BELLENGER, JOSEPH-MARIE, prêtre catholique, missionnaire et journaliste, né le 15 avril 1788 à Québec, fils de Joseph Bélanger, maître pelletier, et de Marie-Catherine Manisson (Malisson), dit Philibert ; décédé le 6 mai 1856 à Longue-Pointe (Montréal).
Joseph-Marie Bellenger fit son cours classique au petit séminaire de Québec de 1800 à 1808. Il poursuivit ses études au grand séminaire à partir de 1810. Ordonné prêtre le 13 mars 1813, il remplit la fonction de vicaire de Saint-Joachim, à Châteauguay, puis, dès l’automne de la même année, il fut nommé à la même charge à Saint-Laurent, dans l’île de Montréal. Les besoins en personnel sacerdotal étaient si grands à cette époque que le vicariat durait à peine le temps nécessaire à un apprentissage pastoral. À l’âge de 26 ans, Bellenger fut envoyé comme missionnaire à Restigouche, dans la baie des Chaleurs, où il œuvra pendant cinq ans auprès des Micmacs.
Ayant déjà montré comme étudiant un talent particulier pour la versification et la linguistique, Bellenger se mit à l’étude de la langue micmaque. À l’invitation de l’évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis*, qui lui remit des cahiers manuscrits de l’abbé Pierre Maillard*, le grand apôtre des Micmacs, il prépara, dès 1817, un alphabet micmac, une ébauche de grammaire, un recueil de prières, ainsi qu’un catéchisme l’année suivante.
Nommé curé de Saint-Paul (à Joliette) en 1819, Bellenger y exerça son ministère avec compétence et se soucia en particulier des pionniers du canton de Rawdon, pour la plupart des immigrants irlandais misérables. Il desservit ensuite la cure de Saint-Pascal en 1829 et 1830, puis celle de Saint-François-du-Lac de 1830 à 1833. Celle-ci s’avérera la cure la plus importante que Bellenger ait occupée, à cause du travail missionnaire qu’elle comportait par surcroît auprès d’un groupe d’Amérindiens. À son arrivée, Bellenger s’employa à contrer les efforts du maître d’école Osunkhirhine (Pierre-Paul Masta), qui introduisait le protestantisme chez les Abénaquis de la mission Saint-François-de-Sales (Odanak), annexée à sa paroisse. Ancien élève du Dartmouth College de Hanover, dans le New Hampshire, Masta avait adhéré à l’Église congrégationaliste pendant son séjour à cet endroit. Depuis 1829, il était maître d’école pour le compte du département des Affaires indiennes auprès des Abénaquis de Saint-François-de-Sales et enseignait à une quarantaine d’enfants. Il se servait, entre autres, d’un vocabulaire abénaquis- anglais qu’il avait préparé et fait imprimer à Boston en 1830 ; de plus, l’Eglise congrégationaliste s’apprêtait à pourvoir gratuitement son école des livres dont elle avait besoin, notamment d’un catéchisme protestant.
Pour prévenir un enseignement « hérétique », Bellenger fit traduire le petit catéchisme du diocèse de Québec en langue abénaquise avec l’assentiment de son évêque, Mgr Bernard-Claude Panet*. Il y travailla avec l’aide de Masta lui-même. Le livre fut révisé par un Abénaquis catholique et publié à Québec en 1832 sous le titre de Kagakimzouiasis ueji uo’banakiak adali kimo’gik aliuitzo’ki za plasua.
Toutefois, Masta manifestait de plus en plus de hardiesse. De concert avec son assistant, Jacques-Joseph Annance, dit Kadnèche, qui avait étudié lui aussi à Hanover, il avait invité un ministre protestant de Trois-Rivières à venir prêcher au village et faisait des pressions sur le gouvernement pour avoir un ministre résidant. En mai 1832, Mgr Panet vint exhorter les Abénaquis à abandonner Masta. Au lendemain de sa visite, ce dernier prêcha avec plus de zèle que jamais pour les détourner de l’obéissance à l’évêque.
Afin de satisfaire les besoins de la paroisse et de la mission, Bellenger proposa la construction d’une nouvelle église située dans le centre du village. Cette église serait plus facile d’accès aux habitants de la seigneurie de Pierreville et se trouverait vis-à-vis de la mission des Abénaquis que le curé de Saint-François-du-Lac pourrait ainsi mieux surveiller. Son projet se heurta à l’opposition d’une partie des paroissiens qui ne voulaient pas qu’on construise une nouvelle église sur un autre terrain. Ces derniers menacèrent de porter l’affaire devant les tribunaux. Sur les conseils du nouvel évêque de Québec, Mgr Joseph Signay*, Bellenger dut renoncer à son projet dans l’attente d’un moment plus favorable pour sa réalisation.
En juin 1832, Bellenger demanda aux chefs du village de signer une requête pour faire destituer Masta de son poste, mais en vain. Ceux-ci étaient « d’avis que pas un homme ne [pouvait] pêcher [Masta] d’expliquer la Bible, puisqu’en cela il [allait] selon sa conscience et qu’il enseign[ait] de bonnes choses ». Kadnèche intervint fortement en faveur du maître d’école qu’il considérait comme le pasteur des Abénaquis. Les chefs ne tardèrent pas cependant à changer d’avis au sujet de Masta lorsqu’ils s’aperçurent que celui-ci cherchait à prendre la direction du village. Masta alla jusqu’à les insulter en affirmant que les commissions de premier chef de son beau-père, Simon Obomsawin, et des autres chefs abénaquis de Saint-François-de-Sales ne valaient pas, selon lui, « un coton de blé d’Inde ». On mit le nouveau surintendant adjoint du département des Affaires indiennes, le colonel William McKay*, au fait de la situation ; celui-ci obtint une lettre du gouverneur en chef, Matthew Whitworth-Aylmer*, qui menaçait de rayer Masta de la liste des fonctionnaires du département s’il continuait à répandre la discorde au milieu des siens. Mais McKay mourut subitement à Montréal durant l’épidémie de choléra la même année, et le gouvernement reporta sa décision à plus tard.
Durant son séjour à Saint-François-du-Lac, Bellenger avait demandé à trois reprises d’être relevé de ses fonctions. Le 21 octobre 1833, Mgr Signay accepta sa démission. Le 22 février 1834, le grand vicaire du diocèse de Québec, Louis-Marie Cadieux*, à la demande de Mgr Signay, autorisa Bellenger à exercer les fonctions de vicaire de Saint-Michel, à Yamaska, charge qu’il assuma jusqu’en août 1835. Placé peu après au collège de Chambly, il reçut, le 12 octobre de cette année-là, la cure de Saint-François-d’Assise, à Longue-Pointe. Le 14 décembre suivant, Bellenger fut nommé curé de Saint-Esprit, poste qu’il occupa jusqu’en 1846.
Bellenger se fit également connaître durant sa vie comme linguiste, homme de lettres et journaliste. Son ébauche de grammaire micmaque, préparée en 1817 à partir des cahiers de l’abbé Maillard, servit en 1864 à l’édition de Grammaire de la langue mikmaque que publia à New York John Dawson Gilmary Shea ; l’éditeur avait obtenu le manuscrit grâce à Jean-Baptiste-Antoine Ferland*, professeur d’histoire à l’université Laval. L’un des premiers membres de la Société littéraire et historique de Québec, Bellenger collabora activement avec Michel Bibaud à la Bibliothèque canadienne, journal publié à Montréal, durant les cinq années de sa parution, de 1825 à 1830. Cette revue avait pour but de « répandre la connaissance des sciences, des arts, des lettres, et de faire ressortir les talents inconnus ou effacés des compatriotes décédés ou vivants, de produire au jour les mouvements littéraires, les traits d’histoire, les événements mémorables et d’en instruire la jeunesse et le public ». Bellenger y apparut très versé en poésie, en agronomie et en mathématiques.
Au début de février 1846, Bellenger se joignit à André-Toussaint Lagarde pour s’occuper du journal diocésain Mélanges religieux. Les deux nouveaux propriétaires et rédacteurs se soucièrent surtout de rapporter dans leur journal ce qu’ils trouvaient valable dans d’autres journaux et périodiques ou parmi les lettres et documents qui leur étaient envoyés pour publication. Ils n’écrivaient pas eux-mêmes des éditoriaux ni des articles à proprement parler ; ils se limitaient à présenter les textes qu’ils avaient choisis. Bellenger se consacra aux nouvelles ecclésiastiques du diocèse de Montréal et du monde entier. Il travailla aux Mélanges religieux avec Lagarde jusqu’en juin 1846, puis seul jusqu’en septembre 1847, date à laquelle il quitta ses fonctions.
On sait peu de chose des dernières années’ de Joseph-Marie Bellenger, si ce n’est qu’il ne remplit plus aucune tâche pastorale à cette époque. Faute de renseignements précis à ce sujet, on peut cependant supposer que Mgr Signay lui aurait alors interdit d’exercer son ministère, Bellenger n’ayant pas été, semble-t-il, sans faire preuve de faiblesse à l’égard de l’argent que lui avaient confié ses anciens paroissiens. Chose certaine, il perdit ses pouvoirs ecclésiastiques en 1848, peut-être parce qu’il avait été fautif ou malade. Quoi qu’il en soit, Bellenger s’était révélé durant sa vie un homme cultivé, soucieux de vérité et ouvert aux divers champs de la science.
AAQ, 12 A, G : fos 202, 224 ; H : fos 12, 34, 41 ; 210 A, VIII : 303–305, 377–380, 472–477 ; IX : 34–41, 109–111, 192–194, 254–256, 439–440 ; XII : 207, 538–539 ; XIV : 314–316 ; 26 CP, VII : 7a ; T, Papiers J.-B.-A. Ferland, corr.— ACAM, RLB, I : 92–94, 227–228 ; RLL, III : 163–164, 168–171 ; IV : 413–415 ; VIII : 220–221.— ANQ-M, CE1-51, 8 mai 1856.— ANQ-Q, CE1-1, 16 avril 1788.— Arch. de l’évêché de Joliette (Joliette, Québec), Cartable Saint-Paul-de-Joliette, I : 1825–5 ; Cartable Saint-Esprit, I : 1837–1, 4, 5, 1838–8, 9 ; Cartable Saint-Lin, I : 1837-4, 1838-1.— Arch. de l’évêché de Nicolet (Nicolet, Québec), Cartable Saint-François-du-Lac, I, 24 oct., 15 nov. 1830, 28 nov. 1831, 10 avril, 28 mai, 27 juin, 7, 16 juill, 13 août, 1er, 22 sept., 17 déc. 1832.— ASQ, Fichier des anciens.— Grammaire de la langue mikmaque, J.-M. Bellenger, édit. (New York, 1864).— Kagakimzouiasis ueji uo’banakiak adali kimo’gik aliuitzo’ki za plasua (Québec, 1832).— Mélanges religieux, 6 févr. 1846, 14 sept. 1847.— Allaire, Dictionnaire, 1 : 41.— F.-M. Bibaud, le Pantheon canadien (A. et V. Bibaud ; 1891), 20.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Signay », ANQ Rapport, 1936–1937 : 222, 241, 270 ; 1937–1938 : 53, 72.— Le Jeune, Dictionnaire, 1 : 170.— J. C. Pilling, Bibliography of the Algonquian languages (Washington, 1891), 41, 539.— P.-G. Roy, Fils de Québec, 3 : 41–42.— Tanguay, Dictionnaire, 5 : 479 ; Répertoire (1893), 176.— T.-M. Charland, Histoire de Saint-François-du-Lac (Ottawa, 1942), 233–250 ; Histoire des Abénakis d’Odanak (1675–1937) (Montréal, 1964), 179–180, 193–218.— Meilleur, Mémorial de l’éducation (1876), 305–306.— « Les Disparus », BRH, 32 (1926) : 59.
Lucien Lemieux, « BELLENGER, JOSEPH-MARIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bellenger_joseph_marie_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/bellenger_joseph_marie_8F.html |
Auteur de l'article: | Lucien Lemieux |
Titre de l'article: | BELLENGER, JOSEPH-MARIE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 13 nov. 2024 |