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GLEN, ANNIE (baptisée Eliza Ann) (Broder), musicienne, conférencière, auteure et professeure, née probablement le 18 août 1857 à Agra, Inde, cadette des enfants (trois au moins) de William Glen et d’Eliza Harriet Davis ; vers 1900, elle épousa, probablement à Regina, Richard W. C. Broder (décédé le 11 septembre 1924), veuf et père de trois fils ; décédée le 19 août 1937 à Calgary.
Pendant plus de 30 ans, Annie Glen Broder fut la plus éminente accompagnatrice, professeure et critique musicale de Calgary. Née dans la forteresse d’Agra, près du Tāj Mahal, cette femme séduisante, qui préférait se vêtir à la mode victorienne, était une véritable enfant de l’Empire britannique. Son père, le révérend William Glen, était un missionnaire qui, disait-on, avait été officier de cavalerie au moment de la naissance d’Annie et qui, vers la fin de sa carrière, avait peut-être travaillé pour l’Oriental School établie par le gouvernement de l’Inde en 1870. Son grand-père paternel, missionnaire écossais, prénommé William lui aussi, avait traduit la Bible en persan. Élevée dans un village près de Londres, Annie remporta une bourse pour s’inscrire à la National Training School of Music ; elle y étudia à l’époque où Arthur Seymour Sullivan en était le directeur (1876–1880). Élève brillante, elle reçut une formation à la fois en chant et en piano. Sullivan l’invita aux premières productions des spectacles qu’il créa avec William Schwenck Gilbert ; en mai 1877, elle assista, au Royal Albert Hall, à des concerts mettant à l’affiche la musique du compositeur Richard Wagner, qui dirigeait lui-même l’orchestre.
Dans les années 1880 et 1890, Mlle Glen eut une carrière bien remplie. Elle donna de nombreux récitals, interprétant entre autres des chansons d’Alexander Campbell Mackenzie, directeur de la Royal Academy of Music à compter de 1888, et de Gabriel Fauré. Elle connaissait des gens remarquables, comme le pianiste et compositeur Otto Moritz David Goldschmidt et sa femme, la célèbre chanteuse Jenny Lind. L’un de ses professeurs était John Stainer, reconnu surtout pour ses contributions à titre de compositeur, d’organiste et de musicologue dans le domaine de la musique d’église. Conférencière populaire, Mlle Glen agrémentait d’illustrations musicales les causeries sur l’accompagnement au piano qu’elle donnait notamment à Oxford, Winchester et Peterborough en Angleterre, et à Dublin. À la suite de sa prestation à la University of Oxford, le philologue et orientaliste réputé Friedrich Max Müller, qui était aussi un pianiste talentueux, l’invita pour le repas du midi. Ce serait grâce à ses relations avec des personnalités du monde musical britannique qu’elle réussirait, après son installation à Calgary, à convaincre l’Associated Board of the Royal Schools of Music de tenir des examens dans cette ville. Sa certitude que les élèves de Calgary feraient bonne figure se confirma : entre 1909 et 1939, 16 d’entre eux remportèrent l’une des 50 bourses que l’organisme décerna à des Canadiens.
Mlle Glen était douée pour l’écriture autant que pour l’art oratoire. En 1889, Oscar Wilde, qui était à ce moment-là rédacteur en chef du magazine Woman’s World, accepta deux articles qu’elle lui proposa, l’un sur les peignes dans l’histoire et la littérature, le second sur la musique comme profession pour les femmes. L’année suivante, elle en soumit encore deux, l’un sur le caractère national et l’étiquette dans les pays européens, l’autre sur le chant dramatique comme métier pour les femmes. Au début des années 1890, elle rédigea des textes précédés de courtes partitions pour le magazine Little Folks. Consciente de l’absence d’un ouvrage didactique de référence sur l’accompagnement au piano, elle décida d’en écrire un, sans se laisser décourager par ceux qui, comme Sullivan et Stainer, alléguaient qu’un tel manuel était impossible à produire. En 1893, elle publia How to accompany, dont une édition augmentée parut en 1894 et fut réimprimée en 1905. Ce manuel voulait permettre aux élèves d’« étudier de façon graduelle des œuvres musicales de grande difficulté » et présentait, en exemples, de petits extraits de diverses pièces. Les quatre premiers chapitres portaient principalement sur d’anciennes ballades et poèmes lyriques, et traitaient de sujets tels que la mémorisation de la structure des gammes et l’utilisation efficace des pédales. Les chapitres suivants décrivaient les défis que soulevaient les chansons de compositeurs contemporains, dont Gounod, Grieg et Berlioz, et la façon d’interpréter au piano les parties orchestrales complexes d’opéras et d’oratorios. L’auteure définissait l’accompagnement comme une « science » plutôt que comme un art et parlait de compétences pratiques qui font toujours partie du bagage nécessaire à tout bon accompagnateur.
Le mariage de Mlle Glen avec Richard W. C. Broder, d’origine irlandaise, amènerait celle-ci à Regina, dans les Territoires du Nord-Ouest. Ils s’étaient apparemment rencontrés de nombreuses années auparavant, peut-être à Belfast. En 1883, Broder et sa première femme, Emily, avaient immigré au Canada et, en 1890, avaient obtenu une concession foncière dans une région qui deviendrait la partie sud de la Saskatchewan. On le décrivait comme un « gentleman instruit » qui avait été professeur en Angleterre.
Mlle Glen arriva au Canada à l’automne de 1900. Il semble que Broder, devenu veuf, lui avait écrit pour lui demander de le rejoindre et, pour des raisons inconnues, elle avait accepté. Plus tard, elle déclarerait que, même si elle n’avait pas eu « l’intention première de poursuivre [sa] carrière de musicienne, le besoin criant de développement en matière de formation musicale rendait impératif [ce] travail novateur ». (Il est possible que des considérations financières aient également joué un certain rôle.) Elle donna des leçons et collabora à une production de l’opéra-comique HMS Pinafore avec John Stoughton Dennis, commissaire adjoint au ministère fédéral des Travaux publics. En 1903, les Broder partirent vivre plus loin vers l’ouest, quand Dennis, désormais employé de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, l’invita à Calgary « pour prendre en main la situation musicale », comme elle le dirait plus tard. Richard W. C. se mit à faire de l’élevage en ranch, et Annie devint immédiatement la figure centrale et grandement estimée du petit univers musical de la ville à titre d’organiste de la Pro-Cathedral Church of the Redeemer (église anglicane), et en tant que professeure, récitaliste, compositrice et critique musicale pour le Calgary News Telegram, puis pour le Calgary Daily Herald ; elle écrivit également pour le Provincial Standard et le Morning Albertan de Calgary. Parmi ses élèves se trouvait Muriel Aileen Preston, qui épouserait le futur premier ministre Ernest Charles Manning*. Celle-ci se souvenait de Mme Broder comme d’une enseignante merveilleuse, stricte mais disposée à laisser les élèves livrer leur interprétation personnelle d’une œuvre : « Elle vous laissait exprimer votre propre voix. » En 1904, Mme Glen Broder travailla de nouveau avec Dennis, cette fois à la première canadienne de la pièce de Samuel Coleridge-Taylor, The atonement ; d’autres productions suivirent. Elle participerait également à des projets tels que la National Music Week de Calgary et l’Alberta Music Festival.
La prolifique auteure incluait toujours son nom de jeune fille avant le nom de son mari. (À la mort de ce dernier, en 1924, la notice nécrologique publiée dans le Calgary Daily Herald indiqua qu’il avait été le « mari d’Annie Glen Broder ».) Les titres de ses compositions musicales et poèmes révèlent son dévouement pour son pays d’adoption. Peu après son arrivée à Calgary, elle avait écrit l’une de ses œuvres les plus populaires, une marche pour la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest, qui ferait partie du répertoire des fanfares de cette formation pendant de nombreuses années. Parmi ses autres compositions figurent Song of the chinook, Northern harvest et Calgary, city of the foothills. Elle faisait la critique de spectacles présentés par des chanteurs et musiciens du coin, dont Odette de Foras, l’une de ses élèves, ainsi que de concerts et récitals donnés par des célébrités et des groupes internationaux, notamment Mary Kathleen Parlow*, violoniste originaire de Calgary, Percy Aldridge Grainger, Jascha Heifetz, Sergueï Vassilievitch Rachmaninov, Amelita Galli-Curci, Fritz Kreisler, le London String Quartet et les Westminster Glee Singers. Elle animait des causeries sur la musique et la culture, et était très en vue dans les activités socioculturelles de la ville ; par exemple, elle joua le rôle d’hôtesse pour l’éleveur et homme d’affaires Patrick Burns quand il donna une réception en l’honneur de la chanteuse Isabelle Burnada, le 19 mai 1927, et quand il reçut la visite du gouverneur général lord Willingdon [Freeman-Thomas*] en 1928. Mme Glen Broder effectua plusieurs séjours prolongés en Angleterre, où elle combinait le travail d’écriture au plaisir de participer à des événements particuliers prisés par l’élite. Au couronnement d’Édouard VII, en 1902, elle fut correspondante spéciale pour le Globe et le Manitoba Free Press de Winnipeg, et, pour ce dernier, rédigea en 1911 un compte rendu du couronnement de George V. Pour le Calgary Daily Herald, elle commenta l’inauguration, en 1925, de la Canada House à Londres, puis la commémoration du soixantième anniversaire de la Confédération, à l’occasion d’un office à l’abbaye de Westminster deux ans plus tard. Âgée de plus de 70 ans, elle représenta le Canada à l’Anglo-American Music Conference à Lausanne, en Suisse.
Mme Glen Broder mourut après avoir contracté une pneumonie. Le Calgary Daily Herald la décrivit comme « une figure de l’élégance victorienne, [qui] maintint son port distingué de figurine de saxe jusqu’à la fin. Quand elle descendait l’allée d’une salle de concert pour se rendre à son fauteuil de critique, la moitié de l’auditoire reconnaissait son chapeau à plumes enveloppé de tulle rose pâle. » Frank Michel Wright Harvey, président du conseil d’administration de l’Orchestre symphonique de Calgary, lui rendit un hommage en disant que « son influence était considérable et ses connaissances musicales apparemment inépuisables ».
En tant que musicienne, critique, auteure et professeure talentueuse, Annie Glen Broder eut une vie créative riche et gratifiante en Angleterre et au Canada, à une époque où il existait peu de possibilités de carrière pour les femmes. Dans le sud de l’Alberta, cette Anglaise accomplie, très sûre d’elle, apporta une contribution majeure, car elle compte parmi les premiers commentateurs, organisateurs et enseignants en matière de culture à Calgary. Une grande partie de ce qu’on sait sur l’éclosion de la vie musicale de la ville provient de ses critiques de concerts dans les journaux locaux. Au début du xxe siècle, l’influente et imposante Mme Glen Broder régna en souveraine comme grande dame de la musique à Calgary.
Nous remercions sincèrement Kat Hammer et Muriel Preston Manning de leur aide dans les recherches pour la préparation de cette biographie. Phyllis Chapman Ford a fourni une description physique d’Annie Glen Broder au cours d’une conversation avec Donald B. Smith le 11 janvier 2003. Nous avons donné nos notes sur Mme Glen Broder aux GA de Calgary.
La publication la plus importante d’Annie Glen avant qu’elle ne quitte l’Angleterre pour le Canada en 1900 est : How to accompany : a guide to the artistic accompaniment of any musical composition […] (Londres, [1893] ; éd. nouvelle et augmentée, [1894] ; réimpr., [1905]). Elle a notamment rédigé des articles pour le périodique Woman’s World (Londres), dont « Music as a profession for women », 82–85, et « Combs », 430–434, en 1889, et « National character and etiquette », 32–34, et « Dramatic singing as a career for women », 491–493, en 1890. Dans la revue Little Folks (Londres), elle a publié deux séries en 6 parties, l’une en 1892 : « Little toilers and their tunes », 22–24, 94–96, 166–167, 230–231, 233, 326–328, 381–382, et l’autre en 1894 : « Famous homes of music », 46–48, 75–77, 162–164, 245–247, 334–336, 373–375. Les GA possèdent des photocopies de ces travaux, ainsi que de nombreux articles, recensions et poèmes qu’Annie Glen Broder a écrits après son arrivée au Canada ; ces archives conservent également, dans le fonds Annie Glen Broder (M 6258), ses « Memoirs of a musical pioneer » (ser.1, file 1), ainsi que D. J. Currie, « Annie Glen Broder – pioneer musician of Calgary » (ser.1, file 2) et nombre de papiers personnels. Un instrument de recherche est disponible sur le site Web des GA.
Selon sa pierre tombale à l’Union Cemetery de Calgary, Mme Glen Broder serait née le 18 août 1857, alors que, selon le recensement du Canada de 1906, ce serait plutôt le 6 mai 1863. Dans les recensements d’Angleterre, on a noté qu’elle avait 3 ans en 1861 et 13 ans en 1871. Ces sources, entre autres, estiment qu’elle serait née en 1858.
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Ron Bond et Donald B. Smith, « GLEN, ANNIE (baptisée Eliza Ann) (Broder) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/glen_annie_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/glen_annie_16F.html |
Auteur de l'article: | Ron Bond et Donald B. Smith |
Titre de l'article: | GLEN, ANNIE (baptisée Eliza Ann) (Broder) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |