BARKER, EDWARD JOHN, médecin, éditeur et rédacteur en chef, né le 31 décembre 1799 à Islington (maintenant partie de Londres), fils de William Barker et de Margaret Greenwood ; en 1821, il épousa Elizabeth Phillips (décédée en 1859), et ils eurent 13 enfants, puis., le 8 mai 1868, Ellen Griffiths ; décédé le 27 avril 1884 à Barriefield, près de Kingston, Ontario.

Edward John Barker se rendit en Caroline du Sud avec sa famille, en 1807. Son père mourut peu de temps après, et Barker retourna dans le comté de Norfolk, en Angleterre, pour y étudier. En 1814, il alla vivre chez un oncle distingué, John Barker, consul britannique à Alep (Haleb), en Syrie, avant d’entrer en apprentissage chez un chirurgien-apothicaire de l’île de Malte. Il inaugura sa carrière dans la marine lorsqu’il fut nommé aide-chirurgien sur le sloop hm Racehorse, en 1819. Promu chirurgien à la mort de son supérieur, il décida de consacrer sa vie à la médecine, quitta la marine et, environ deux ans plus tard, obtint son diplôme à Londres. Il pratiqua pendant dix ans dans le district londonien d’East Smithfield avant de prendre la décision d’immigrer dans le Haut-Canada. Les Barker arrivèrent à Kingston en décembre 1832.

La bonté et le talent de Barker comme médecin lui valurent l’appui de la population de Kingston, mais il s’intéressa vivement au journalisme et accepta bientôt le poste de rédacteur en chef du journal réformiste modéré, le Kingston Spectator, qui parut pour la première fois le 15 janvier 1833. L’année suivante, il publiait le premier numéro de son propre bihebdomadaire, le British Whig. Cette entreprise demandait beaucoup de courage. Kingston comptait une population de moins de 4 000 personnes et faisait déjà vivre trois journaux ; même si l’importance que Barker attachait aux liens avec la Grande-Bretagne était bien connue et approuvée par la majorité, ses sympathies réformistes ne plaisaient guère dans cette « King’s Town » encore très conservatrice. Néanmoins, ses éditoriaux énergiques, ses reportages, tant sur l’actualité canadienne qu’étrangère, et sa défense des intérêts agricoles et commerciaux lui gagnèrent au début beaucoup de lecteurs au Haut-Canada. La rébellion de 1837, cependant, ne fit pas que menacer l’avenir du Whig : elle changea aussi la philosophie politique de son propriétaire. Parce qu’il avait affiché certaines tendances réformistes, son journal fut boycotté, sa presse démolie et Barker lui-même subit des voies de fait. Il refusa de céder à l’intimidation, mais il ne pouvait trouver d’excuses à une rébellion année ; aussi fit-il du Whig, au début de 1838, un organe conservateur. Le journal prospéra dans son nouveau rôle et, pendant les années 1841–1844, Kingston étant la capitale du Canada, il retint l’attention par ses reportages approfondis sur les affaires parlementaires. Lorsque Montréal devint la capitale, le Whig jouissait d’une position trop solide pour en être sérieusement affecté.

Pendant les deux années suivantes, Barker connut des problèmes particuliers, provenant, semble-t-il, des attaques de ses rivaux à Kingston. En septembre 1845, le Chronicle & Gazette publia des excuses à son endroit pour éviter un procès en diffamation. En 1846, Barker gagna une poursuite contre le docteur John Stewart*, qui avait fondé l’Argus dans le but précis de « disséquer » le rédacteur du Whig. Ses relations avec d’autres rédacteurs en chef canadiens furent la plupart du temps cordiales ; pourtant, quand des délégués se réunirent à Kingston, en septembre 1859, pour fonder une association « afin de promouvoir l’influence de la presse comme facteur du bien-être de l’État », Barker admit qu’il ne trouvait pas de valeur réelle à ce projet, mais il ne « le dénigrerait [certainement] pas, le moment venu d’agir ». De toute façon, il devint l’un des membres fondateurs de la Canadian Press Association, quoique, plus tard, il lui accorda peu d’attention.

Peu de temps après avoir lancé le Whig, le docteur Barker avait fondé une maison d’imprimerie de travaux de ville, l’Atheneum Press. On y imprimait surtout des brochures, des tracts, des prospectus commerciaux et des rapports annuels d’associations locales. Barker obtint aussi l’impression des Journaux de l’Assemblée législative de l’année 1843, en vertu d’un contrat d’un an. La publication de livres l’attira aussi ; sa première tentative fut probablement The military catechism [...], œuvre de John Sidney Doyle, publiée en 1838. En mai 1846, il se lança dans son entreprise la plus ambitieuse, le Barker’s Canadian Monthly Magazine, qu’il voulait d’un ton conservateur, mais indépendant du point de vue politique et complètement non confessionnel. On publiait dans chaque numéro un résumé des événements du mois, des articles sur l’agriculture et le commerce canadiens, et « des contes, des essais et des poèmes inédits, écrits, dans la mesure du possible, par des auteurs canadiens ». Le magazine connut du succès auprès de la critique, mais ne put conquérir un marché envahi par des éditions américaines, contrefaites et bon marché, de périodiques britanniques. Le dernier numéro parut en avril 1847. Cet échec entraîna presque la faillite de Barker, mais il était plein de ressources et, le 1er janvier 1849, dans une entreprise audacieuse, le Whig se transforma en quotidien, le premier à connaître le succès au Haut-Canada ; 13 ans plus tard, on ajouta une édition hebdomadaire à ce qui fut désormais un des journaux les plus influents du Canada.

Homme cultivé et bienveillant, Barker était néanmoins, en tant que rédacteur en chef, incontestablement imbu de ses opinions ; il fut constamment l’adversaire du parti libéral, des annexionnistes, des extrémistes religieux et des défenseurs de l’abstinence totale, et il avait des idées arrêtées sur la conduite qui convenait aux officiers de la garnison britannique et aux autres hommes publics. Il maniait le sarcasme et le ridicule avec une habileté déconcertante, souvent d’une façon injuste. Il s’excusait cependant rapidement de ses erreurs et n’était pas avare d’éloges. Ce mélange d’éloges, d’attaques et de retraites donnait à la lecture du Whig un attrait irrésistible.

Pendant toute sa vie active, Barker fut un membre influent de la franc-maçonnerie, de la St George’s Society, de l’institut des artisans et des sociétés d’agriculture et d’horticulture du comté de Frontenac. Il participa aussi à la fondation de l’église anglicane St Mark, à Barriefield. Bien qu’il ne pratiquât plus la médecine de façon officielle après 1834, il fit une croisade énergique en faveur de la santé et de l’hygiène publiques. Son souci premier, toutefois, demeura le progrès de Kingston, une préoccupation évidente dans les articles intitulés « Spring walk of the British Whig », qu’il publia annuellement pendant des années comme chronique des développements locaux. Bien que consterné par l’arrivée du chemin de fer qui, effectivement, entraîna la ruine de l’entreprise de transport lucrative de Kingston, et par le retrait, en 1870, de la garnison impériale qui rapportait environ £100 000 par année à la communauté, il ne perdit jamais foi en l’avenir de la ville. Il fit aussi une campagne vigoureuse en faveur de la mise en valeur de l’arrière-pays de Kingston. Le sujet avait retenu son attention dès l’été de 1834, époque où il publia une série d’articles sur ses voyages sur le canal Rideau, articles qu’il édita aussi sous forme de brochure.

Barker aimait profondément la musique et le théâtre, et ses critiques encourageaient le public à assister aux représentations données autant par les amateurs que les professionnels. Il reprochait constamment à la ville l’absence de théâtre convenable et de salle de concert appropriée. Il avait prononcé des conférences publiques sur la musique vocale en 1834 et, en 1836, le Whig publia son opérette en un acte, The bridegroom. Pendant 30 ans, rares furent les dîners publics à Kingston que n’anima pas sa belle voix de baryton – seul talent musical qu’il possédait ; quoique sérieux, il ne dédaignait pas non plus régaler ses convives de chansons populaires.

Au début de l’automne de 1871, des conservateurs plus partisans et plus jeunes, qui avaient fait l’acquisition du Daily News, contestèrent le monopole détenu par Barker à la suite du favoritisme de leur parti tant à l’endroit de son journal que des contrats d’impression. Après certaines négociations, Barker annonça en octobre qu’il abandonnerait, le 31 décembre, la direction du Whig à son petit-fils Edward John Barker Pense, son collaborateur de longue date. À la mi-décembre, John Sandfield Macdonald* nomma le docteur Barker greffier de Kingston, poste de favoritisme qu’il conserva jusqu’à sa mort. L’arrivée de Pense à la direction du journal, au début de l’année 1872, marqua la fin d’une ère dans le journalisme politique ; dorénavant, le Whig serait l’organe du parti libéral et le Daily News représenterait les intérêts conservateurs.

Homme à la personnalité complexe et attachante, le docteur Barker avait été un citoyen et un patriote respecté et un grand rédacteur en chef.

John W. Spurr

En plus d’être l’auteur des Observations on the Rideau Canal (Kingston, Ontario, 1834), Edward John Barker publia le Barker’s Canadian Monthly Magazine (Kingston), 1846–1847.

Daily British Whig, 1834–1871 ; avril 1884.— A history of Canadian journalism [...] (2 vol., Toronto, 1908–1959), II (écrit par W. A. Craick).— H. P. Gundy, « Publishing and bookselling in Kingston since 1810 », Historic Kingston, 10 (1962) : 22–36.— Donald Swainson, « Alexander Campbell : general manager of the Conservative party (eastern Ontario section) », Historic Kingston, 17 (1969) : 78–92.— Whig-Standard (Kingston), 14 janv. 1949.

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John W. Spurr, « BARKER, EDWARD JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/barker_edward_john_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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