BETHUNE, CHARLES JAMES STEWART, ministre de l’Église d’Angleterre, enseignant et entomologiste, né le 11 août 1838 dans le canton de West Flamborough, Haut-Canada, troisième fils d’Alexander Neil Bethune* et de Jane Eliza Crooks ; neveu de John* (1791–1872), de James Gray*, d’Angus* et de Donald Bethune* ; cousin de Norman Bethune* ; petit-fils de John Bethune* (1751–1815) et de James Crooks* ; grand-oncle de Henry Norman Bethune ; le 21 avril 1863, il épousa à Toronto Harriett (Harriet) Alice Mary Forlong (1844–1898), et ils eurent deux fils et quatre filles ; décédé le 18 avril 1932 dans cette ville et inhumé à Cobourg, Ontario.

Issu d’une éminente famille d’origine écossaise, Charles James Stewart Bethune étudia à Toronto, à l’Upper Canada College, puis au Trinity College, où il obtint une licence ès arts en 1859 (avec mention très bien en lettres classiques et bien en mathématiques) et une maîtrise trois ans plus tard. On lui décernerait un doctorat honorifique en droit civil en 1883. Ordonné diacre de l’Église d’Angleterre en 1861, il devint prêtre l’année suivante ; l’évêque John Strachan* présida les deux cérémonies. On le nomma tout d’abord vicaire à l’église St Peter, à Cobourg, où son père était recteur. Quelque temps après, il épousa Alice Mary Forlong, fille de James Forlong, lieutenant-colonel du 43rd Foot. À l’exception d’une courte période en 1863–1864, où il servit comme vicaire dans le village de Carlton, près de Selby, dans le Yorkshire (North Yorkshire), en Angleterre, il demeura à Cobourg jusqu’en 1866. Il accepta ensuite son unique poste de pasteur de paroisse, à la mission de la rivière Crédit (Mississauga), dans le comté de Peel ; puis, pendant plusieurs années, il supervisa la construction d’églises à Dixie (Mississauga) et à Port Credit (Mississauga). Même s’il se dirigerait vers l’enseignement et la recherche scientifique, Bethune jouerait un rôle actif au sein de son Église tout au long de sa vie. Il fut délégué aux synodes diocésains et provinciaux durant de nombreuses années, secrétaire ecclésiastique honorifique du synode du diocèse de Toronto de 1869 à 1871 et du synode général de l’Église d’Angleterre au Canada de 1902 à 1908.

En 1870, après avoir refusé une première offre, Bethune se laissa convaincre par son père d’accepter le poste de directeur de la Trinity College School, fondée en 1865 par William Arthur Johnson* à Weston (Toronto) et réinstallée à Port Hope en 1868. Bethune y demeura 29 ans. L’école, qui ne possédait ni dotation ni même un bâtiment complet à son arrivée, devint au cours de cette période un des établissements d’enseignement pour garçons les plus prestigieux au Canada. Cependant, le parcours ne fut pas de tout repos. De dures crises économiques marquèrent la fin des années 1870 et des années 1880, et la Trinity College School subit quatre incendies en quatre ans ; le dernier, en 1895, détruisit ses bâtiments presque entièrement. En 1890, écrasé par sa charge de travail de plus en plus lourde, Bethune demanda au conseil d’administration de le soulager de certaines de ses responsabilités. Il remplit des fonctions de surveillant durant trois ans, tandis que le révérend Arthur Lloyd occupait le poste de directeur. Quand ce dernier démissionna, en 1893, Bethune revint à la direction. Il passa six autres années éprouvantes à la tête de l’école. Sa femme succomba à des blessures subies dans un accident de fiacre, dont les chevaux s’étaient emballés. Il se retira peu après et partit vers le sud-est, à London, où il vécut jusqu’en 1906.

Il subsiste peu de traces de cette période de la vie de Bethune à London, mais, chose certaine, il se consacra principalement à l’entomologie. Il s’intéressait au sujet depuis l’enfance. Il avait commencé à étudier et à collectionner sérieusement les insectes dans les années 1850, pendant ses années de premier cycle au Trinity College. Le professeur de chimie Henry Holmes Croft*, lui-même entomologiste amateur, mit Bethune en relation avec un pharmacien à London, William Saunders*, également naturaliste et collectionneur d’insectes. Devenus amis, Bethune et Saunders entreprirent de compiler et de publier une liste d’entomologistes, afin de faciliter les rapports entre les personnes qui partageaient cet intérêt. Leur travail, effectué avec l’aide de Croft, conduisit, le 16 avril 1863, à la création de l’Entomological Society of Canada. Bethune fut nommé secrétaire-trésorier en 1864. Sept ans plus tard, il devint président de l’organisation alors rebaptisée Entomological Society of Ontario. Outre ses trois mandats à la présidence (1871–1875, 1890–1892 et 1912–1913), il occupa les fonctions de vice-président, de membre du conseil, de bibliothécaire et de conservateur de la collection d’insectes. Il fut rédacteur en chef de la revue de la société, le Canadian Entomologist, de 1868 à 1873 et de 1886 à 1909. Après qu’il eut renoncé à son travail à cause de sa vision déclinante, on lui donna le titre de rédacteur en chef émérite.

À la fin du xixe siècle, on commençait à reconnaître l’intérêt de l’entomologie pour l’agriculture nord-américaine. Les contemporains de Bethune, dont James Fletcher*, Charles Gordon Hewitt* et Norman Criddle, finirent par le considérer comme l’un des meilleurs entomologistes économiques au Canada. En 1870, à la demande du Bureau of Agriculture and Arts de la province (qui deviendrait le département de l’Agriculture en 1888), Bethune participa à la préparation du premier Annual report on the noxious insects of the province of Ontario. Il contribuerait à chaque rapport annuel durant les trois décennies suivantes. La société recevait une subvention annuelle de 400 $ pour ce travail de longue haleine. Celle-ci augmenta à 1 000 $ quand l’organisme provincial commanda une étude spéciale sur le doryphore. « Ce qui fit vraiment la fortune de la société, déclarerait Bethune dans son discours présidentiel de 1913, fut l’invasion de l’Ontario par le doryphore. »

Le 1er juin 1906, Bethune, âgé de 67 ans, devint professeur et directeur du département d’entomologie et de zoologie de l’Ontario Agricultural College de Guelph. Il conserverait ce poste jusqu’à sa retraite, en octobre 1920. Pendant ces 14 ans, il fit de son département une unité d’enseignement et de recherche solide, et beaucoup de ses étudiants se distinguèrent dans leur domaine. Bethune publiait régulièrement. Parmi ses publications les plus notables figurent Insects affecting vegetables, Common insects affecting fruit-trees et Insects of the northern parts of British America, version allégée et annotée de la quatrième partie (The insects), rédigée par William Kirby et parue à Londres en 1837, du livre rare Fauna Boreali-Americana, édité par John Richardson*. En outre, Bethune préparait chaque année la Bibliography of Canadian entomology, signait les rubriques entomologiques de deux journaux de Toronto, le Canada Farmer et le Weekly Globe, et cofonda l’American Association of Economic Entomologists. Son influence déterminante dans le domaine se traduisit par son élection à la Société royale du Canada, à l’American Association for the Advancement of Science et à l’Entomological Society of America (qu’il dirigea en 1913) ; il agit aussi à titre de membre correspondant d’autres sociétés scientifiques au Canada, aux États-Unis et en Angleterre.

Tout au long de sa carrière d’homme de science, Bethune conserva une profonde ferveur religieuse. Dans sa vie quotidienne, il pratiquait avec aisance, en compagnie d’entomologistes amateurs tout autant que professionnels, l’entomologie économique, la collection, l’identification et la classification de spécimens. Il croyait cependant fermement à la création divine et évitait catégoriquement la discussion des idées, soutenues entre autres par Charles Darwin, autour de l’origine et de l’évolution des espèces. Dans un éditorial pour le Canadian Entomologist en 1871, Bethune dévoila un indice de ses convictions en invitant ses collègues passionnés d’insectes à participer à la découverte des « sublimes beautés de structure, de forme et de couleur de ces merveilles [issues] de la puissance du Créateur ». Des années plus tard, quand un étudiant lui demanda pourquoi Dieu avait créé les papillons, Bethune répondit simplement : « [P]arce que le Seigneur garde un œil sur [ce qui est] beau. »

Quand Charles James Stewart Bethune mourut subitement à l’âge de 93 ans, à Toronto, le Canadian Entomologist nota qu’« il avait conservé intact au fil des ans cet esprit vif qui faisait le délice de tous ceux qui le connaissaient ». « L’entomologie au Canada, poursuivait-on, lui doit beaucoup. Sa mort nous sépare d’un lien avec les débuts de la science dans ce pays. » Homme sérieux et aimable à la longue barbe blanche (qui amena ses étudiants à le surnommer « le bouc », à l’époque où il dirigeait la Trinity College School), Bethune eut un parcours remarquable : outre sa contribution à l’histoire des origines de l’entomologie en Amérique du Nord, il connut du succès avec des réalisations dans les domaines de la religion et de l’éducation, au cours de sa « vie longue mais très occupée et utile », comme le décrivit le Canadian Entomologist. La Bethune House, résidence pour les étudiants pensionnaires masculins de la Trinity College School, lui rend hommage.

Cedric Gillott

Charles James Stewart Bethune a dirigé la revue Canadian Entomologist (London, Ontario, etc.) de 1868 à 1873 et de 1886 à 1909, et a compilé la Bibliography of Canadian entomology […] (Ottawa) pendant de nombreuses années. Il a de plus été l’éditeur de la rubrique entomologique des journaux Canada Farmer et Weekly Globe, publiés à Toronto, et a contribué à l’Annual report on the noxious insects of the province of Ontario […] (Toronto) pendant 30 ans à partir de 1871. Il a écrit Common insects affecting fruit-trees (Toronto, 1907), et Insects affecting vegetables (Toronto, 1909). Il a aussi fait paraître une série d’articles intitulés « Insects of the northern parts of British America » dans Canadian Entomologist, 2–13 (1870–1881), et une monographie sous le même titre (s.l., [1876 ?]). Le Canadian Entomologist (45 (1913) : 353–356) décrit son allocution présidentielle de 1913 à l’Entomological Soc. of Ontario.

BAC, R233-34-0, Ontario, dist. Durham East (51), sous-dist. Port Hope (B), div. 3 : 14 ; R233-35-2, Ontario, dist. Durham East (127), sous-dist. Hope (A), div. 1 : 5 ; R233-36-4, Ontario, dist. Durham East (58), sous-dist. Hope (B), div. 1 : 42.— A. W. Baker, « A short history of the Entomological Society of Ontario », Canadian Entomologist, 71 (1939) : 14–20.— Canadian biographical dictionary and portrait gallery of eminent and self-made men (2 vol., Toronto, 1880–1881), Ontario vol.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— « Charles James Stewart Bethune, m.a., d.c.l. », Canadian Entomologist, 64 (1932) : 97–98.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), vol. 3.— A. H. Humble et J. D. Burns, The school on the hill : Trinity College School, 1865–1965 (Port Hope, Ontario, 1965).— Arnold Mallis, American entomologists (New Brunswick, N.J., 1971).— « Our third volume », Canadian Entomologist, 3 (1871) : 1–2.— Paolo Palladino, Entomology, ecology and agriculture : the making of scientific careers in North America, 1885–1985 (Amsterdam, 1996).— « The Rev. Charles James Stewart Bethune, m.a., d.c.l., f.r.s.c., born 1838, died 1932 », Trinity College School Record (Port Hope), 35 (décembre 1931–juillet 1933), no 3 : 3–5.— John Richardson et al., Fauna Boreali-Americana […] (4 part., Londres, 1829–1837), part. 4 (William Kirby, The insects, 1937).— T. J. Spilman, « Vignettes of the presidents of the Entomological Society of America, 1889–1989 », Entomological Soc. of America, Bull. (Washington), 35 (1989), no 3 : 33–65.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), vol. 1.

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Cedric Gillott, « BETHUNE, CHARLES JAMES STEWART », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bethune_charles_james_stewart_16F.html.

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Auteur de l'article:    Cedric Gillott
Titre de l'article:    BETHUNE, CHARLES JAMES STEWART
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2022
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