vanderpant avait rencontré le photographe Harry Upperton Knight* ; inspiré par son style pictural, il s’évertua à reproduire un effet de peinture. Il commença à photographier des paysages et des objets usuels, et présenta ses images en noir et blanc dans des expositions locales et des salons internationaux. En utilisant un procédé d’imprimerie au bromure d’argent, des papiers mats légèrement teintés et un appareil photo Ansco équipé d’une lentille anastigmatique f/6,3, il obtint un flou artistique évocateur. Ses travaux eurent du succès ; ils furent reproduits dans de nombreuses revues européennes et américaines. Ses photos furent les seules du Canada à faire partie de l’exposition de la Royal Photographic Society of Great Britain, en 1922. Deux ans plus tard, un musée d’art de San Francisco acheta sa photo The window’s pattern pour sa collection permanente. L’année suivante, Vanderpant présenta une exposition en solo à l’Hotel Vancouver et une autre, parrainée par la Royal Photographic Society, à Londres. Il devint fellow de la société en 1926. Ses études lui valurent tant de reconnaissance entre 1922 et 1926 qu’il affirmerait plus tard pouvoir peser ses médailles « à la livre [… et] tapisser un mur de ses diplômes ». De 1925 à 1934, ses œuvres furent présentées partout au Canada, aux États-Unis et en Europe. En 1934, il fut le premier artiste de Vancouver à tenir une exposition individuelle au Seattle Art Museum. La Vancouver Art Gallery exposa ses photos en 1932 et en 1937, et présenta une rétrospective de son travail en 1940. En 1976, la Galerie nationale du Canada parrainerait une exposition de ses œuvres qui ferait le tour du pays.

Vanderpant déclara avoir été influencé principalement par les travaux des photographes américains Alvin Langdon Coburn, Edward Steichen et Clarence Hudson White. Il développa un style unique, souvent motivé par des considérations spirituelles, qui alliait des gros plans hors contexte, des angles inhabituels, des tons doux et un éclairage dramatique pour évoquer la beauté sensuelle des objets de tous les jours. Souvent, il rognait, maquillait, agrandissait ou retouchait une image afin de mettre ses « idées en lumière ». Même s’il ne rejeta jamais complètement le pictorialisme, il avait peut-être amorcé sa transition vers des études de plus en plus abstraites d’objets naturels et ordinaires dès 1926. Des gros plans de fleurs, de fruits, de légumes et de cols de chemise de lin, associés à son « jeu de lumière et d’ombre », comptent parmi ses études qui eurent le plus de succès. Les commentaires d’un critique inconnu, en 1925, disant que son travail ne reflétait pas l’« esprit » canadien, l’avaient amené à diriger son appareil photo vers les élévateurs à grain en béton de la côte Ouest. Selon la conservatrice Rosemary Donegan, ces photos caractéristiques sont maintenant connues comme « des images symboliques de l’architecture industrielle canadienne ».

À l’instar de Coburn, Steichen et White, Vanderpant chercha à faire reconnaître la photographie en tant qu’art. En 1920, il avait inauguré le premier New Westminster Photographic Salon et, trois ans plus tard, le New Westminster International Salon of Pictorial Photography, qui eut lieu annuellement jusqu’en 1929. Ce dernier et le premier International Master Salon of Pictorial Photography de Vancouver, tenu par Vanderpant en 1927, furent les seuls salons internationaux dans l’Ouest pendant les années 1920. Entre 1919 et 1930, il n’y eut que deux autres salons internationaux au Canada, à Toronto et à Ottawa. Depuis 1923, Vanderpant avait fait paraître des articles sur la photographie dans des publications étrangères ; en 1924, il commença à donner des conférences dans des clubs de photo, des associations de photographie et des groupes d’art locaux, nationaux et internationaux. Il parla (souvent pour les défendre) des mouvements progressistes dans les domaines de l’architecture, la musique, la peinture, la photographie et la poésie. Il voyait l’artiste comme un « canal » ou un « interprète », qui aidait les « masses » à comprendre que « l’art est la connaissance de la vie exprimée avec des formes esthétiques, des motifs, des rythmes et des relations entre les couleurs […, que c’est] l’écho de l’absolu ». Ses commentaires furent d’une importance capitale pour les photographes amateurs du Canada, puisqu’il leur était difficile de communiquer entre eux (il n’y aurait pas de revue nationale de photographie avant la fin des années 1960). En 1935, sous les auspices de la Galerie nationale, Vanderpant voyagea dans tout le Canada pour parler de photographie ; deux ans plus tard, la University of Alberta patronna ses conférences à Edmonton, Calgary et Lethbridge.

Vanderpant influença de nombreux photographes canadiens, dont Johan Anton Joseph Helders*, décrit par l’archiviste Joan Marsha Schwartz comme « le pictorialiste amateur exceptionnel du Canada » des années 1920 et 1930. De plus, d’après l’historienne de l’art Melissa K. Rombout, Vanderpant pourrait aussi avoir été à l’origine de l’attention portée par le portraitiste renommé Yousuf Karsh* à la photographie d’art dans les années 1930 ; en effet, des négatifs de Karsh « suggèrent une connaissance des vues architecturales spectaculaires et abstraites de Vanderpant et un intérêt [pour ces dernières] ».

En 1926, avec le journaliste et critique d’art Harold Mortimer Lamb, Vanderpant avait ouvert les Vanderpant Galleries (comprenant un studio de photographie) au 1216, rue Robson, à Vancouver. Leur partenariat prit fin après un an, en raison de désaccords financiers et artistiques, mais Vanderpant persévéra seul ; les galeries devinrent un point de convergence dans la ville pour des travaux nouveaux et modernes en photographie, peinture, musique et poésie. Les œuvres d’un certain nombre d’artistes canadiens prometteurs, et souvent controversés, y étaient régulièrement exposées. En 1931, Vanderpant organisa deux expositions importantes aux galeries. Des toiles d’Emily Carr*, Max Singleton Maynard*, Charles Hepburn Scott et William Percy Weston, membres du groupe des Sept, ainsi que d’autres artistes, furent montrées en avril. En septembre, Vanderpant présenta le travail de deux photographes américains ; c’était une première exposition au Canada pour Imogen Cunningham et une deuxième pour Edward Weston.

De 1928 à 1936, Vanderpant donna des soirées de musique enregistrée, qu’il faisait jouer sur son gramophone Columbia. Vancouver n’avait pas encore d’orchestre symphonique et ceux qui assistaient à ces réceptions frissonnaient de joie en entendant la musique des « vieux maîtres » et les enregistrements d’œuvres modernes, que Vanderpant importait d’Europe et des États-Unis. Les membres de la British Columbia Art League, de l’Arts and Letters Club de Vancouver et de la Vancouver Poetry Society (Vanderpant appartenait aux trois) se rencontraient régulièrement aux galeries, de même que les étudiants de la Vancouver School of Decorative and Applied Arts. Des artistes comme Varley et James Williamson Galloway Macdonald*, surnommé Jock, se rendaient fréquemment à son domicile.

En 1930, Vanderpant reçut une commande prestigieuse ; il devait reproduire « l’esprit et le progrès du chemin de fer », à l’occasion du jubilé du chemin de fer canadien du Pacifique de 1931. Choisi parce qu’il avait de l’« imagination et la capacité de faire beaucoup avec peu », il passa six semaines à voyager de la Colombie-Britannique jusqu’au Québec et prit environ 1 000 photos. Malheureusement, ces images ne sont pas identifiées dans les archives de la compagnie.

La grande dépression fit mal à Vanderpant et, en 1934, sa famille et lui durent vendre la maison qu’ils avaient construite à Vancouver seulement quatre ans auparavant. Ils s’installèrent dans les logements étroits au-dessus des galeries de la rue Robson. En 1937, des amis artistes comme Varley et Philip Henry Surrey* avaient quitté Vancouver. La solitude et un sentiment croissant d’isolement artistique s’ajoutèrent à la santé défaillante de Vanderpant ; atteint d’un cancer du poumon, il diminua sa production artistique et ses filles reprirent son entreprise. Il mourut chez lui, soutenu par sa famille et ses croyances spirituelles.

Homme plein de vivacité, innovateur et doté d’un sens de l’humour désabusé, John Vanderpant fut un pilier de la photographie au Canada durant les années 1920 et 1930. Grâce à ses divers domaines d’activité, il joua un rôle de catalyseur dans la communauté isolée des beaux-arts de Vancouver. Ses compositions dramatiques et ses efforts pour défendre l’art canadien représentent une partie essentielle de l’histoire de la photographie et de l’histoire culturelle de la nation.

Sheryl Salloum

Arch. privées, Sheryl Salloum (Vancouver), corr. entre Sheryl Salloum et Melissa K. Rombout, 1993.— BAC, R2991-0-3.— Norman Hacking, « Cabbages and cameras », Vancouver Province, 30 nov. 1935.— A. J. Birrell et al., le Cœur au métier : la photographie amateur au Canada, de 1839 à 1940, Lilly Koltun, édit. ([Ottawa], 1984).— A. F. Currie, « The Vanderpant musicales », The paint box (Vancouver), 1928 : 48.— Rosemary Donegan, Images industrielles, Maurice Arcand, trad. (catalogue d’exposition, Art Gallery of Hamilton, 1988).— J. [A. J.] Helders, « How I make my exhibition prints : methods and ideals of well-known pictorial workers », Amateur Photographer & Cinematographer (Londres), 21 oct. 1931 : 385.— C. C. Hill, John Vanderpant : photographies (catalogue d’exposition, Galerie nationale du Canada, Ottawa, 1976).— Sheryl Salloum, « Fine grain », Vancouver, juin 1990 : 48–51 ; « John Vanderpant and the cultural life of Vancouver, 1920–1939 », BC Studies (Vancouver), no 97 (printemps 1993) : 38–50 ; « John Vanderpant’s vibrating “voice” and vision », Photographic Canadiana (Toronto), 25 (1999–2000), no 2 : 8–11 ; Underlying vibrations : the photography and life of John Vanderpant (Victoria, 1995).

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Sheryl Salloum, « VANDERPANT, JOHN (Jan van der Pant) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/vanderpant_john_16F.html.

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Auteur de l'article:    Sheryl Salloum
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2014
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