ANNENRAES, célèbre chef onontagué, mort en 1654.
Annenraes se détache sur le fond des années troublées qui précédèrent immédiatement la destruction de la Huronie. Après les négociations et le traité de paix de 1645–1646 (dénoncé par la suite, V. Kiotseaeton), la lutte entre les Hurons et les Iroquois ne connut qu’un bref répit. Au début de 1647, un parti d’Onontagués tenta, contre le territoire huron, une attaque qui aboutit à un désastre. Deux délégués des Andastes arrivèrent aussi en Huronie pour offrir de l’aide à leurs alliés hurons, s’ils en avaient besoin. Une ambassade huronne, dirigée par le chef Ondaaiondiont, partit en avril 1647 pour le territoire des Andastes.
Des guerriers hurons avaient poursuivi les envahisseurs onontagués, tué leur chef, fait quelques prisonniers et dispersé les autres. Comme d’habitude, les prisonniers furent brûlés vifs, à l’exception d’un nommé Annenraes, considéré comme le plus important d’entre eux. À la venue du printemps, Annenraes apprit que certains Hurons s’offusquaient de le voir encore en vie. Il confia donc à un ami qu’il avait l’intention de s’enfuir pour retourner parmi ses gens. Son projet fut communiqué à quelques-uns des principaux membres du conseil huron, qui comprirent qu’ils pourraient s’assurer la faveur des Onontagués s’ils facilitaient l’évasion d’Annenraes, car il avait la réputation d’exercer une certaine autorité dans son pays. En conséquence, on fournit à Annenraes tout ce qui était nécessaire à son voyage ; on lui remit des présents, on lui fournit un déguisement et on lui permit de s’esquiver de nuit.
Ayant passé le lac Ontario, Annenraes aperçut 300 Onontagués qui fabriquaient des canots pour traverser le lac, car, le croyant mort, ils voulaient attaquer les Hurons pour le venger. Ces Onontagués devaient se joindre à des bandes de Tsonnontouans et de Goyogouins pour former une troupe de 800 guerriers, tous animés du désir de porter la guerre en Huronie. L’arrivée inopinée d’Annenraes bouleversa les projets de ce parti de guerre : on le considéra comme un revenant. Au lieu de poursuivre leurs préparatifs militaires, les guerriers songèrent à la possibilité de la paix, rentrèrent chez les Onontagués et y tinrent conseil.
Leurs délibérations aboutirent à l’envoi d’une ambassade d’Onontagués chez les Hurons, munie de cadeaux appropriés pour préparer le terrain en vue des préliminaires d’un traité de paix. Cette ambassade arriva au village de Saint-Ignace 11 (près de Sturgeon Bay, en Ontario), dans le pays huron, le 9 juillet 1648. Elle était dirigée par un Indien du nom de Soines, né Huron, mais naturalisé Onontagué. Les négociations alternèrent entre le pays des Hurons et celui des Onontagués, mais la paix n’en sortit pas. Les Onontagues paraissaient favorables à la paix ; les Goyogouins semblaient du même avis ; on disait que les Onneiouts ne s’y opposaient pas, mais les Tsonnontouans ne voulaient pas entendre parler de paix et les Agniers, affirme-t-on, se prononçaient contre la proposition parce qu’ils étaient jaloux de l’initiative qu’avaient prise les Onontagués. L’ambassade huronne, dirigée par Ondaaiondiont, avait aussi mêlé les Andastes aux négociations entre Hurons et Iroquois.
Ces événements troublèrent profondément les Agniers et les Tsonnontouans, qui se crurent, en conséquence, de plus en plus isolés. Après une série d’escarmouches indécises en 1648, les Agniers et les Tsonnontouans, poussés à bout, détruisirent complètement la Huronie en 1649 et dispersèrent la nation du Pétun et les Neutres dans les années qui suivirent.
Pendant tout le temps des négociations de 1648 au sujet de la paix entre les Hurons et les Onontagués, le nom d’Annenraes n’est pas mentionné. Six ans plus tard, en 1654, les Français de Montréal apprenaient de certains Onontagués que la guerre avait recommencé. La nation de l’Érié avait attaqué les Tsonnontouans aussi bien qu’une armée d’Onontagués. Les guerriers rentraient dans leur pays après une victoire qu’ils avaient remportée près du lac Huron, quand leur arrière-garde, composée de 80 hommes d’élite, fut attaquée par les Ériés et taillée en pièces. Annenraes, un des plus grands capitaines des Onontagués, fut capturé par un groupe de tirailleurs ériés presque aux portes du village onontagué. Les documents n’indiquent pas le mois exact de la capture et de la mort subséquente d’Annenraes. Toutefois, chez les Onontagués, le 10 août 1654, le père Simon Le Moyne, adressant la parole au conseil général des Iroquois (d’où les Agniers étaient absents), offrit 19 paroles ou présents, dont le dernier, à ce qu’on rapporte, fut en ces termes : « Enfin par le dixneuviesme present, j’essuyay les larmes de toute la jeunesse guerriere, sur la mort de leur grand Capitaine Anneneraes depuis peu Captif par la Nation du chat ».
JR (Thwaites), XXXIII : 117–125 ; XLI : 81, 109–113.
Thomas Grassmann, « ANNENRAES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/annenraes_1F.html.
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Auteur de l'article: | Thomas Grassmann |
Titre de l'article: | ANNENRAES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 5 déc. 2024 |