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ROGERS, SAMUEL MAYNARD, homme d’affaires, officier dans la milice et l’armée, teneur de livres, entrepreneur de pompes funèbres et fonctionnaire, né le 14 avril 1862 à Plymouth, Angleterre, un des trois enfants de Samuel Rogers et d’Elizabeth Maynard ; le 30 novembre 1886, il épousa à Ottawa Annie Elizabeth Woodburn (décédée le 1er décembre 1927), et ils adoptèrent la nièce de celle-ci, puis le 3 décembre 1930, dans la paroisse de St Marylebone, Londres, Mary Baldwin, ex-femme de John Baptiste Breuer, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 30 juillet 1940 à Ottawa et inhumé dans cette ville au cimetière Beechwood.
Samuel Maynard Rogers était un jeune enfant quand ses parents s’établirent à Ottawa, où son père, d’abord ébéniste, devint un entrepreneur de pompes funèbres prospère. Après avoir reçu son diplôme de l’Ottawa Collegiate Institute, Samuel Maynard commença à travailler dans la firme familiale. En 1881, il entama une longue carrière dans le service militaire en se joignant à l’unité de milice locale, le 43rd (Ottawa and Carleton) Battalion of Rifles. Quatre ans plus tard, il fut l’un des deux sergents d’état-major des Ottawa Sharpshooters, corps de tireurs d’élite constitué à la hâte qui participa à des engagements sous les ordres de William Dillon Otter* pendant la rébellion du Nord-Ouest [V. Louis Riel*]. Le 6 mai 1885, par erreur, le Toronto Daily Mail porta Rogers au nombre des soldats tués quatre jours plus tôt au mont Cut Knife (Saskatchewan) ; on le confondit en fait avec le soldat John Rogers, tombé au combat.
Après la rébellion, Rogers retourna à Ottawa et reprit sa carrière dans la compagnie familiale, d’abord à titre de teneur de livres, puis, avant ou pendant l’année 1891, d’entrepreneur de pompes funèbres. Il continua de plus à gravir régulièrement les échelons de la milice : il fut promu sous-lieutenant le 5 mars 1886, capitaine le 4 janvier 1889 et adjudant le 13 décembre de la même année. Rogers acquit une réputation de tireur d’élite et se joignit à plusieurs groupes de tireurs, dont l’équipe canadienne, qui remporta en 1889 la coupe Kolapore à Wimbledon (Londres). En septembre 1891, on envoya le 43rd (Ottawa and Carleton) Battalion of Rifles dans le secteur de la Chaudière pour mater la grève des ouvriers du bois d’œuvre ; devant le pacifisme de ces derniers, on le rappela rapidement. Sept ans plus tard, le 22 juin 1898, Rogers obtint le grade de major.
Quand la guerre éclata entre la Grande-Bretagne et les deux républiques boers en Afrique du Sud, en octobre 1899, le premier ministre sir Wilfrid Laurier* décida de lever des troupes pour servir outre-mer ; Rogers se porta volontaire. Le 18 octobre, on lui confia le commandement de la D Company du 2nd (Special Service) Battalion du Royal Canadian Regiment of Infantry. Entre le 18 et le 27 février 1900, le régiment combattit à Paardeberg (Perdeberg), où il contribua à la première grande victoire britannique de la guerre. Le premier jour de la bataille, une balle ricocha sur le casque de Rogers et blessa un malheureux soldat qui se trouvait à proximité. Rogers rendit compte lui-même de l’héroïsme dont Richard Rowland Thompson* avait fait preuve le premier et le dernier jour de la bataille. Le 1er mai, au cours d’une attaque contre le village de Thaba Nchu, Rogers s’attira des éloges pour avoir su garder son sang-froid et calmer ses hommes pendant que l’artillerie boer les bombardait. Il servit comme commandant du dépôt canadien au Cap avant sa libération du service actif, le 31 décembre. Il recevrait la Queen’s South Africa Medal avec quatre barrettes : Paardeberg, colonie du Cap, Driefontein et Johannesburg.
Rogers retourna à l’entreprise familiale à Ottawa, où il s’engagea dans la communauté comme conseiller municipal, commissaire des écoles publiques, président de l’Ottawa Amateur Athletic Club et de l’Ottawa Hockey Club [V. Ernest Harvey Pulford], et maître d’une des loges maçonniques locales. À titre de commandant en second d’Arthur Percy Sherwood, il resta actif dans le 43rd (Ottawa and Carleton) Battalion of Rifles. Il défila d’ailleurs à sa tête le 11 octobre 1901, pendant une revue royale à Toronto en présence du duc de Cornwall, en l’honneur duquel l’unité prit le nom de 43rd Regiment (Duke of Cornwall’s Own Rifles). Promu lieutenant-colonel le 8 avril 1904, Rogers succéda à Sherwood et dirigea ainsi le régiment jusqu’au 17 février 1910. Moins de deux mois plus tard, le 9 avril, il devint commandant de la 8th Infantry Brigade, poste qu’il occuperait durant trois ans.
Rogers, qui aimait tirer à la carabine, chasser et pêcher, fut probablement très heureux quand le gouvernement conservateur de Robert Laird Borden le nomma directeur du parc forestier Jasper (parc national Jasper à partir de 1930), en Alberta. Il y arriva en mars 1913 et ne tarda pas à imposer sa marque en préconisant l’utilisation uniforme dans le parc de ce qu’il appelait le « style architectural rustique ». Le principal bâtiment administratif, conçu par l’architecte d’Edmonton Alfred Merigon Calderon et construit en 1913–1914 (désigné lieu historique national en 1992), servit également de résidence pour le directeur durant quelques années. Rogers impressionna James Bernard Harkin*, commissaire de la Direction des parcs du dominion du ministère de l’Intérieur ; ce dernier souligna qu’« il s’était montré capable de transformer une région sauvage […] en parc » et « était parvenu à des résultats remarquables en une seule année ».
Quand la Première Guerre mondiale éclata, en août 1914, Rogers s’engagea immédiatement dans le Corps expéditionnaire canadien à Valcartier, au Québec. Son attestation d’enrôlement militaire indique qu’il mesurait cinq pieds neuf pouces et demi, avait les yeux bleus et le teint clair, était chauve et avait deux tatouages : une feuille d’érable et les mots « Canada Afrique du Sud 1899–1900 ». Le médecin qui l’examina fit remarquer que Rogers avait l’air bien plus jeune que ses 52 ans. Le 27 août, Rogers fut nommé commandant du 9th Infantry Battalion, unité composée majoritairement de recrues albertaines, qui partit pour la Grande-Bretagne en bateau un mois plus tard. Il ne combattit pas durant la guerre, mais accomplit plusieurs missions pour diverses brigades d’entraînement et pour la Division d’instruction canadienne. Il servit aussi comme officier d’état-major général avant de rentrer au pays en mai 1916. Déjà colonel à titre temporaire, il dut toutefois attendre jusqu’au 7 mai 1918 pour obtenir le poste permanent de commandant de camp à Valcartier, où il supervisa la séance d’entraînement cet été-là. Après l’armistice, il fut libéré du Corps expéditionnaire canadien, le 15 novembre 1918, avec le grade de lieutenant-colonel ; il prendrait sa retraite de la milice six ans plus tard.
À la fin de 1918, Rogers revint à la direction du parc forestier Jasper. Il travailla avec sir Henry Worth Thornton, président de la Canadian National Railway Company, pour y attirer les touristes ; à cette fin, on construisit un parcours de golf, des bungalows, des chalets et le Jasper Park Lodge, luxueux centre de villégiature offrant un accès au chemin de fer. Selon le chercheur Ian S. MacLaren, les deux hommes « présidèrent à la transformation de la station touristique en ce qui représente, pour de nombreux visiteurs, le parc lui-même ». Rogers s’efforça en même temps de préserver le milieu naturel de Jasper : il s’opposa à l’exploitation du charbon dans le parc, soutint la conservation de la faune et compta parmi les premiers à promouvoir l’utilisation de la photographie aérienne comme moyen de patrouille et de prévention des incendies. Harkin appréciait la discipline militaire et le dévouement de Rogers, mais certaines de ses habitudes agaçaient les résidents du coin. Par exemple, il frappait aux portes avant l’aube pour réprimander les gens qui ne fermaient pas correctement le couvercle de leur poubelle et, comme le note l’historien Edward J. Hart, « il punissait aussi sévèrement les chats du voisinage, tirant sur tout chat qui daignait s’approcher du poulailler qu’il gardait fièrement près de son bureau ».
En avril 1927, Rogers se vit muté au siège de la Direction des parcs du dominion à Ottawa pour y exercer, selon l’Ottawa Evening Citizen, « des fonctions [non précisées] pour lesquelles il a[vait] des compétences particulières ». Ce changement résultait peut-être de la lutte contre le cancer qui emporta sa femme, Annie Elizabeth, le 1er décembre. Au cours des quelques années suivantes, Rogers passa apparemment la majeure partie de son temps à voyager. En 1928, il mena l’équipe canadienne au tournoi de tir de la coupe Kolapore à Bisley, dans le Surrey, en Angleterre, et, en décembre 1930, il rentra au Canada avec sa deuxième compagne, Mary Breuer (il semble cependant que le mariage ne dura pas).
Samuel Maynard Rogers exerça de nouveau les fonctions de directeur du parc national Jasper de 1931 à 1934, avant de prendre sa retraite et de s’installer à Ottawa, où il mourut le 30 juillet 1940 d’une thrombose cérébrale. Son neveu George Harold Rogers, commandant des Cameron Highlanders of Ottawa (ainsi qu’on appelait le 43rd depuis 1933), lui-même entrepreneur de pompes funèbres, inhuma son oncle dans le lot familial au cimetière Beechwood.
Dans le fonds Samuel Maynard Rogers (MG55/30-No185), BAC conserve un album de photos que Rogers a prises pendant la guerre des Boers.
BAC, RG150, Acc. 1992–93/166, boîte 8435-4.— Ottawa Citizen, 19 avril 1927, 30 juill. 1940.— Canada, Dép. de la Milice et de la Défense, General orders (Ottawa, 1886–1925) ; Militia orders (Ottawa, 1899–1925).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Canadian who’s who, 1910.— E. J. (Ted) Hart, J. B. Harkin : father of Canada’s national parks (Edmonton, 2010).— I. S. MacLaren, « Cultured wilderness in Jasper National Park », Rev. d’études canadiennes (Peterborough, Ontario), 34 (1999–2000), no 3 : 7–58.— Parcs Canada, « Parc national Jasper » : pc.gc.ca/fr/pn-np/ab/jasper (consulté le 27 avril 2017).— K. W. Reynolds, Capital soldiers : the history of the Cameron Highlanders of Ottawa (Ottawa, 2011).
Kenneth W. Reynolds, « ROGERS, SAMUEL MAYNARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rogers_samuel_maynard_16F.html.
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Auteur de l'article: | Kenneth W. Reynolds |
Titre de l'article: | ROGERS, SAMUEL MAYNARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2021 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |