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Babcock, John Pease, expert des pêches, fonctionnaire, défenseur de l’environnement et auteur, né le 11 juin 1855 à St Paul (Minnesota), fils de Lorenzo Allen Babcock, procureur général du territoire du Minnesota, et d’Amanda Pease ; décédé célibataire le 12 octobre 1936 à Victoria.
John Pease Babcock contribua à établir les bases scientifiques et institutionnelles de la protection des pêches en Colombie-Britannique, même s’il ne possédait aucune formation officielle en sciences halieutiques. Il avait étudié les classiques et les langues dans des écoles privées du Wisconsin et du Vermont, où son père était né, et aurait fréquenté la Lawrence University à Appleton, au Wisconsin. Le gouvernement de la Colombie-Britannique l’engagea en 1901, sur la recommandation de l’important homme d’affaires et conserveur de saumon Robert Paterson Rithet*, qui avait entendu parler de ses travaux sur la conservation du poisson en Californie. Employé par le Board of Fish Commissioners de cet État depuis 1891, Babcock essaya, au tournant du siècle, de rétablir les montaisons de saumons dans le fleuve Sacramento, malgré les dégâts causés par la colonisation, la déforestation et l’extraction hydraulique. Ses efforts n’eurent sans doute aucun succès – à cette époque, les expérimentations sur le saumon apportaient rarement des résultats positifs –, mais Babcock s’était bâti une réputation au sein de l’industrie des pêches.
Au début des années 1900, le gouvernement de la Colombie-Britannique tentait d’accroître ses activités en matière de protection des pêches. Des querelles constitutionnelles entre l’Ontario et le gouvernement fédéral au sujet de la juridiction des pêches avaient soulevé la possibilité d’une décentralisation des pouvoirs au profit des provinces. Ces questions survinrent à un moment où la pêche au saumon du Pacifique était en pleine expansion et où un nombre grandissant de conserveries s’établissaient dans le bas du fleuve Fraser et près des rivières Skeena et Nass, vers le nord sur la côte. Les gros conserveurs craignaient que la croissance de l’industrie ne réduise les montaisons de sockeye dans le fleuve Fraser et conseillèrent au gouvernement de renforcer les réglementations fédérales en établissant des mesures de protection. Babcock entra en Colombie-Britannique avec le mandat de préserver les stocks.
Pendant plus de 30 ans, Babcock agirait à divers titres dans la fonction publique provinciale, prodiguant ses conseils en matière de pêches et menant des recherches. Sans que cela n’indique une rétrogradation, son titre changea avec le temps (à partir de 1907, le poste de commissaire des pêches était occupé par un élu) : il serait commissaire des pêches de 1901 à 1906, commissaire adjoint des pêches de 1907 à 1909 et assistant du commissaire adjoint des pêches de 1912 à 1933. Même s’il travailla en Californie de 1910 à 1912, il fut nommé en 1910 à la commission royale d’enquête sur le nombre de bateaux à utiliser par les conserveries de saumon dans la province de Colombie-Britannique.
À son arrivée dans la province, Babcock avait rapidement établi un relevé des frayères, qu’il effectuerait presque chaque année jusqu’à son rapport final de 1931. Même si les renseignements pour ses enquêtes provenaient en grande partie d’informateurs autochtones, il démontra peu de sympathie pour les pêcheurs autochtones. Quand il établit une alevinière au lac Seton, afin de renforcer l’approvisionnement de sockeye sur le réseau du fleuve Fraser, il déplaça une entreprise de pêche autochtone qui s’y trouvait. L’initiative se solda par un échec : trop peu de poissons revinrent à l’alevinière pour justifier les efforts déployés.
Après cette première expérience, Babcock abandonna la pisciculture et se concentra sur la surveillance des pêches, la commande de recherches scientifiques et la consultation en matière de politiques gouvernementales. En plus des relevés qu’il réalisa, il recueillit des statistiques sur la pêche de saumon sockeye au Canada et aux États-Unis et demanda à des scientifiques américains de renom de préparer des rapports. Parmi ces spécialistes figurait William Francis Thompson, qui s’occuperait des postes de recherche de premier plan dans la Commission internationale des pêcheries et la Commission internationale des pêches de saumon du Pacifique, mais qui présenta d’abord à Babcock, en 1913, une étude sur l’état des bancs de mollusques en Colombie-Britannique. Il y avait également Charles Henry Gilbert, qui était le plus éminent zoologue de la vie marine du Pacifique au début du xxe siècle et l’un des fondateurs du programme de pêches de la Stanford University à Palo Alto, en Californie. À partir de 1913, Gilbert écrivit une série d’articles sur la vie du saumon sockeye, la plus importante espèce commerciale, publiés dans les rapports des commissions sur les pêches. Le travail d’inventaire de Babcock et les recherches qu’il autorisa étaient d’autant plus significatifs qu’il existait peu de projets de recherche fédéraux à cette époque ; ceux-ci ne commencèrent véritablement qu’avec l’établissement d’une station marine à Nanaimo en 1908.
Les nombreux rapports de Babcock sur l’état des pêches de la province posèrent les fondations d’une science de l’inventaire du saumon du Pacifique. Il publia en outre, à Victoria, en 1910, un guide grand public, The game fishes of British Columbia, qui fut traduit en allemand. Il remporta un concours de nouvelles en 1924 pour le récit d’un trappeur rustre nommé Peace River Joe. Il devint un important conseiller du gouvernement provincial pour ses relations avec le ministère fédéral de la Marine et des Pêcheries. Dès son premier rapport, paru en 1902, il avait préconisé d’entreprendre des négociations avec les États-Unis pour contrôler les taux, les périodes et l’intensité des pêches internationales, et pour mener des recherches en coopération. Dans sa correspondance avec des journalistes et des hommes politiques tout au long des années 1920, il défendit, dans un langage simple et fort, le bien-fondé de mesures de coopération, et mit en garde contre le danger qu’il y avait à laisser les pêches sans contrôle. Familier avec beaucoup de hauts fonctionnaires des pêches des deux côtés de la frontière, il considérait que les traités représentaient le seul espoir d’assurer une réhabilitation durable du sockeye du fleuve Fraser, qui avait été dévasté par un glissement de terrain à Hells Gate en 1913 et par des décennies de pêche intensive. L’adoption par le Canada et les États-Unis, en 1923, d’une convention sur le flétan du Pacifique conduisit l’année suivante à la nomination de Babcock comme président de la Commission internationale des pêcheries, mise sur pied pour réglementer la pêche du flétan. En partie grâce à ses efforts, un projet d’accord sur la pêche au saumon fut conclu entre les deux pays en 1930 et finalement ratifié en 1937, une année après sa mort.
Babcock s’était installé à Victoria en 1901 et y passerait le reste de sa vie, à l’exception d’une courte période en 1910–1912 où il retourna en Californie. Il devint sujet britannique le 1er mars 1913. À Victoria, il s’engagea dans une série d’activités sociales et sportives qui convenaient à son rang social et à son statut de célibataire. Il était membre du Victoria Golf Club et de l’Union Club, et était un franc-maçon pratiquant. Il contribua aussi à la fondation du Queen Alexandra Solarium for Crippled Children, dont il fut directeur. En 1935, il reçut un doctorat honorifique en droit de la University of British Columbia.
John Pease Babcock fut l’un des plus importants défenseurs de l’environnement au début du xxe siècle en Colombie-Britannique. Il plaida pour l’utilisation rationnelle des ressources naturelles, critiqua le gaspillage par l’industrie et envisagea la nécessité de conclure des accords internationaux pour assurer la gestion des ressources transnationales. Ses pratiques de conservation montrent un engagement ferme et une grande conviction dans la réglementation et le contrôle de l’environnement par l’État pour assurer une exploitation perpétuelle.
BCA, GR-1304, file 442/1936 ; GR-1378 ; GR-2951, no 1936-09-519052 (mfm).— Univ. of B.C. Library, Rare Books and Special Coll. (Vancouver), International Pacific Salmon Fisheries Commission coll.— Univ. of Wash. Libraries, Special Coll. (Seattle, Wash.), ms coll. 0860 ; 2597.— Victoria Daily Times, 13 oct. 1936.— C.-B., Legislative Assembly, Sessional papers, 1902–1933 (rapports du commissaire des pêcheries, 1901–1931).— The development of the Pacific salmon-canning industry : a grown man’s game, Dianne Newell, édit. (Montréal et Kingston, Ontario, 1989).— Joanne Drake-Terry, The same as yesterday : the Lillooet chronicle the theft of their lands and resources (Lillooet, C.-B., 1989).— M. D. Evenden, Fish versus power : an environmental history of the Fraser River (Cambridge, Angleterre, 2004) ; « Locating science, locating salmon : institutions, linkages, and spatial practices in early British Columbia fisheries science », Environment and Planning D : Society and Space (Londres), 22 (2004) : 355–372 ; « Social and environmental change at Hells Gate, British Columbia », Journal of Hist. Geog. (Londres et New York), 30 (2004) : 130–153.— Geoff Meggs, Salmon : the decline of the British Columbia fishery (Vancouver, 1991).— Univ. of B.C. Library, Univ. Arch., « Honorary degrees conferred by UBC » : www.library.ubc.ca/archives/hondegre.html (consulté le 26 sept. 2013).
Matthew Evenden, « BABCOCK, JOHN PEASE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/babcock_john_pease_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/babcock_john_pease_16F.html |
Auteur de l'article: | Matthew Evenden |
Titre de l'article: | BABCOCK, JOHN PEASE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2017 |
Année de la révision: | 2017 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |