ANDERSON, ALEXANDER, éducateur et fonctionnaire, né le 30 septembre 1836 à Aberdeen, Écosse, fils d’Alexander Anderson et de Margaret Imray ; le 11 novembre 1862, il épousa à Alloa, Écosse, Catherine Stewart Robertson, et ils eurent trois fils et une fille ; décédé le 13 janvier 1925 à Halifax.

Alexander Anderson fréquenta l’école à Aberdeen jusqu’en 1854, année où il termina premier de toute l’Écosse aux examens de sa promotion et décrocha une bourse d’études pour le Moray House Training College, établissement de formation des enseignants situé à Édimbourg. Il étudia à ce collège pendant deux ans, fut nommé à l’un des postes de direction au département de formation, puis entra à la University of Edinburgh. Au bout de quatre années d’études à cet endroit, il remporta les médailles d’or en mathématiques et en philosophie naturelle et une autre médaille en chimie.

En novembre 1862, Anderson et sa femme, nouvellement mariés, s’embarquèrent pour l’Île-du-Prince-Édouard, où le jeune homme commença à enseigner les mathématiques et les sciences à Charlottetown, au Prince of Wales College. Cet établissement laïque fondé par le gouvernement d’Edward Palmer* en 1860 était installé dans un bâtiment délabré occupé auparavant par une école pour garçons, la Central Academy. Le collège était fondamentalement une école secondaire, mais il offrait aussi ce qui était apparemment l’équivalent de la première année d’université. En 1868, Anderson fut nommé directeur lorsque Alexander Inglis, directeur fondateur, remit sa démission et retourna en Écosse. Les talents d’Anderson ne tardèrent pas à se manifester. Dès les années 1870, époque à laquelle l’effectif était d’environ 70 élèves, des diplômés furent acceptés en deuxième année dans des collèges et des universités tels que McGill, Dalhousie, Harvard et Cornell, et un bon nombre d’entre eux reçurent des bourses et des prix.

De telles distinctions témoignent de l’impression que produisait Anderson. Parmi ses élèves au cours des années 1870 se trouvait Jacob Gould Schurman, de Freetown, qui fréquenta plus tard diverses universités à Édimbourg, à Londres et sur le continent européen et serait l’un des recteurs de la Cornell University. « Je n’ai jamais rencontré d’enseignant aussi formidable que le professeur Anderson », avait-il dit un jour. « Il n’y [en] a aucun, toute réflexion faite, à qui je dois personnellement davantage qu’à lui. » Sir Andrew Macphail*, un des fils de l’inspecteur d’écoles William McPhail*, étudia au Prince of Wales College dans les années 1880 avant de faire des études de médecine à la McGill University. « Des nombreux enseignants que j’ai connus depuis », raconterait-il, Anderson était « le meilleur ». En 1888, la McGill University remit à ce dernier un doctorat en droit et souligna « l’excellente formation » qu’il donnait et son rôle dans l’amélioration du réseau d’éducation de l’île.

Ce qui rend la réussite d’Anderson vraiment remarquable, c’est l’état lamentable dans lequel se trouvait le réseau d’éducation primaire de l’Île-du-Prince-Édouard au xixe siècle. Année après année, les inspecteurs déploraient dans leurs rapports le dépeuplement des écoles, les compétences insuffisantes et les mauvais salaires des enseignants, l’absence de programme uniforme et le manque d’assiduité scolaire. Au cours des deux décennies qui suivirent l’ouverture du Prince of Wales College, les élèves pouvaient s’inscrire là ou à l’école normale adjacente à peu près simplement en cognant à la porte. Par conséquent, Anderson devait consacrer une large part de son temps à du travail de rattrapage et passait de cinq à sept heures par jour en classe. Il aimait beaucoup enseigner. De tous ses professeurs, racontait Lucy Maud Montgomery*, élève en formation des enseignants en 1893–1894, « aucun ne pouvait être comparé à [M.] Anderson. Je le revois encore, ajoutait-elle, debout devant nous, raviver l’histoire de Rome et parer même les verbes grecs de charme et d’entrain. » Elle le connaissait comme un homme sévère au moment d’attribuer les notes et avare de louanges, mais il l’encouragea à développer son talent pour l’écriture. Homme trapu avec une barbe et une épaisse chevelure grisonnante et hérissée, Anderson, toujours vêtu de façon impeccable, dégageait un air empreint de dignité, quasiment pompeux. Il se tenait tellement droit comme un piquet qu’il penchait presque vers l’arrière. Rarement le voyait-on réprimander un élève. Il exerçait son autorité sans effort ; le simple fait qu’il entre dans une salle de classe avait pour effet de ramener le silence dans un groupe dissipé. Il traitait les garçons issus de milieux agricoles avec estime, comme s’ils étaient voués à un grand destin. Certains l’étaient. « Des députés, des membres de l’ordre judiciaire et des professions [libérales] étaient tous passés par son école, écrivit Macphail, et ils continuaient [d’éprouver] à son endroit [des sentiments] de respect et de crainte, non dénués d’affection. De plus, les meilleures écoles eurent comme enseignants des élèves [d’Anderson], et ils contribuèrent à nourrir la légende [entourant] son pouvoir. »

L’influence positive d’Anderson ne signifiait pas pour autant que le collège était à l’abri des critiques, de l’insuffisance de fonds, voire de menaces de fermeture. L’établissement était totalement soumis aux décisions du gouvernement et demeurait à la merci d’interminables conflits d’ordre religieux, politique ou pédagogique [V. sir Louis Henry Davies]. Près de la moitié des habitants de l’île étaient catholiques et certains des débats les plus enflammés portaient sur la question de savoir si le gouvernement devait subventionner les écoles publiques et le Prince of Wales College, mais non les écoles catholiques ni le St Dunstan’s College. Anderson, lui-même presbytérien, ne se mêla apparemment pas à ces conflits. Il concentra plutôt ses efforts sur la promotion de l’éducation et donnait des conférences un peu partout dans les Maritimes sur des sujets tels que Burns, Shakespeare et Savonarola. Il fit aussi partie du conseil d’administration de la Dominion Educational Association et fut membre du comité sur l’histoire du dominion au sein de cet organisme.

En 1879, le gouvernement décida de faire des économies en fusionnant le Prince of Wales College et l’école normale, qui n’avait pas réussi dans sa mission d’établissement de formation des enseignants. Cette fusion fut accompagnée de changements : les femmes furent admises pour la première fois au collège et tout le volet de la formation pédagogique incomba à Anderson. Avec son zèle caractéristique, il entreprit immédiatement de réformer l’école normale. L’année suivante, le Prince of Wales College commençait à sélectionner ses élèves par des examens d’admission. Le taux d’échec était élevé ; en 1893, par exemple, moins de la moitié des 264 candidats réussirent les épreuves. Ces critères d’admission eurent pour effet d’encourager les écoles de district à relever leurs propres normes, sous le regard constant d’Anderson. Dans certains de ses rapports annuels, ce dernier accordait autant de place à ces écoles qu’à son propre collège ; il faisait des éloges et des remontrances aux enseignants, et donnait des suggestions pour améliorer l’enseignement. En 1896, par exemple, il fit observer que les leçons de géographie et d’histoire ressemblaient à des exercices de mémorisation. Pour stimuler l’esprit de recherche et la « faculté d’attention », les enseignants devaient rendre l’histoire plus vivante en lisant des récits d’aventures et de voyages en classe, puis en demandant aux élèves de les résumer. Le fait de travailler davantage la diction améliorerait l’orthographe, croyait-il, et un plus grand soin devait être porté à l’écriture.

Vers la fin du siècle, Anderson ajouta de nouveaux cours et l’effectif continua d’augmenter, passant à 246 en 1896. De plus, il avait adjoint au personnel d’autres éducateurs ouverts sur l’avenir, dont Joseph-Octave Arsenault*, professeur de français, directeur de l’école modèle du Prince of Wales College et inspecteur provincial de l’enseignement du français auprès des écoles acadiennes de l’île. L’immeuble occupé par le collège, toutefois, était toujours en mauvais état : corridors sombres et étroits, salles de classe pléthoriques et mal ventilées, absence d’une salle de rassemblement et de bibliothèque. Anderson se plaignit du fait que, en raison du manque d’espace, il était difficile de maintenir l’ordre et impossible de donner le programme de formation des enseignants de façon convenable. Lorsque survint un nombre sans précédent de cas de maux de tête, de rhume, de grippe, de rougeole et d’autres malaises dans les années 1890, il en imputa la faute aux espaces exigus et à l’air fétide. Chaque année, pendant près de 20 ans, il implora le gouvernement de fournir un nouveau bâtiment, sans résultat.

La province était en proie à des difficultés financières chroniques. Dès les années 1890, l’essor de la construction navale était chose du passé et les revenus agricoles déclinaient. Anderson dut finalement trouver une solution par lui-même : recueillir à titre de frais de scolarité des fonds qui seraient mis de côté en vue de payer les intérêts associés à la construction d’une nouvelle école. Auparavant, les élèves inscrits à la formation des enseignants avaient été exemptés de tels frais, même s’ils ne se tournaient pas tous vers l’enseignement. Dès 1896, le collège avait amassé 3 300 $ et la construction commença deux ans plus tard. En février 1900, on inaugura en grande pompe un immeuble de trois étages en brique comportant six classes, un auditorium et de l’espace pour une bibliothèque. Un reporter du Daily Patriot déclara qu’il s’agissait d’« un hommage à l’intarissable énergie de [M.] Anderson et, plus que tout, [d’]une source de fierté pour les habitants intelligents de cette petite île de la mer ».

Anderson caressait d’autres projets pour le collège. Par exemple, il avait depuis plusieurs années fait campagne pour que l’établissement puisse décerner des diplômes. Il avait vu de nombreux jeunes insulaires quitter la province pour poursuivre des études supérieures, y compris au moins deux de ses enfants – sa fille étudia à Paris et à Hanovre, et l’un de ses fils fréquenta le Royal Military College of Canada, en Ontario. Malheureusement, il ne demeura pas au Prince of Wales College pour faire avancer ce dossier. En mars 1901, apparemment convaincu que le collège était en bonne posture, il quitta l’établissement pour devenir surintendant en chef de l’Éducation de l’Île-du-Prince-Édouard. Alors âgé de 64 ans, il s’attela vigoureusement à sa nouvelle tâche ; il visita des douzaines d’écoles de une ou de deux classes, donna des conseils aux enseignants, consulta les administrateurs et rédigea des rapports percutants, souvent indignés, à l’intention du gouvernement. L’état des installations scolaires dans de nombreux districts l’irritait, tout comme les maigres salaires. Dans un certain district, un bon enseignant qui comptait de longs états de service n’avait jamais été rémunéré décemment. « Un tel traitement est non seulement égoïste et injuste, mais ingrat et cruel », avait déclaré Anderson. Manifestement en avant de son temps, il milita en faveur de l’unification des écoles rurales et argua que les femmes enseignantes devaient toucher le même salaire que leurs homologues masculins. « Pourquoi […] devrait-il exister une telle discrimination ? », demanda-t-il en 1909. « Le temps est sûrement venu où les hommes et les femmes qui font le même travail, dans des circonstances [comportant] les mêmes exigences, seront traités [de manière] égale par les lois scolaires. »

II est difficile de mesurer l’effet des démarches d’Anderson sur le réseau scolaire, hormis sa réforme de la formation des enseignants, mais ses rapports à titre de surintendant donnent des indices à ce sujet. En 1908, il exprima sa joie quant au nombre de candidats qui avaient obtenu de bons résultats aux examens d’admission de l’été précédent. Les installations scolaires s’étaient améliorées considérablement, selon ses dires en 1910 ; l’année suivante, il fit remarquer que les contribuables locaux avaient augmenté leur apport aux salaires des enseignants chaque année depuis 1901. Ces derniers se montraient disposés à adopter ses suggestions et Anderson constatait des progrès en calligraphie, en arithmétique, en histoire et en géographie. En revanche, les salaires étaient encore si médiocres au moment où il prit sa retraite que de nombreux bons enseignants avaient quitté la profession ou la province. De plus, l’expérience d’unification de six districts scolaires menée de 1905 à 1911 fut réduite à néant lorsque le financement assuré par sir William Christopher Macdonald* cessa.

Alexander Anderson prit sa retraite en 1912, à 76 ans. Puis, octogénaire, il s’installa à Halifax avec sa femme pour y vivre en compagnie de leur fille, Helen Kingdon. Il mourut en 1925 après un accès de pneumonie. Anderson ne put voir de son vivant l’unification des écoles, les augmentations importantes de salaires des enseignants ni l’obtention du statut universitaire par le Prince of Wales College, mais tout au long de sa vie, et pendant des décennies par la suite, le collège servit de phare en matière d’éducation. Au cours des 50 années que dura sa vie professionnelle, cet homme encouragea la formation d’innombrables enseignants, professeurs et administrateurs, fit du Prince of Wales College un établissement reconnu par certaines des meilleures universités du continent et mérita la gratitude de nombreux garçons et filles talentueux. « S’il y a aujourd’hui à l’Île-du-Prince-Édouard un bon réseau scolaire, du bon matériel, un bon enseignement, de bons érudits, affirma Jacob Gould Schurman, tout cela est attribuable, directement ou indirectement, à son génie pour l’éducation. »

Marian Bruce

L’histoire du Prince of Wales College que nous avons rédigée va bientôt paraître. [m. b.]

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Marian Bruce, « ANDERSON, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/anderson_alexander_15F.html.

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Auteur de l'article:    Marian Bruce
Titre de l'article:    ANDERSON, ALEXANDER
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    12 nov. 2024