Titre original :  BM1-5P1809-02 - Archives de Montréal

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RINFRET, FERNAND (baptisé Louis-Édouard-Fernand), journaliste, auteur, rédacteur en chef, homme politique et professeur, né le 28 février 1883 dans la paroisse Saint-Jacques, Montréal, fils de François-Olivier Rinfret, avocat, et de Marie-Julie-Albina (Albina) Pominville ; le 4 juin 1908, il épousa à Ottawa Berthe Lemoyne de Martigny, et ils n’eurent pas d’enfants ; séparé en décembre 1912 ; décédé le 12 juillet 1939 à Los Angeles et inhumé huit jours plus tard au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal.

On sait très peu de choses sur l’enfance de Fernand Rinfret, sinon qu’il est né dans une famille montréalaise vraisemblablement aisée. Son père, François-Olivier Rinfret, meurt en 1885, alors que ses trois garçons sont en bas âge. Sa mère, Marie-Julie-Albina Pominville, se remarie en 1892 avec Arthur Gagnon, inspecteur et auditeur bancaire. L’aîné de ses frères, Thibaudeau*, suit les traces paternelles en poursuivant une carrière en droit. À partir de 1924, il siégera à la Cour suprême du Canada, dont il sera le juge en chef de 1944 à 1954. L’autre frère, Charles, travaille dans le domaine de l’horlogerie dans la région de Montréal. Quant au jeune Fernand, il entame des études au collège Notre-Dame de Côte-des-Neiges (Montréal), qu’il continue au collège Sainte-Marie à Montréal, où il obtient un baccalauréat ès arts en 1900. Durant ces années, il se découvre une passion pour la littérature, la musique et les arts, qu’il conservera tout au long de sa vie.

Au mois de juin 1908, Rinfret s’unit à Berthe Lemoyne de Martigny ; leur contrat de mariage n’est toutefois jamais enregistré, ce qui entraînera des problèmes avec la succession. Le couple se sépare en décembre 1912. Le 14 novembre 1939, peu après la mort de Rinfret, le premier ministre libéral William Lyon Mackenzie King* indiquera dans son journal personnel que Berthe lui a dit avoir « causé sa rupture avec Rinfret en s’enfuyant avec un autre homme et l’épousant aux États-Unis ».

Après ses études, Rinfret est devenu secrétaire adjoint de Raymond Préfontaine*, ancien maire de Montréal, organisateur libéral et ministre de la Marine et des Pêcheries dans le cabinet du premier ministre libéral sir Wilfrid Laurier*. Ces premiers contacts le rapprochent du parti. Rinfret se tourne vers le journalisme au début du xxe siècle. Il travaille d’abord pour quelque temps au journal libéral l’Avenir du Nord de Saint-Jérôme, où il signe des articles littéraires et politiques qui appuient le parti, parfois sous le pseudonyme de Paul Destrée (au cours de sa carrière, il utilisera aussi ceux de Graindorge et de Pierre Simon). Il rassemble certains d’entre eux dans deux études critiques publiées en 1906 à Saint-Jérôme sur des poètes Canadiens français : la première sur Octave Crémazie* (Études sur la littérature canadienne-française : première série, les poètes : Octave Crémazie) et la seconde sur Louis Fréchette* (Louis Fréchette). Élu membre de la Société royale du Canada en 1920 dans la section consacrée à la littérature française, l’histoire, l’archéologie et la sociologie, fait chevalier de la Légion d’honneur en décembre 1925, et récipiendaire d’un doctorat en lettres honoris causa de l’université Laval en 1937, Rinfret verra d’ailleurs ses qualités de littéraire reconnues.

Rinfret devient correspondant parlementaire pour le Canada en 1907. Ce quotidien montréalais, fondé en 1903, constitue l’organe francophone du Parti libéral. Rinfret accède au poste de rédacteur en chef en 1909, succédant à Godfroy Langlois*, limogé parce qu’il ne respectait plus la ligne du parti. Sur ce point, le nouveau rédacteur sera irréprochable. Ainsi, le 15 septembre 1914, chargé par Laurier, alors chef de l’opposition, de répliquer aux analyses éditoriales du directeur du Devoir, Henri Bourassa*, sur les circonstances ayant mené à la Première Guerre mondiale et sur la participation canadienne au conflit, il écrit : « [N]ous tenons à donner aux événements et aux textes ce que nous croyons être leur véritable signification. Et ce désir s’augmente en nous de celui de dissiper toute équivoque, dans l’esprit de nos compatriotes anglais, sur le sentiment canadien-français et sur l’attachement inviolable, hors de la plus légère arrière-pensée, que la mère-patrie a trouvé en nous au seuil de cette guerre. » Rinfret visite l’Angleterre et le front en France en 1918 avec une délégation de journalistes canadiens. Il publie ses impressions dans les pages du Canada et sous la forme d’une brochure intitulée Un voyage en Angleterre et au front français. En mars 1919, il signe dans le Canada une série d’articles, qu’il fait paraître en brochure sous le titre le Libéralisme de Laurier, sur la carrière de cet homme politique, qui « chercha toute sa vie le progrès de son pays : [d]ans la tolérance ; dans la conciliation entre les différents éléments qui composent notre pays ; dans le respect des croyances de chacun ; dans l’autonomie parfaite du Canada au sein de l’empire ; dans la liberté souveraine du suffrage populaire ». Son passage à la direction du Canada prend fin en 1926 ; il marque une période de souplesse et de modération par rapport aux tons respectifs de Langlois et d’Olivar Asselin, qui prendra les commandes quatre ans après son départ. Passionné par le journalisme, Rinfret se tourne également vers l’enseignement de ce métier à l’université de Montréal, où il devient professeur en 1921.

Rinfret appartient au Club de réforme de Montréal, dont le but consiste à soutenir le Parti libéral du Canada, et le préside en 1916–1917. Il est président honoraire de la Société canadienne d’opérette incorporée, membre du Club Saint-Denis, du Cercle universitaire de Montréal, de l’Alliance française d’Ottawa et de la commission de la bibliothèque de Montréal (1917–1920), ainsi que directeur de l’Institut Bruchési, qui offre des soins contre la tuberculose. Amateur de sports, il agit, au moins au tournant des années 1930, à titre de directeur du club de hockey Canadien, présidé par Louis-Athanase David*, secrétaire de la province de Québec, et est membre à vie de l’Association athlétique d’amateurs nationale [V. Raoul Dumouchel] et de la Montreal Amateur Athletic Association.

Rinfret est élu pour la première fois dans la circonscription fédérale de Saint-Jacques à l’élection partielle du 7 avril 1920, à la suite de la mort du député libéral Louis Audet-Lapointe. Les libéraux, alors majoritaires dans la province de Québec, forment l’opposition à la Chambre des communes. Rinfret demeurera député de la même circonscription, toujours sous l’étiquette libérale, jusqu’à sa mort en 1939. En 1926, il accepte le poste de secrétaire d’État du Canada, que lui offre le premier ministre King. Dans son journal, celui-ci indique, le 22 septembre, qu’il nomme Rinfret à cette fonction, parce que « c’était le ministère pour quelqu’un qui aimait la littérature et avait des talents littéraires ». Toutefois, sans trop l’expliquer, il se dit rapidement déçu de sa recrue. Il reconnaît les grandes qualités oratoires de Rinfret, qui s’exprime habilement dans les deux langues, et vante ses discours à plusieurs reprises, mais s’inquiète de ses mauvaises habitudes, qui, selon lui, le détruisent physiquement. Rinfret assume cette fonction jusqu’à ce que les conservateurs de Richard Bedford Bennett* prennent le pouvoir en 1930. Même si sa présence diminue à la Chambre des communes après son passage à l’opposition, il fait quelques bons discours, notamment, comme le rapporte King le 18 juin 1931, quand il attaque, « sans gants », le gouvernement au sujet de l’augmentation du fardeau fiscal des contribuables et de la baisse simultanée de celui de Bennett et autres millionnaires.

Un mandat à la mairie de Montréal, de 1932 à 1934, occasionnera aussi à Rinfret des absences en Chambre. Ses contacts dans la machine libérale, et plus particulièrement avec le premier ministre de la province de Québec, Louis-Alexandre Taschereau*, l’incitent à poser sa candidature, sollicitée dans le but de remplacer Camillien Houde*, qui dirige à ce moment-là une métropole plongée en pleine crise financière, et de faire opposition au projet de canalisation du fleuve Saint-Laurent. Le 4 avril 1932, Rinfret devient maire avec plus de 12 000 voix de majorité. Lors de son court mandat, il reste en retrait, laissant la plupart des tâches aux conseillers municipaux, et ne s’occupant que des fonctions protocolaires et de représentation. Il n’est tout simplement pas en mesure d’apporter des solutions aux citoyens de Montréal durement affectés par la crise. Il ne se présente pas à l’élection de 1934, que Houde remporte par plus de 50 000 votes sur son plus proche concurrent, Anatole Plante, dont le Parti libéral provincial a encouragé la candidature.

L’année suivante, King et ses troupes forment de nouveau le gouvernement à Ottawa. Après avoir envisagé d’autres options, dont celle d’offrir le secrétariat d’État à Pierre-Joseph-Arthur Cardin*, député de Richelieu-Verchères, King le propose encore à Rinfret. Dans son journal, il explique sa manœuvre. Bien qu’il estime que Rinfret a été décevant comme ministre, il se devait de le garder dans son cabinet afin d’équilibrer les ministères entre les députations de l’Ontario et de la province de Québec, et aussi en raison du poids du personnage à Montréal. King semble une fois de plus déçu de ses performances ; il se désole également, à quelques reprises, de ses mauvaises habitudes et s’inquiète de sa santé. Après la mort de Rinfret, il notera : « La carrière de Rinfret fut, à bien des égards, vraiment remarquable. Il devint très influent grâce à ses dons pour l’écriture, son éloquence et une personnalité des plus agréables. Le drame, c’est qu’il a gaspillé ces talents. S’il avait vécu une vie plus saine, il aurait pu avoir 20 ans de plus devant lui et une place exceptionnelle dans la vie publique de notre pays. »

Le 12 juillet 1939, pendant un voyage de repos à Los Angeles, Rinfret succombe à une crise cardiaque. Puisqu’il meurt en fonction, l’homme public, dont on rapatrie la dépouille par train, mérite, selon les journaux, des funérailles d’État. L’idée ne se concrétise pas. Une immense foule assiste néanmoins à la messe de requiem à la cathédrale Saint-Jacques de Montréal et au cortège funèbre le 20 juillet. Plusieurs ministres, députés fédéraux et provinciaux, évêques, consuls, sénateurs, juges, dignitaires, maires, conseillers municipaux, notables, hauts fonctionnaires et autres délégués officiels viennent rendre leurs derniers hommages. Rinfret est inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

Georges Pelletier*, éditorialiste du Devoir qui a connu Fernand Rinfret 30 ans plus tôt, alors qu’ils étaient tous deux correspondants à la Chambre des communes, résume bien le personnage quand il écrit, le jour de son enterrement : « Il était, au fond, artiste, dilettante ; les circonstances l’avaient jeté dans la politique, où son talent de parole, son esprit, son entregent, lui avaient taillé une belle carrière […] c’était un critique d’art, un bel esprit égaré dans la cacophonie des luttes publiques. »

Benoit Longval

Une liste partielle des écrits de Fernand Rinfret figure dans Renée Geoffrion, Notes bio-bibliographiques sur l’honorable Fernand Rinfret, politicien, orateur et écrivain (Montréal, 1952).

Ancestry.com, « Baptêmes, mariages et enterrements de l’Église catholique, Ontario, Canada, 1760 à 1923 » : www.ancestry.ca (consulté le 29 nov. 2017).— BAC, « Journal personnel de William Lyon Mackenzie King » : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/politique-gouvernement/premier-ministres/william-lyon-mackenzie-king/Pages/journal-mackenzie-king.aspx (consulté le 1er déc. 2017).— BAnQ-CAM, CE601-S33, 1er mars 1883.— Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, « California death index, 1905–1939 » : www.familysearch.org (consulté le 29 nov. 2017).— Le Canada (Montréal), 21 juill. 1939.— Le Devoir, 13, 17–20 juill. 1939 ; 13 sept., 22 déc. 1941.— BCF, 1933 : 23.— C.-V. Marsolais et al., Histoire des maires de Montréal (Montréal, 1993).— Victor Morin, « l’Honorable Fernand Rinfret (1883–1939) », SRC, Mémoires, 3e sér., 34 (1940) : 117–119.— Rumilly, Hist. de Montréal, vol. 4 : 167–196.

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Benoit Longval, « RINFRET, FERNAND (baptisé Louis-Édouard-Fernand) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rinfret_fernand_16F.html.

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Auteur de l'article:    Benoit Longval
Titre de l'article:    RINFRET, FERNAND (baptisé Louis-Édouard-Fernand)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2021
Année de la révision:    2021
Date de consultation:    1 déc. 2024