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IRWIN, CAROLINE LOUISA JOSEPHINE (Wells), maîtresse de maison et dentiste, née le 5 août 1856 à Aurora, Haut-Canada, fille de Charles Irwin et de Catharine (Catherine) Tyson ; le 7 mars 1877, elle épousa au même endroit John Wells, et ils eurent deux filles et trois fils ; décédée le 17 mars 1939 à Toronto et inhumée à Aurora, Ontario.
Caroline Louisa Josephine Irwin (Wells), première femme autorisée à pratiquer la dentisterie en Ontario et l’une des premières au Canada, fut aussi une pionnière des soins dentaires dans les hôpitaux psychiatriques au pays. Elle poursuivit une carrière d’environ 35 ans en milieu privé et en milieu institutionnel. Sa vie, comme celle de bien des femmes de son époque, avait été façonnée essentiellement par ses liens familiaux ; ce furent ses rôles d’épouse et de mère qui la menèrent à devenir une précurseure des femmes en dentisterie.
Josephine, comme on l’appelait, était l’aînée des six enfants d’une famille membre de l’Église méthodiste New Connexion, qui joignit ensuite les Disciples du Christ. Elle grandit à Aurora, où son père travaillait comme meunier. Selon les archives du Royal College of Dental Surgeons of Ontario [V. Barnabas W. Day*], elle reçut « une bonne instruction publique pendant sa jeunesse ». En 1877, à 20 ans, elle épousa un agriculteur de la région, John Wells, âgé de 24 ans, qui partageait sa foi dans les Disciples du Christ. En quelques années, ce dernier, qui avait abandonné l’agriculture pour l’enseignement, fut admis à la School of Dentistry de Toronto, dirigée par le Royal College of Dental Surgeons of Ontario ; il obtint son diplôme en terminant premier de sa promotion en 1882. À cette époque, Josephine s’occupait de leur famille grandissante. Leur fille Mabel était née en 1880 et leur fils Charles Pearson l’année d’après ; Arthur Tyson arriverait en 1883 (il allait mourir dans le mois suivant sa naissance) et Edith Muriel, en 1884. Une fois diplômé, John exerça à Meaford, puis à Aurora.
Vers 1889, les Wells partirent vivre à Toronto, où John ouvrit un cabinet dans leur résidence. Sa santé déclina et il devint vite apparent qu’il ne pouvait plus assurer la survie de son entreprise et pourvoir aux besoins de sa famille tout seul. Le couple contacta des membres du conseil de réglementation des dentistes de l’Ontario pour inscrire Mme Wells à la School of Dentistry, espérant qu’elle puisse se joindre au cabinet de son mari ou peut-être en prendre les commandes. Même s’il n’était pas rare que les femmes assistent leur mari dentiste en exécutant diverses tâches de soutien, Mme Wells (parmi d’autres) en faisait apparemment davantage : dans sa demande d’admission, en 1891, elle expliqua, comme le nota le conseil, « que depuis quelques années, elle [avait] accompli la majeure partie du travail au cabinet ». Elle désirait être acceptée malgré l’absence de « tout certificat de compétence qui justifierait son inscription ».
Mme Wells semble avoir été la première femme à solliciter son admission à cette école. L’entrée en médecine de certaines femmes, dont Emily Howard Jennings* Stowe et Jenny Kidd Gowanlock* Trout dans les années 1860 et 1870, avait suscité une forte opposition, tout comme l’inscription en droit de Clara Brett Martin* au début des années 1890. Aucune archive ne suggère cependant que Mme Wells souleva la controverse avec sa demande d’admission en dentisterie. Elle témoignerait du soutien qu’elle reçut de James Branston Willmott*, directeur de l’école, et affirmerait qu’elle n’avait connu « que de la gentillesse, de l’aide et de l’encouragement de la part de tous ». Les dirigeants de l’école voulaient prêter main-forte à John Wells – leur ami, collègue et ancien étudiant émérite – en ces temps difficiles. Le conseil de réglementation accepta la demande d’inscription de Mme Wells en mars 1891 et celle-ci devint officiellement l’apprentie de son mari. Durant ses deux années à l’école, elle s’appuya sur l’aide de parents et d’amis pour s’occuper de ses trois jeunes enfants.
Mme Wells obtint de bons résultats à ses examens finaux en dentisterie appliquée, probablement grâce à l’expérience qu’elle avait acquise au cabinet de son mari, mais sa formation limitée en sciences lui causa des problèmes dans les autres cours. Néanmoins, après avoir passé des épreuves supplémentaires, elle termina le programme de médecine dentaire à l’automne de 1893, obtint sa licence le 20 octobre et commença à traiter des patients à son domicile. Deux ans plus tard, elle fut accueillie unanimement au sein de l’Ontario Dental Society. Pour saluer son statut de « première dame dentiste sur [sa] liste », elle fut élue membre honoraire avec droit de vote, initiative de ses collègues masculins qui s’efforçaient d’être des « gentlemen », peut-être afin qu’elle soit exemptée des frais d’adhésion ordinaires. Dans les années 1930, Mme Wells se souviendrait que, tout en exerçant à Toronto, elle travaillait aussi à Aurora, à Woodbridge, à King (King City) et à Maple, à raison d’une journée par mois à chaque endroit. « Ce fut, dit-elle, un rude combat – mais je gardai notre famille unie et j’aimais réellement le travail que j’avais entrepris. »
Mme Wells réussit les examens et décrocha un doctorat en chirurgie dentaire au Trinity College en 1899, un an après la mort de sa fille cadette. Elle interrompit ensuite temporairement sa carrière en 1900 pour mettre au monde son cinquième enfant, Dalton Courtright. En 1903, elle publia un court article sur les soins dentaires chez les enfants, qu’elle avait lu devant la Toronto Dental Society. Après la mort de son mari, victime d’une défaillance cardiaque l’année suivante, elle continua d’exercer de chez elle, à l’intersection de la rue College et de l’avenue Spadina, puis rue Bathurst et, plus tard, avenue Boustead.
À l’instar de pionniers en matière de soins dentaires publics, tel que John Gennings Curtis Adams*, Mme Wells s’intéressa rapidement au traitement des personnes démunies et en institution. Au début des années 1900, elle commença à travailler, d’abord à temps partiel, dans des établissements provinciaux où elle prodiguait des soins aux patients d’hôpitaux psychiatriques à Toronto, à Mimico, à Orillia et à Hamilton, ainsi qu’aux détenues de l’Andrew Mercer Ontario Reformatory for Females à Toronto et, dans la même ville, aux filles de l’Alexandra School for Girls. Dans la soixantaine, elle ferma son cabinet privé et se concentra sur son travail dans les hôpitaux ; à un moment donné, elle se vit confier la direction des soins dentaires de tous les hôpitaux provinciaux de l’Ontario. Elle prit sa retraite en 1928, à 72 ans, mais, jusqu’à sa mort, le 17 mars 1939, elle resterait en contact avec ses collègues et, surtout, avec d’autres femmes dentistes. Lorsque, en 1937, on l’interrogea sur « le secret de la jeunesse à 81 ans », elle répondit : « Je ne suis pas dupe […] de toutes ces bêtises sur ma jeunesse. Mais, toutefois, je vais vous donner mon avis : la recette pour rester jeune […] est de se tenir occupé et de penser aux autres. »
Caroline Louisa Josephine Wells fut non seulement la première femme autorisée à exercer la dentisterie en Ontario et une instigatrice de la prestation de soins dentaires dans les hôpitaux psychiatriques au Canada, mais aussi la première Canadienne à publier dans une revue d’odontologie et, probablement, à obtenir un doctorat en chirurgie dentaire. Même si peu de femmes suivirent immédiatement ses traces (seulement quatre autres intégrèrent la profession en Ontario avant 1910), elle leur fraya le chemin. La dentisterie n’était pas une carrière facile pour les femmes à la fin du xixe siècle et au début du xxe. On jugeait la profession inappropriée pour celles-ci à l’époque ; par conséquent, les patients étaient rares. De plus, étant donné l’équipement spécialisé, le mobilier et les outils nécessaires, les coûts entourant la création et la gestion d’un cabinet étaient élevés ; cela restreignait la participation des femmes et forçait même les plus tenaces à s’associer à des hommes dentistes ou à partager avec eux leur bureau, ce que fit Mme Wells pendant quelque temps. Ces difficultés rendent ses réalisations vraiment remarquables. Ses enfants doivent également être considérés parmi ses accomplissements : des trois qui atteignirent l’âge adulte, Mabel travailla comme enseignante avant de se marier, Charles Pearson fut au service du ministère fédéral des Postes pendant 50 ans, et Dalton Courtright devint avocat et juge en chef de la Cour suprême de l’Ontario.
Caroline Louisa Josephine Irwin a publié, sous le nom de Josephine Wells, « Don’ts on children’s teeth », Dominion Dental Journal (Toronto), 15 (1903) : 360.
AO, RG 22-305, no 88081 ; RG 80-5-0-70, no 12455 ; RG 80-8-0-300, no 31310.— UTARMS, A1973-0026 (Univ. of Toronto, dept. of graduate records), box 505, file 27 (Wells’s clippings) ; A1982-0003 (Univ. of Toronto, faculty of dentistry), box 002 (minutes of the board), pp.290–291, 350, 371, 387 ; box 009 (student and licentiate reg. (1868–1924)).— « “Be busy, think of others” : young octogenarian’s tip », Toronto Daily Star, 5 juin 1937 : 18.— « First woman dentist dies », Globe and Mail, 18 mars 1939 : 4.— « First woman to get dental degree dies », Toronto Daily Star, 18 mars 1939 : 30.— T. L. Adams, A dentist and a gentleman : gender and the rise of dentistry in Ontario (Toronto, 2000).— D. W. Gullett, A history of dentistry in Canada (Toronto, 1971).— Royal College of Dental Surgeons of Ontario, Dispatch anniversary issue […] (Toronto, 1993).
Tracey L. Adams, « IRWIN, CAROLINE LOUISA JOSEPHINE (Wells) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/irwin_caroline_louisa_josephine_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/irwin_caroline_louisa_josephine_16F.html |
Auteur de l'article: | Tracey L. Adams |
Titre de l'article: | IRWIN, CAROLINE LOUISA JOSEPHINE (Wells) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 8 déc. 2024 |