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LARICHELIÈRE, JOSEPH-ÉMILE-PAUL (baptisé Joseph-Paul-Émile), officier d’aviation, né le 3 décembre 1912 à Montréal, fils de Georges Larichelière, commis, et d’Émiline Marsan ; décédé célibataire le 16 août 1940 au-dessus de la Manche.
Joseph-Émile-Paul Larichelière, souvent prénommé Paul, grandit à Montréal. Durant sa jeunesse, il vécut avec sa famille au 278, avenue du Parc-La Fontaine. Il étudia à l’école Saint-Joseph jusqu’en 1927, puis à l’école supérieure Saint-Louis, dirigée par les Clercs de Saint-Viateur, pendant deux ans. Il fréquenta l’université de Montréal de 1931 à 1933 et suivit des cours en arts à temps partiel à la McGill University en 1935–1936 ; il n’obtint apparemment aucun diplôme de ces deux établissements. Durant ses années à la McGill University, il consacra beaucoup de temps au Flying Club de l’université, qui exploitait un planeur à partir de l’aéroport de Saint-Hubert.
Larichelière quitta le Canada pour l’Angleterre en août 1939 afin d’étudier l’aéronautique à la University of Cambridge. Il goûta à la vie estudiantine pendant moins d’un mois, car la déclaration de guerre le poussa bientôt à s’inscrire à la No. 22 Elementary and Reserve Flying Training School de la Royal Air Force (RAF), à Cambridge. Il poursuivit son entraînement à Kidlington, près d’Oxford.
Dans les lettres qu’il envoya chez lui, Larichelière affirme avoir accompli trois « missions spéciales » sur le continent entre janvier et mars 1940. Il semble fort peu probable qu’on lui ait donné l’ordre d’effectuer de telles missions : même s’il parlait allemand, en plus de l’anglais et de son français natal, Larichelière était un officier subalterne en formation. Il apparaît également assez invraisemblable que ce genre d’opération ait eu lieu pendant ce qu’on appellerait la drôle de guerre, soit les quelques mois, au début du conflit, au cours desquels aucun des camps ne lança d’attaques. La situation changerait totalement avec la chute de la France.
À la fin de son programme, Larichelière reçut une commission à court terme de quatre ans. On le nomma sous-lieutenant d’aviation le 18 mai 1940 ; le même jour, il se présenta à la No. 6 Operational Training Unit, unité d’entraînement avancé des pilotes de chasse de la RAF à Sutton Bridge, où il conduisit principalement un Hawker Hurricane, chasseur monoplan monoplace. Avec la défaite de la France et la progression des troupes d’Adolf Hitler vers la Manche, Larichelière eut finalement une formation d’une semaine seulement. Le 25 mai, on l’affecta au No. 213 Squadron de la RAF, à Wittering. L’escadrille avait participé à la bataille de France et patrouillerait la Manche durant toute la bataille d’Angleterre.
Dès le 2 juin, Larichelière s’entraînait au vol en formation et aux manœuvres de combat avec son escadrille. Le 11 juin, il effectua sa première patrouille offensive, traversant la Manche avec 11 autres Hawker Hurricanes. Les chasseurs virent des avions allemands, mais n’attaquèrent pas. Le 19 juin, le No. 213 Squadron était à Exeter, où on l’avait relocalisé. Tout au long du mois de juillet, Larichelière prit part à des patrouilles côtières, en section ou en escadrille, sur la côte de la Manche, à l’est et à l’ouest de la ville, souvent pour escorter un convoi de navires. Le rythme des opérations augmenta en août 1940, lorsque les Allemands commencèrent à concentrer leurs attaques sur les aérodromes britanniques et les infrastructures de la RAF. Même s’il se trouvait à l’ouest de la zone de combat principale, le No. 213 Squadron se mit à croiser encore plus d’avions allemands au cours de ses rondes.
Larichelière devint un pilote de chasse efficace, comme le montrent ses rapports de combat. Le 13 août, les Allemands assaillirent l’île de Portland avec des bombardiers rapides Junkers Ju 88. En tant qu’ailier de section, Larichelière suivit son chef à la poursuite d’un avion ennemi. Lorsqu’il creva les nuages, il aperçut, attaqua et endommagea un Junkers Ju 88 ; il le poursuivit durant 15 minutes, puis l’abattit au-dessus de la Manche. Pendant qu’il tournait autour de l’épave, Larichelière se fit surprendre par un chasseur monoplace allemand Messerschmitt Bf 109 ; il s’échappa en montant en flèche dans les nuages. Quand il redescendit, il avisa le pilote du Bf 109 en train d’inspecter les débris. Il tira une rafale de trois secondes de ses huit mitrailleuses, mettant le feu à l’appareil ennemi qui s’écrasa à 500 mètres du premier.
De retour dans le ciel à trois heures vingt-cinq de l’après-midi, pour sa quatrième patrouille de la journée, Larichelière crut alors voir une bombe tomber dans l’eau en dessous de lui. S’élevant à travers les nuages épais pour en chercher l’origine, il émergea au milieu d’une formation de chasseurs Messerschmitt. Par le tir d’une courte rafale, il fit exploser un Bf 110 bimoteur, puis replongea dans les nuages.
Le 15 août, en fin d’après-midi, Larichelière et sa section survolaient l’île de Portland, et rencontrèrent encore plusieurs avions allemands. Le jeune pilote piqua vers un Bf 110 et lâcha une brève rafale. Dans son rapport de combat, il note avoir vu la « verrière du cockpit s’envoler et des aviateurs sauter ». L’avion allemand s’écrasa en mer. Tandis que Larichelière remontait dans une mince couche de nuages, il aperçut un bombardier en piqué Junkers Ju 87 qui battait en retraite. Il se lança à ses trousses et tira deux rafales : « [J’ai vu] toutes sortes de morceaux et de pièces voltiger », et le bombardier fila vers l’océan en tournoyant, consignerait-il. Il reprit de l’altitude et manœuvra juste en dessous d’un autre Bf 110 ; il s’en rapprocha et « lui tira une longue rafale dans le moteur gauche. La moitié de l’aile éclata et le Bf 110 sembla faire la roue, vrilla et s’écrasa finalement dans la mer. » Larichelière retourna ensuite à la base, à court de munitions. En l’espace de trois jours, il avait abattu six appareils ennemis, qu’il avait tous vus s’écraser ou exploser. Selon les Britanniques, les combats acharnés du 15 août avaient coûté 75 avions aux Allemands : cela constituerait leur plus grande perte de forces aériennes au cours de la bataille d’Angleterre (du 10 juillet au 31 octobre).
Le lendemain, 16 août, Larichelière effectua deux vols. Le No. 213 Squadron rencontra des avions ennemis au large de l’île de Wight. Larichelière ne revint pas de la seconde sortie. On ne retrouva ni son Hawker Hurricane ni son corps. Supposément abattu au-dessus de la Manche, il compte parmi les huit pilotes de la RAF perdus ce jour-là.
Le Runnymede Memorial, à Englefield Green, près de Windsor, en Angleterre, commémore le souvenir des hommes et des femmes du Commonwealth morts au cours d’opérations menées à partir de bases aériennes au Royaume-Uni et en Europe de l’Ouest durant la Deuxième Guerre mondiale et sans sépulture connue. Le pilote de chasse Joseph-Émile-Paul Larichelière se trouve parmi eux, au nombre de plus de 20 000 personnes. Son nom est également gravé dans le bronze sur le Battle of Britain Monument, à Londres, et figure au tableau d’honneur de la Deuxième Guerre mondiale de la McGill University.
Joseph-Émile-Paul Larichelière représente bien les jeunes Canadiens des années 1930 désireux de jouer un rôle dans l’aviation, mais incapables de s’enrôler dans l’Aviation royale du Canada – minuscule section militaire à l’époque – ou d’entrer dans l’aviation civile. Certains reçurent un entraînement dans le cadre du programme de service militaire à court terme de la RAF. Plusieurs autres, formés comme pilotes de chasse, participèrent à la bataille d’Angleterre : 47 aviateurs canadiens perdirent ainsi la vie. Plus tard au cours de la guerre, les survivants deviendraient les dirigeants de la RAF et de l’Aviation royale du Canada.
Ancestry.com, « Registres d’état civil et registres paroissiaux (Collection Drouin), Québec, Canada, 1621 à 1968 », Saint-Louis-de-France (Montréal), Joseph-Paul-Émile Larichelière, 1912 : www.ancestry.ca/search/collections/1091 (consulté le 11 mars 2024).— BAC, R233-114-9, Québec, dist. Saint-Jacques (200), sous-dist. quartier Saint-Jacques, Montréal (3) : 6.— Canada, Ministère de la Défense nationale, Dir. Hist. et patrimoine (Ottawa), dossier biogr. sur J.-E.-P. Larichelière.— NA, AIR 27/1315 (No 213 Squadron : operations record book).— Le Devoir, 1er mai 1941.— Gazette (Montréal), 2 mai 1941.— Annuaire, Montréal, 1919–1937.— Canada, Royal Canadian Air Force, Air Hist. Section, Among the few : a sketch of the part played by Canadian airmen in the Battle of Britain (July 10th – October 31st, 1940) (s.l., 1948).— R. C. Fetherstonhaugh, McGill University at war, 1914–1918, 1939–1945 (Montréal, 1947).— John Keegan, The Second World War (Londres, 1989).
Owen A. Cooke et Mark Ashmore, « LARICHELIÈRE, JOSEPH-ÉMILE-PAUL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/laricheliere_joseph_emile_paul_16F.html.
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Auteur de l'article: | Owen A. Cooke et Mark Ashmore |
Titre de l'article: | LARICHELIÈRE, JOSEPH-ÉMILE-PAUL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2024 |
Année de la révision: | 2024 |
Date de consultation: | 9 déc. 2024 |