AYLEN (Vallely), PETER, marchand de bois, né en 1799 à Liverpool, Angleterre, décédé probablement en octobre 1868 à Aylmer, Québec.
Peter Aylen, le « roi des Shiners », se fit connaître pendant la brève période du milieu des années 1830 où il imposa sa loi par la violence sur la vallée de l’Outaouais. Il arriva au Canada vers 1815, après avoir déserté son navire, si on en croit la légende. Son changement de nom donne de la crédibilité à cette histoire : alors qu’il vendait des terrains en 1837, il se servait de ce qui semble avoir été son vrai nom, Vallely. On sait peu de chose sur sa vie avant les années 1830, même s’il est clair qu’il parvint à force de travail à faire sa marque dans le commerce du bois de la vallée de l’Outaouais. En 1832, alors qu’il résidait dans le canton de Nepean, comté de Carleton, Haut-Canada, Aylen avait atteint un rang assez éminent pour devenir associé du « Gatineau Privilege ». Il se joignit aux principaux marchands de bois du cours supérieur de la rivière Outaouais – Ruggles, Tiberius et Christopher Wright, Thomas McGoey, George Hamilton*, C. A. Low – pour obtenir le monopole de l’exploitation du bois sur la rivière Gatineau. Cette association très lucrative, qui rapporta à chacun des membres 2 000 billes de pin rouge par an, se maintint jusqu’en 1843. Les relations d’Aylen dans le commerce du bois furent consolidées grâce à son mariage avec Eleanor, sœur de William et John Thomson, deux gros marchands de bois de Nepean. La sœur d’Eleanor épousa aussi un des principaux marchands de bois de la vallée de l’Outaouais, Peter White.
Homme d’une ambition insatiable, Aylen était prêt à recourir à tous les moyens susceptibles d’augmenter son profit. La concurrence croissante qui régnait dans le commerce du bois dans la vallée de l’Outaouais pendant les années 1830, amena Aylen à recourir à la violence comme moyen de s’imposer. Parmi les nombreux marchands de bois qui pillèrent les « limites à bois » de leurs rivaux, détruisirent leurs estacades et leurs radeaux, attaquèrent et mirent en fuite leurs ouvriers, Aylen se montra le plus violent. Aylen tira également profit du groupe considérable de travailleurs irlandais qui se trouvaient sans emploi, une fois achevé le canal de Rideau en 1832. Se faisant le champion de la lutte des Irlandais pour obtenir du travail dans les chantiers aux mains des Canadiens français, il n’engagea que des Irlandais, se gagnant ainsi le concours de ces fiers-à-bras.
Alors qu’il dominait pour ainsi dire toute la rivière Outaouais en 1835, Aylen reporta sa violence sur Bytown (Ottawa) dans le but évident de s’assurer la maîtrise politique et économique de la ville. De 1835 à 1837, Aylen et sa bande de quelque 200 Irlandais restèrent à Bytown après les opérations d’hiver et terrorisèrent les habitants. Ses compagnons, qui étaient connus sous le nom de « Shiners », se rendirent virtuellement maîtres de la basse ville, où habitaient les ouvriers, et se livrèrent sans vergogne à de violents combats et à des vols. L’absence de toute force de police organisée permit aux Shiners d’agir en toute impunité. Ce recours à la violence commença avec l’arrestation d’Aylen en juillet 1835 pour voies de fait ; la colère des Shiners tourna à la folie furieuse et ne prit fin qu’après qu’ils eurent coulé un vapeur du canal dans le port de Bytown. Les magistrats locaux eurent vite fait d’apprendre qu’Aylen était intouchable.
L’hégémonie de ce dernier sur Bytown dura deux ans, et fut consolidée lorsqu’il disloqua les institutions locales, y compris le conseil du canton de Nepean dont il interrompit l’assemblée pour les élections annuelles en janvier 1837, empêchant ainsi l’élection des fonctionnaires municipaux. La paix fut cependant rétablie sur la rivière. En mars 1836, l’Ottawa Lumber Association fut créée dans le but de mettre fin à la violence régnant dans le commerce. Aylen réalisa apparemment qu’il avait obtenu tout ce qu’il pouvait en imposant la violence sur la rivière, et il devint l’un des premiers membres du bureau de l’association. À vrai dire, cette dernière ne tarda pas à lui offrir des avantages. Le premier projet de l’association fut l’amélioration du cours de la rivière Madawaska afin de faciliter le flottage du bois. Étant donné qu’Aylen exploitait le bois sur la rivière Madawaska, on lui confia la charge des travaux.
À Bytown, l’emprise d’Aylen se disloqua au printemps de 1837. Les émeutes causées par les Shiners atteignirent leur summum en mars de la même année. En tant que marchand éminent de Bytown, James Johnston* écrivit au lieutenant-gouverneur sir Francis Bond Head* : « M. Peter Aylen [...] a déjà prouvé à toute la ville de Bytown qu’il n’a aucun respect de lui-même, et ne craint ni Dieu ni les hommes. Il connaît toutes les arcanes de la loi. Il existe déjà plusieurs mandats d’arrêt contre lui, mais pas un constable de Bytown n’ose l’arrêter. » C’est lorsqu’Aylen tenta de faire assassiner Johnston le 25 mars 1837 que la communauté bouleversée se décida à agir. Les magistrats, aidés par un groupe de citoyens, organisèrent des patrouilles de nuit armées et assermentèrent des constables spéciaux pour arrêter les transgresseurs de la loi. Sous l’action énergique de la communauté, les Shiners furent maîtrisés en avril et en mai 1837.
Aylen réalisa que sa carrière à Bytown avait pris fin. En 1836, il avait loué à bail la plupart de ses terrains de la région, quand il était venu s’installer dans la ville. Ses transactions en disent long sur sa fortune. Sur le chemin Richmond, à trois milles de Bytown, il loua une propriété de 150 acres, comprenant une maison à deux étages, des granges et des étables, une forge et un magasin ; il loua également un lot de 300 acres avec une maison dans le canton de Horton et 12 lots de forêt de 10 acres près de Bytown. Après sa défaite au printemps de 1837, il loua sa maison et son magasin de Bytown et vendit les 250 acres du canton de Nepean que sa femme avait reçues en dot. Aylen déménagea dans une ferme de la rive nord de la rivière Outaouais, près de Symmes’ Landing, d’où il continua le commerce du bois.
Pendant cette nouvelle période de sa vie, Aylen devint l’image même de la respectabilité. L’année qui suivit son déménagement, il fut l’un des quatre administrateurs élus pour construire une église à Symmes’ Landing. Il fut membre du conseil du canton de Hull en 1846, évaluateur de la nouvelle ville d’Aylmer, nom que prit Symmes’ Landing en devenant municipalité en 1847, et surintendant de la construction des routes au conseil de comté d’Ottawa en 1855 et 1856. En 1848, il avait été nommé juge de paix. Sa respectabilité récemment acquise se transmit à ses fils dont l’un devint avocat, un autre médecin et un troisième à la fois médecin et avocat.
Les affaires d’Aylen prirent rapidement de l’extension ; au milieu des années 1850, il améliora son commerce en dotant d’une scierie la chute des Chats sur la rivière Outaouais. Son nom, comme celui des dirigeants de la plupart des grosses firmes de bois de la rivière Outaouais, figura dans le Manifeste annexionniste de 1849, grâce à la signature de son fils Peter. Aylen n’avait toutefois pas complètement abandonné ses anciennes manières d’agir. En 1851, le département des Terres de la couronne lui confisqua ses « limites à bois » de la rivière Madawaska pour ses « façons d’agir illégales » et pour le non-paiement de ses droits de coupe. Tout maître de la société d’Aylmer qu’il ait pu être, le tigre n’avait pas rentré ses griffes de Shiner.
APC, MG 24, B2, 3, p.3 757 ; D8, 13, pp.4 507–4 508 ; 21, pp.8 120s. ; 23, pp.8 837, 8 850s., 8 866 ; 30, pp.12 601s., 12 831 ; 32, pp.14 359s. ; 36, pp.16 559s. ; 37, p.17 544 ; 19, 11, pp.3 240–3 242 ; 22, pp.5 830s. ; I40, 1, pp.219–221 (mfm) ; RG 1, E1, 76, pp.485s. ; L1, 31, p.679 ; 45, p. 111 ; RG 5, A1, 152, 15 juin 1835 ; 155, 13 juill. 1835 ; 156, 5 août 1835 ; 158, 20 oct. 1835 ; 159, 17 nov. 1835 ; 174, 10 janv., 16 févr. 1837 ; 175 ; 176, 6 mai 1837.— PAO, RG 1, C-IV, Nepean Township, Ottawa front concessions 1 et 2.— Bathurst Courier (Perth, [Ont.]), 1835–1837.— Bytown Gazette ([Ottawa]), 1836–1845.— Bytown Independent and Farmers’ Advocate ([Ottawa]), 1836.— Globe, 25 déc. 1856.— Packet (Bytown [Ottawa]), 1846–1851.— Lucien Brault, Hull, 1800–1950 ([Ottawa], 1950), 41 ; Ottawa old & new (Ottawa, 1946), 67–70, 127s.— A. A. Gard, Pioneers of the upper Ottawa and the humors of the valley [...] (4 parties en 1 vol., Ottawa, [1906]), 2e partie : 7, 12, 22, 33s., 39s. ; 4e partie : 8.— J. L. Gourlay, History of the Ottawa valley : a collection of facts, events and reminiscences for over half a century (Ottawa, 1896), 52s., 174.— Miller Stewart, King of the Shiners, Flamboyant Canadians, Ellen Stafford, édit. (Toronto, 1964), 63–81.— M. S. Cross, The Shiners’ war : social violence in the Ottawa valley in the 1830s, CHR, LIV (1973) : 1–26.
Michael S. Cross, « AYLEN (Vallely), PETER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/aylen_peter_9F.html.
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Auteur de l'article: | Michael S. Cross |
Titre de l'article: | AYLEN (Vallely), PETER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 2 nov. 2024 |