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BUTLER, MATTHEW JOSEPH, ingénieur civil, homme d’affaires, fonctionnaire et auteur, né le 16 ou le 19 novembre 1856 à Mill Point (Deseronto, Ontario), fils de Tobias Butler et d’Elizabeth McVeigh (McVey) ; le 13 novembre 1880, il épousa à Napanee, Ontario, Loretta (Loretto) Melissa Jane Shibley (1857–1932), et ils eurent un fils, qui mourut en bas âge, et trois filles, dont l’une mourut enfant ; décédé le 22 juin 1933 à Sydney, Nouvelle-Écosse.
Après des études en génie à la University of Toronto, Matthew Joseph Butler suivit un apprentissage de trois ans auprès de John Dunlop Evans et Thomas Oliver Bolger, arpenteurs et architectes de Belleville. Il obtint le titre d’arpenteur provincial en 1878, puis travailla dans le sud et le nord-ouest de l’Ontario. Il demeurerait actif dans la profession jusque dans les années 1890. Au début des années 1880, il tourna toutefois son attention vers les chemins de fer. Il devint ingénieur adjoint à la Kingston and Pembroke Railway Company en 1882. L’année d’après, il intégra, comme son père avant lui, la H. B. Rathbun and Sons, entreprise forestière située à Deseronto et dirigée par Edward Wilkes Rathbun*. On nomma Butler ingénieur en chef de la Compagnie de chemin de fer Napanee, Tamworth et Québec, nouvellement acquise par la société. Sous la direction de ce dernier, la ligne principale du chemin de fer fut achevée entre Napanee et Tamworth, et rattachée au Kingston and Pembroke Railway à Harrowsmith, au nord de Kingston. Ses tâches incluaient aussi des projets de conception industrielle, dont des améliorations à la Napanee Cement Works. Après avoir passé deux ans au Colorado (vers le milieu ou la fin des années 1880) en qualité d’ingénieur adjoint aux services en construction et en eau de l’Atchison, Topeka and Santa Fe Railroad, il travailla dans l’est de la province de Québec comme ingénieur en chef et responsable de chantier pour une usine de pâtes et papiers du Témiscouata. Vers 1891, Butler retourna chez Rathbun à titre d’ingénieur en chef de la Compagnie de chemin de fer Napanee, Tamworth et Québec, alors connue sous le nom de Compagnie de chemin de fer et de navigation de la baie de Quinté. Il quitta Rathbun en 1900, quand un entrepreneur du Prince Edward Island Railway lui confia la création des plans d’un pont enjambant la rivière Hillsborough. En 1903–1904, il conçut et bâtit des ateliers pour la Locomotive and Machine Company of Montreal Limited.
À l’instar de son collègue Robert Alexander Ross, Butler avait de grandes idées sur le rôle des ingénieurs dans la société contemporaine. Selon lui, leur expertise et leur sens des affaires pouvaient contribuer à la modernisation de l’administration publique ; les gouvernements de l’Ontario et du Canada mirent à profit les multiples champs d’intérêt de Butler. La commission royale sur la protection des forêts en Ontario, que présidait Rathbun, sollicita les conseils éclairés de Butler sur les forêts et la pluviosité. Son rapport, tout comme le Forest Reserves Act de 1898 qui en résulta, énonça la recommandation de l’ingénieur suggérant que la couronne mette en réserve de larges étendues forestières pour utilisation ultérieure. En 1900, le gouvernement libéral de George William Ross* affecta Butler à la commission fiscale de l’Ontario. Chargée d’examiner l’imposition municipale, celle-ci proposa dans ses rapports de remplacer la taxe foncière générale par un système hybride qui taxerait le revenu et la valeur locative des biens immobiliers.
En 1905, le gouvernement fédéral libéral de sir Wilfrid Laurier* nomma Butler comme successeur de Collingwood Schreiber* au poste de sous-ministre et ingénieur en chef du ministère des Chemins de fer et Canaux. Il servit d’abord sous Henry Robert Emmerson*, puis, à partir de 1907, sous George Perry Graham*. Dans ses deux premiers rapports annuels, Butler préconisait la création d’un régime de retraite pour les employés ferroviaires du secteur public ; le gouvernement Laurier appliqua alors les recommandations pour les travailleurs des chemins de fer Intercolonial et de l’Île-du-Prince-Édouard. Deux ans plus tard, Graham et Butler tentèrent de dépolitiser l’Intercolonial en remplaçant le directeur général par un conseil d’administration présidé par le sous-ministre. Le conseil ferma les ateliers de chemins de fer de Halifax et introduisit des principes de gestion scientifique dans les opérations de maintenance de la société, concentrées depuis peu à Moncton. Même si le gouvernement conservateur de Robert Laird Borden, qui prit le pouvoir en 1911, rétablirait à l’Intercolonial le modèle d’entreprise doté d’un directeur général, les réformes de Butler annonçaient l’application de principes d’affaires aux futures sociétés publiques telle la Canadian National Railway Company, que dirigerait sir Henry Worth Thornton. En 1909–1910, en évoquant le parcours subarctique aride du Hudson Bay Railway, ainsi que ses coûts élevés et sa courte saison d’activité, Butler convainquit le gouvernement Laurier de reporter la construction partiellement exécutée de la ligne principale du chemin de fer. En reconnaissance de ses services comme sous-ministre, le roi Édouard VII lui remit le titre de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.
En 1910, Butler retourna au privé en prenant la direction générale de deux sociétés néo-écossaises, la Dominion Iron and Steel Company Limited et la Dominion Coal Company Limited, fusionnées l’année précédente sous la présidence de James Henry Plummer. Butler assuma la responsabilité des charbonnages à Springhill, théâtre en 1891 d’une explosion catastrophique qui avait tué le directeur de mine Henry Swift* et 124 autres travailleurs. Butler hérita d’une âpre grève déclenchée en juillet 1909 par des membres de la United Mine Workers of America. James Bryson McLachlan, établi à Sydney, avait organisé le syndicat dans la province. Butler adopta une attitude paternaliste : il se plia jusqu’à un certain point aux demandes salariales, accepta de rengager bon nombre de grévistes, mais refusa de négocier avec leur syndicat sous prétexte que cela irait à l’encontre des politiques de l’entreprise. Le ministre du Travail William Lyon Mackenzie King*, ami et collègue de Butler à l’époque où ce dernier vivait à Ottawa, prédit que la résistance du syndicat contre un directeur aussi tenace serait futile. En effet, sous la direction de Butler, la société mit un terme à la grève de Springhill en mai 1911, avec l’aide de la police, de la milice et de centaines de briseurs de grève. Peu après, Butler quitta son poste pour s’installer à Montréal, où il participa à la fondation d’une filiale canadienne d’Armstrong Whitworth, manufacturier britannique de machinerie et de matériel de guerre, et en devint l’administrateur délégué. En 1914, il fut élu président de la Société canadienne des ingénieurs civils.
Matthew Joseph Butler prit sa retraite en 1919 et s’établit à Oakville, en Ontario. Il s’intéressa à l’histoire du génie au Canada et écrivit les biographies de premiers ingénieurs importants pour le journal de l’Institut canadien des ingénieurs, qui avait succédé en 1918 à la Société canadienne des ingénieurs civils. Butler contribua à la discussion sur l’autosuffisance énergétique nationale qui anima autant les politiciens que les industriels au début des années 1920. Dans un article de 1923, il proposa un tarif de transport du charbon albertain bien inférieur à celui que le Conseil des commissaires des chemins de fer avait fixé, mais supérieur au coût d’importation du charbon de l’est des États-Unis. Il siégea également au comité de l’institut chargé d’étudier la question du carburant, lequel se rangea du côté des sociétés ferroviaires en rejetant tout tarif pour le transport du charbon inférieur à celui du marché. En 1932, après la mort de sa femme, il partit à Sydney pour vivre avec sa fille aînée, où il succomba à une grippe le 22 juin de l’année suivante. À l’occasion d’une conférence en 1908, Butler, alors à son apogée, avait dit devant ses pairs que, tout au long de sa carrière, il avait vu le génie au Canada passer d’un métier glorifié à une profession respectée. Des ingénieurs comme lui, qui allièrent leurs vastes champs d’intérêt dans le domaine technique à une fougue entrepreneuriale et à un engagement au service public technocratique, jouèrent un rôle fondamental dans cette évolution.
Chaque « Report of the deputy minister » que Matthew Joseph Butler a annuellement préparé de 1905 à 1909 se trouve dans Canada, Parl., Doc. de la session, 1906–1910 (rapports du dép. des Chemins de fer et Canaux, 1904–1909). Parmi ses autres écrits figurent : « The manufacture of natural cement […] », Soc. canadienne des ingénieurs civils, Trans. (Montréal), 4 (1890) : 97–101 ; « Forests and rainfall », dans Ontario, Royal commission on forestry protection in Ontario, Report, 1899 (Toronto, 1900), 21–29 ; « The shops of the Locomotive and Machine Company of Montreal », Soc. canadienne des ingénieurs civils, Trans., 18 (1904), part. i : 57–63 ; et « A method of calculating a fair rate for the transportation of western coal […] », Rev. de l’ingénierie (Montréal), 6 (1923) : 531–534. Il a contribué au Report de l’Ontario assessment commission (Toronto, 1902 ; un rapport provisoire a paru en 1901) et a cosigné, avec J. S. Dennis, l’article « Walter Shanly – a biography », Rev. de l’ingénierie, 9 (1926) : 514–516.
BAC, MG 28, I277 (Engineering Instit. of Canadian fonds, membership files), 20 (Matthew J. Butler, statement of professional record).— NSA, « Nova Scotia hist. vital statistics », Matthew Joseph Butler, death registration, 1933 : www.novascotiagenealogy.com (consulté le 26 juill. 2017).— London Gazette, 25 juin 1909.— W. M. Baker, « The personal touch : Mackenzie King, Harriett Reid, and the Springhill strike, 1909–1911 », le Travail (St John’s), 13 (1984) : 159–176.— « Convention of Canadian civil engineers […] », Construction (Toronto), 1 (octobre 1907–octobre 1908), no 4 : 58–59.— Ken Cruikshank, « The people’s railway : the Intercolonial Railway and the Canadian public enterprise experience », Acadiensis, 16 (1986–1987), no 1 : 78–100.— J. N. McDougall, Fuels and the national policy (Toronto, 1982).— J. R. Millard, The master spirit of the age : Canadian engineers and the politics of professionalism, 1887–1922 (Toronto, 1988).— H. V. Nelles, The politics of development : forests, mines & hydro-electric power in Ontario, 1849–1941 (Toronto, 1974).— Rev. de l’ingénierie, 2 (1919) : 694 ; 6 (1923) : 65 ; 7 (1924) : 58, 79, 646.— Soc. canadienne des ingénieurs civils, Report of annual meeting (Montréal), 1910 et 1914.
Forrest D. Pass, « BUTLER, MATTHEW JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/butler_matthew_joseph_16F.html.
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Auteur de l'article: | Forrest D. Pass |
Titre de l'article: | BUTLER, MATTHEW JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2021 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |