BAILEY, JACOB, ministre de l’Église d’Angleterre et auteur, né le 16 avril 1731 à Rowley, Massachusetts, deuxième enfant de David Bailey et de Mary Hodgkins ; en août 1761, il épousa Sally Weeks, de Hampton, New Hampshire, et ils eurent au moins six enfants ; décédé le 26 juillet 1808 à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse.

Jacob Bailey naquit dans une humble famille d’agriculteurs, mais reçut une bonne instruction grâce à l’intérêt que lui portait Jedediah Jewett, ministre congrégationaliste de Rowley, qui le prépara à entrer au Harvard College. Après avoir obtenu sa licence ès lettres de Harvard en 1755, il enseigna dans quelques villes de la Nouvelle-Angleterre, puis retourna au Harvard College en 1758 pour y décrocher sa maîtrise ès arts. Par la suite, il fut quelque temps prêcheur congrégationaliste dans le New Hampshire, jusqu’à ce que son admiration croissante pour les doctrines et le système de gouvernement épiscopal de l’Église d’Angleterre le conduisît à se convertir à cette dénomination en septembre 1759. Ordonné ministre anglican à Londres le 16 mars 1760, il revint en Amérique à l’été de l’année suivante ; il assuma immédiatement ses fonctions ecclésiastiques à Pownalborough, paroisse au territoire étendu, à la limite nord-est du Massachusetts (dans les environs de West Dresden, Maine).

La nomination de Bailey à Pownalborough reçut l’appui du docteur Silvester Gardiner, anglican en vue de Boston et un des principaux promoteurs de la Plymouth Company, laquelle s’occupait de mettre en valeur ce territoire récemment ouvert à la colonisation. Mais, au sein de la compagnie, les congrégationalistes s’opposaient à la domination de l’Eglise d’Angleterre dans cette région, et, à Pownalborough, un groupe travaillait vigoureusement pour faire échec à sa présence. Et comme les colonies américaines glissaient vers la rébellion ouverte, cette querelle de nature religieuse prit une teinte politique et s’envenima rapidement. Épouvanté par « l’obstination, la sottise, la folie, la perfidie » des rebelles, Bailey résolut de rester loyal à son Église et à son roi. Cette attitude lui valut, à partir de 1774, d’être à diverses occasions malmené et attaqué, même à coups de fusil, et il dut se cacher pour échapper à la mort. À deux reprises, en 1776, il fut convoqué devant le comité local de correspondance, une fois pour n’avoir pas lu les proclamations émises par les congrès continental et provincial, l’autre pour avoir prononcé un sermon séditieux, prié pour le roi et refusé de lire la Déclaration d’indépendance dans son église paroissiale. Courroucé par ces harcèlements constants et se plaignant amèrement d’en être « réduit à une pauvreté et à une détresse telles que souvent, et pour un temps considérable, il fut privé aussi bien des nécessités elles-mêmes que du confort de la vie », Bailey, décida de quitter Pownalborough pour la Nouvelle-Écosse, en juin 1779, afin de n’avoir pas à faire « grandement violence à [...] sa conscience ».

À leur arrivée à Halifax, les Bailey reçurent un accueil chaleureux et obtinrent une aide matérielle [V. John Breynton*]. La Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts le nomma bientôt à Cornwallis, dans la vallée d’Annapolis, et, en octobre 1779, il quitta Halifax pour sa première mission en Nouvelle-Écosse. À Cornwallis, il se trouva entouré de « whigs, d’indépendants, d’anabaptistes, de [fidèles] New Light [V. Henry Alline*] et d’austères saints du Connecticut ». Sa propre congrégation était si petite et si faible qu’il prêchait souvent devant plus de non-anglicans que d’anglicans. En outre, comme réfugiés loyalistes, les Bailey eurent à faire face à la rancune et à l’hostilité des anciens habitants. Affirmant que « le nombre des assassins du roi [était] proportionnellement dix fois plus grand [en cet endroit] que dans les dominions du Congrès », Bailey écrivit mélancoliquement : « mon désir le plus ardent est de retourner vers le reste de mes pauvres paroissiens [de Pownalborough] [...] Eût-il été possible de demeurer parmi eux sans provoquer ma perte autant que la leur, je n’aurais jamais été tenté de les quitter. »

À l’été de 1782, Bailey quitta Cornwallis pour une autre paroisse, Annapolis Royal ; son successeur, John Wiswall, arriva à Cornwallis l’année suivante. À Annapolis Royal, où il resta jusqu’à sa mort en 1808, Bailey trouva de vives et sérieuses divisions au sein de la communauté. En qualité de ministre responsable de la paroisse, il passa beaucoup de son temps à essayer d’atténuer l’hostilité entre les colons préloyalistes et les réfugiés loyalistes. Il se révéla aussi fort énergique comme missionnaire. La paroisse d’Annapolis, à l’instar de celle de Pownalborough, s’étendait loin au delà des limites de la ville, et Bailey visita régulièrement les régions éloignées de Grandville, de Cléments et de Digby, voyageant par tous les temps pour administrer les baptêmes, célébrer les mariages et présider aux funérailles dans les maisons de ses paroissiens. Il remplit en outre les fonctions d’aumônier adjoint de la garnison locale, même si la rémunération attachée à ce travail resta aux mains de son beau-frère, Joshua Wingate Weeks. Ce n’est qu’en 1794 que Bailey obtint la nomination à ce poste grâce à son ancien ami et compagnon d’études au Harvard Collège, le lieutenant-gouverneur John Wentworth.

L’œuvre littéraire de Bailey le désigne comme l’une des premières figures de la littérature canadienne-anglaise. Même si quelques-uns seulement de ses écrits furent publiés, beaucoup circulèrent assez largement, sous forme de manuscrits, parmi ses amis et ses connaissances, avant comme après sa mort. Sa poésie constitue la partie la plus significative de son œuvre. Jeune homme, il avait écrit de la poésie lyrique légère ; mais, en Nouvelle-Écosse, marqué par les persécutions et les injustices des rebelles, il se découvrit un talent pour la poésie satirique à la manière du poète anglais Samuel Butler. De 1779 à 1784, il écrivit quelques remarquables satires contre les rebelles, dont un long ouvrage intitulé America, dans lequel il indiquait les causes de la révolution d’un point de vue loyaliste. La guerre finie, Bailey mit America de côté et commença à travailler au plus long de ses poèmes, Jack Ramble, the Methodist Preacher, satire religieuse dans laquelle il soutenait que l’influence croissante de la religion non conformiste en Nouvelle-Écosse menaçait non seulement les intérêts de l’Église d’Angleterre, mais aussi la stabilité sociale et politique de la province. Il travailla pendant plus de dix ans à ce poème, qu’il laissa inachevé en 31 livres.

Bailey fut aussi l’auteur d’un nombre considérable d’ouvrages en prose, parmi lesquels des travaux substantiels de théologie, de morale (conçus spécialement pour les enfants et les jeunes demoiselles), d’histoire américaine et de géographie sur le Maine et la Nouvelle-Écosse. On trouve encore, dans ses papiers, trois romans épistolaires inachevés et des fragments de trois pièces de théâtre dont Majesty of the Mob, dramatisation d’un procès mené devant un comité de correspondance, laquelle retient le plus l’attention. Parmi les romans, Serena, qui raconte l’histoire d’une jeune fille loyaliste victime des cruelles machinations des rebelles, semble le mieux écrit comme le plus intéressant.

Jacob Bailey mourut à l’âge de 77 ans ; lui survécurent sa femme, trois filles et trois fils. Ce fut un homme aux multiples facettes, et chacune d’elles reflétait l’attachement profond qu’il portait à son Église et à son roi.

Julie Martha Ross et Thomas B. Vincent

Jacob Bailey est l’auteur de « Behold the vaunting hero », Royal Gazette and the Nova-Scotia Advertiser (Halifax), 11 déc. 1798, et de « Observations and conjectures on the antiquities of America », Mass. Hist. Soc., Coll. (Boston), 1re sér., 4 (1795) : 100105. Trois des poèmes de Bailey ont été publiés et commentés dans Narrative verse satire in Maritime Canada, 1779–1814, Thomas Brewer Vincent, édit. (Ottawa, 1978).

Lincoln County Cultural and Hist. Assoc. (Wiscasset, Maine), Pownalborough courthouse coll., Jacob Bailey papers.— PANS, MG 1, 91–104.— The fronder missionary : a memoir of the life of the Rev. Jacob Bailey, AM., missionary at Pownalborough, Maine ; Cornwallis and Annapolis, N.S., W. S. Bartlet, édit. (Boston, 1853). J. M. Ross, « Jacob Bailey, loyalist : Anglican clergyman in New England and Nova Scotia » (thèse de m.a., Univ. of New Brunswick, Fredericton, 1975). R. P. Baker, « The poetry of Jacob Bailey, loyalist », New England Quarterly ([Cambridge, Mass.]), 2 (1929) : 58–92. T. B. Vincent, « Alline and Bailey », Canadian Literature (Vancouver), nos 68–69 (printemps-été 1976) : 124133 ; « Keeping the faith : the poetic development of Jacob Bailey », Early American Literature (Amherst, Mass.), 14 (19791980) : 314 ; « Some examples of narrative verse satire in the early literature of Nova Scotia and New Brunswick », Humanities Assoc. Rev. (Kingston, Ontario), 27 (1976) : 161175.

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Julie Martha Ross et Thomas B. Vincent, « BAILEY, JACOB », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bailey_jacob_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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