BARNARD, JOSEPH (baptisé Joseph-Marie-Basile), avocat, journaliste et archiviste, né le 14 juin 1872 à Trois-Rivières, Québec, fils de James Barnard et d’Eliza Marchand ; le 9 janvier 1905, il épousa au même endroit Alida Perreault, et ils eurent deux fils et une fille ; décédé le 24 février 1939 dans sa ville natale.
Fils d’un ingénieur civil et arpenteur-géomètre de Trois-Rivières, Joseph Barnard était issu d’une famille établie dans la région mauricienne depuis l’arrivée de son grand-père, Edward Barnard. D’origine anglaise et de confession protestante – qu’il abjura en 1828, au moment de son mariage à une Canadienne française –, ce dernier fut député de Trois-Rivières de 1834 à 1838 pour le Parti patriote. Il subit une peine d’emprisonnement à Montréal en 1838 pour avoir pris part à la rébellion. Avocat de formation, il devint greffier de la couronne et protonotaire du district de Trois-Rivières (1844), greffier de la Cour de circuit (1849), et greffier de la Cour supérieure. Il acquit une propriété de 34 acres, sur laquelle il fonda une ferme, rachetée en 1867 par le collège des Trois-Rivières.
Joseph Barnard fit ses études primaires chez les Frères des écoles chrétiennes, à Trois-Rivières, puis ses études classiques au séminaire de Saint-Joseph des Trois-Rivières. Il quitta sa ville natale pour suivre une formation en droit à l’université Laval à Montréal. Après avoir obtenu son diplôme de bachelier et avoir été admis au Barreau de la province de Québec, en juillet 1897, il travailla dans la métropole, d’abord au bureau de son oncle Edmund Barnard, puis à son compte. Au cours de cette période, il s’initia au journalisme en collaborant à diverses publications. Il milita également pour le Parti conservateur lors des élections fédérales de 1900.
À partir de l’automne de 1902, Barnard exerça le droit dans sa ville natale, et ce, jusqu’à la fin de sa vie. On en connaît peu sur sa carrière juridique. Au fil des ans, il se consacrerait probablement de plus en plus au journalisme. Durant les absences de Fortunat Lord, il agissait comme recorder suppléant du district de Trois-Rivières. Autour des années 1920, il aurait également servi de conseiller juridique pour des compagnies françaises faisant affaire avec les chantiers maritimes de Trois-Rivières.
Barnard installa son bureau d’avocat dans le bâtiment du Trifluvien, principal journal de la ville et d’allégeance conservatrice ultramontaine. Dès le mois d’octobre 1902, il commença à en rédiger la section politique. Après le grand incendie de 1908, au cours duquel les locaux du Trifluvien, entre autres, furent détruits, Mgr François-Xavier Cloutier, évêque de Trois-Rivières, avec l’aide de curés et de notables, organisa la création du Bien public pour remplacer, à Trois-Rivières, le défunt journal, allié précieux du milieu ecclésiastique. À cette époque, à la suite d’écrits des papes Léon XIII et Pie X en faveur du développement de la « bonne presse », d’autres journaux catholiques voyaient le jour dans la province, dont l’Action sociale à Québec en 1907 [V. François-Xavier-Jules Dorion ; Paul-Eugène Roy*] et le Devoir à Montréal en 1910 [V. Henri Bourassa*].
La corporation épiscopale de Trois-Rivières, qui finança le Bien public au moment de sa fondation le 8 juin 1909, choisit Barnard comme gérant et rédacteur en chef de l’hebdomadaire. À partir de 1911, ce dernier fit son travail sous l’autorité d’un conseil de direction dont la fonction consistait à s’assurer que la publication respecte certains principes moraux édictés par l’évêque ; ainsi, de nombreux articles et éditoriaux portaient notamment sur le mouvement de tempérance, les œuvres sociales, les syndicats agricoles et ouvriers, les caisses d’épargne et de crédit. En décembre 1913, après des années d’efforts pour assurer la survie du journal, dont les revenus étaient insuffisants, la corporation épiscopale trouva un moyen de partager les risques financiers. La gestion de l’entreprise fut confiée à la Compagnie Le Bien public, dont la corporation épiscopale était l’actionnaire majoritaire. Barnard demeura le responsable de la rédaction, mais cessa d’accomplir le travail de gérant. Il devint plutôt, à titre de secrétaire de cette compagnie, un membre actif du comité de direction. Selon le procès-verbal de l’assemblée générale du 4 février 1914, il n’eut pas à payer pour devenir actionnaire en raison des « services de la première heure » rendus au journal ; de plus, la corporation épiscopale épongea ses dettes contractées pour le Bien public. En effet, il avait lui-même investi de l’argent en 1911, en achetant le matériel d’imprimerie et l’assortiment de papier de F.-X. Vanasse pour 7 000 $, somme payable en versements mensuels de 500 $.
La corporation épiscopale, qui redeviendrait seule propriétaire du Bien public en 1925, n’était pas au bout de ses peines. Grâce à la détermination de plusieurs personnes, dont celle de Barnard, elle parviendrait cependant à garder le journal sous l’autorité religieuse pendant encore une vingtaine d’années. Le Bien public rencontra un compétiteur sérieux en 1920, avec la fondation à Trois-Rivères du quotidien le Nouvelliste. À titre de rédacteur en chef, Barnard dut participer à l’effort de relance : campagnes pour recruter abonnés, annonceurs et donateurs, parution de deux numéros par semaine (plutôt qu’un), ajout de nouvelles rubriques (chroniques de voyage, historiques et littéraires, faits divers, mots croisés). En 1921, le tirage était de 5 600 exemplaires, 600 de plus qu’en 1915 : c’était un record, selon Barnard. Trois ans plus tard, le Nouvelliste imprimait plus de numéros que le Bien public, dont la situation financière continua à se détériorer.
En 1933, la corporation épiscopale vendit le Bien public à Clément Marchand et Raymond Douville ; jeunes, dynamiques et bien connus dans le milieu littéraire, ces deux laïcs en devinrent respectivement rédacteur et directeur. Barnard quitta le poste de rédacteur en chef qu’il avait occupé pendant plus d’un quart de siècle, sans faire ses adieux aux lecteurs, ce qui suscita bientôt l’indignation de Camille Duguay, directeur de la Voix des Bois-Francs de Victoriaville. Les nouveaux propriétaires expliquèrent que la corporation épiscopale avait d’abord offert à Barnard d’acquérir le Bien public, ce qu’il refusa. Ils ajoutèrent qu’ils ne purent lui accorder la rémunération nécessaire pour le garder au sein de l’équipe de rédaction. Durant les dernières années de sa vie, Barnard collabora quelques fois au Nouvelliste. À partir de novembre 1936, il fut également le directeur du Mauricien, de Trois-Rivières, aux côtés de Charles-Auguste Saint-Arnaud, rédacteur. Lorsqu’il accepta un poste au Droit d’Ottawa, ce dernier proposa à Marchand et Douville de le remplacer. Probablement à cause d’un différend au sujet du salaire et, aussi, du contenu du périodique, Barnard choisit, au printemps de 1937, de quitter le mensuel trifluvien.
Pour son dévoué travail au sein de la presse catholique, Barnard avait reçu, en juin 1921, le titre de chevalier de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, honneur pontifical qu’obtint pour lui Mgr Cloutier au cours d’un voyage à Rome. Comme il l’écrivit dans le Bulletin paroissial de Notre-Dame des Sept Allégresses, publié à Trois-Rivières, en 1925, Barnard l’accepta en tant que « fils d’un ancien zouave pontifical ». En effet, son père avait combattu en Italie de 1867 à 1870, tandis que son oncle Édouard-André Barnard* s’était surtout impliqué dans l’organisation de contingents de zouaves au Canada. Vers 1886, les deux hommes cohabitaient, avec leur famille, dans la même résidence de la paroisse Sainte-Ursule, là où Joseph, entouré de fervents catholiques, avait grandi.
Parallèlement à sa profession d’avocat et à sa carrière de journaliste, Barnard était du groupe fondateur de la Société d’histoire régionale des Trois-Rivières, en 1926, au sein de laquelle il privilégia les recherches en histoire juridique. La cinquantaine de personnes qui en faisaient partie, surtout des historiens amateurs recrutés parmi le clergé et les membres de professions libérales de la région, réclamèrent pendant plusieurs années la nomination d’un archiviste pour le district de Trois-Rivières. La candidature de Barnard fut proposée dès son départ du Bien public. Le gouvernement provincial de Maurice Le Noblet Duplessis* lui obtint un poste aux archives du palais de justice en octobre 1938. Barnard mourut quatre mois plus tard.
Homme cultivé et amoureux de sa ville natale, Joseph Barnard fit partie des personnalités importantes de Trois-Rivières. Il consacra toutes ses énergies à sa profession d’avocat et à sa carrière de journaliste. À titre de rédacteur en chef du Bien public et de secrétaire de la compagnie du même nom, Barnard dut satisfaire à la fois aux exigences morales de l’évêque et aux impératifs économiques associés au développement d’un journal. Comme d’autres membres de sa famille qui avaient accompli leur devoir religieux en s’engageant comme zouaves, Barnard joignit les apôtres de la « bonne presse » et s’y investit pleinement durant toute sa vie active.
Arch. de l’évêché de Trois-Rivières, Québec, Fonds le Bien public, procès-verbaux des assemblées générales des actionnaires de la Compagnie du « Bien public », 1914–1925.— Arch. du séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, 0014 (fonds Albert Tessier), Q3-1 (Soc. d’hist. régionale de Trois-Rivières) ; 0021 (fonds Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières), M1-33 (Barnard, ferme), vente par Wm McDougall, ecuier es qualité, à George Badeaux, ecuier es qualité, 5 mai 1868 ; 0368 (fonds Trifluviens du 19e et 20e siècle), 009 (Barnard, famille).— BAnQ-MCQ, CE401-S48, 15 juin 1872 ; P3.— FD, Immaculée-Conception, cathédrale l’Assomption (Trois-Rivières), 9 janv. 1905.— Le Bien public (Trois-Rivières), 7 juin 1921, 1er juill. 1926.— Le Devoir, 24 févr. 1939.— Le Nouvelliste (Trois-Rivières), 31 oct. 1938, 24 févr. 1939.— Le Trifluvien (Trois-Rivières), 14 oct. 1902.— BCF, 1922.— Brigitte Hamel, Recensement de la paroisse de Trois-Rivières, 1886 (Trois-Rivières, 1990).— René Hardy et al., Histoire de la Mauricie (Sainte-Foy [Québec], 2004).— Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Trois-Rivières (34 vol., Trois-Rivières, 1852–1999), 8.— « M. Joseph Barnard », le Mauricien (Trois-Rivières), 1 (1936–1937), no 1 : 1.— Maude Roux-Pratte, « le Bien public (1909–1978) : un journal, une maison d’édition, une imprimerie ; la réussite d’une entreprise mauricienne à travers ses réseaux » (thèse de ph.d., univ. du Québec à Montréal, 2008).
Maude Roux-Pratte, « BARNARD, JOSEPH (baptisé Joseph-Marie-Basile) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/barnard_joseph_16F.html.
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Auteur de l'article: | Maude Roux-Pratte |
Titre de l'article: | BARNARD, JOSEPH (baptisé Joseph-Marie-Basile) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2013 |
Année de la révision: | 2013 |
Date de consultation: | 7 nov. 2024 |