Titre original :  XX-2446 | Prof. Alphée Belliveau | Photographie |

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BELLIVEAU, ALPHÉE, instituteur et administrateur scolaire, né le 9 juillet 1851, probablement à Belliveau Village, Nouveau-Brunswick, où il a été baptisé un mois plus tard, fils de François Belliveau et de Madeleine Landry ; le 4 août 1885, il épousa à Saint-Louis de Kent, Nouveau-Brunswick, Marie Babineau, et ils eurent cinq fils et deux filles ; décédé le 1er juin 1927 à Sainte-Anne-de-Kent, Nouveau-Brunswick.

Le jeune Alphée Belliveau fréquenta probablement les écoles élémentaires de sa région avant de devenir élève du séminaire Saint-Thomas. Cet établissement, fondé en 1854 à Memramcook par l’abbé François-Xavier-Stanislas Lafrance*, ferma ses portes en 1862 et fut remplacé par le collège Saint-Joseph, établi en 1864 par Camille Lefebvre*, des Pères de Sainte-Croix. Belliveau fut l’un des premiers élèves acadiens de ce collège qu’il put fréquenter, comme ses frères, grâce à la volonté de son père. Cultivateur assez prospère, ce dernier serait décrit, dans un article du père Lefebvre paru dans l’Évangéline de Moncton le 17 août 1933, comme « le champion de l’éducation dans cette paroisse de Memramcook ». Alphée commença ses études secondaires en s’inscrivant d’abord au cours commercial, puis au cours classique. Il eut, entre autres, comme collègues de classe, Pascal Poirier*, futur écrivain et sénateur, Pierre-Amand Landry*, qui deviendrait homme politique et juge, ainsi que son cousin Placide Gaudet, qui rédigerait d’importants travaux en généalogie acadienne.

Vers 1870, Belliveau quitta le collège Saint-Joseph et devint instituteur à Memramcook. Il exerça cette fonction jusqu’en 1874, année où il alla poursuivre son métier à Grosses Coques et à Saulnierville, en Nouvelle-Écosse. Même s’il ne détenait pas de brevet d’enseignement, il pouvait – pour un salaire moindre qu’un instituteur diplômé – enseigner dans les écoles élémentaires. Son retour au Nouveau-Brunswick en 1879, dans les derniers moments de l’importante crise scolaire des années 1870 [V. John Costigan*], fut un point tournant dans sa carrière. À l’initiative du surintendant de l’Éducation, Theodore Harding Rand*, le département préparatoire français avait été créé en 1878 à la Normal School de Fredericton, afin d’attirer un nombre plus élevé d’étudiants de langue française dans cet établissement où l’enseignement était donné uniquement en anglais. Après une période de trois à cinq mois dans cette classe, les élèves recevaient une « licence locale » valide pour deux ans. Valentin Landry* fut le premier professeur responsable de ce programme, mais n’y fit qu’un bref passage, car, en 1879, il accepta un poste d’inspecteur d’écoles. C’est alors qu’on demanda à Belliveau, âgé de 28 ans, de le remplacer.

Belliveau fut, à l’image de plusieurs autres membres de la nouvelle élite acadienne, tel Pierre-Amand Landry, un homme de compromis et un partisan de la bonne entente entre les Acadiens et la communauté anglophone. Le département préparatoire, où il enseignait depuis 1879, ne faisait pas l’unanimité. Ainsi, le 9 décembre 1880, dans le Moniteur acadien de Shédiac, l’abbé Marcel-François Richard*, leader nationaliste acadien, affirma que « ce département n’a[vait] de français […qu’un] professeur français et [des] élèves français ». En 1883, cette section de l’école normale prit le nom de département français et Belliveau en devint le directeur.

Malgré des conditions souvent difficiles, Belliveau fut, pendant une quarantaine d’années, le seul professeur de langue française à la Normal School de Fredericton. Son salaire annuel de 1 400 $ ne lui permit pas d’acheter une demeure et il fut souvent contraint d’emprunter de l’argent. Il enseigna à plus de 2 000 élèves. Si les inscriptions étaient peu nombreuses en 1879, elles augmentèrent considérablement au fil des années. Au début du xxe siècle, le département français comptait plusieurs dizaines d’élèves originaires de toutes les régions acadiennes du Nouveau-Brunswick. Ces futurs instituteurs et institutrices y recevaient des cours en français et en anglais. En terminant avec succès une première session de cinq mois, ils recevaient un brevet d’enseignement de troisième classe leur permettant d’enseigner dans les écoles publiques de la province. Pour obtenir un brevet d’enseignement supérieur – et ainsi accéder à de meilleures conditions de travail –, ils pouvaient soit retourner au département français pour une autre session, soit s’inscrire à la Normal School. J.-Théodule Lejeune, qui succéderait à Belliveau en 1920, opta pour ce dernier choix.

Les cours portaient principalement sur les matières alors enseignées dans les écoles, telles que l’arithmétique commerciale et les sciences. À la fois directeur et professeur, Belliveau se chargeait notamment de transmettre aux élèves la pédagogie de l’orthographe et de la grammaire. Très peu de manuels en langue française étaient disponibles au Nouveau-Brunswick, situation régulièrement dénoncée dans les journaux acadiens. Les interventions timides de Belliveau en ce domaine n’eurent pas beaucoup de succès.

Belliveau laissa le souvenir d’un homme autoritaire, mais intelligent et studieux, apprécié de ses élèves. Polyglotte, il parlait sept langues, dont le volapük, langue créée en 1879 par l’Allemand Johann Martin Schleyer qui serait supplantée par l’espéranto. Il fut également un pionnier de la présence francophone à Fredericton. Les députés provinciaux acadiens avaient l’habitude de se donner rendez-vous à sa demeure. Sa femme, Marie Babineau, l’une des premières élèves à qui il enseigna à l’école normale, partagea les mêmes intérêts pour la promotion du fait français et acadien. D’ailleurs, tous leurs enfants étudièrent en français à Fredericton – malgré le fait que la ville était un château fort de la tradition anglo-loyaliste – et bénéficièrent d’une instruction supérieure. Au moment où elle était institutrice célibataire à Saint-Louis de Kent, Marie Babineau avait, à la demande de son curé, l’abbé Richard, confectionné le premier drapeau acadien. Ce drapeau fut adopté à la deuxième Convention nationale des Acadiens qui eut lieu en 1884 à Miscouche, à l’Île-du-Prince-Édouard.

Alphée Belliveau et les siens, à l’instar de plusieurs familles acadiennes de l’époque, montrèrent un grand attachement à l’Église catholique. Une sœur d’Alphée fut religieuse et deux de ses frères, dont le plus connu était Mgr Philippe Belliveau, devinrent prêtres. Deux des enfants d’Alphée et de Marie choisirent la vocation religieuse : Alice entra dans la Congrégation de Notre-Dame et Hector, qui prit ses parents avec lui à partir de 1923, fut ordonné prêtre en 1914.

Maurice Basque

L’original du premier drapeau acadien, confectionné par Marie Babineau, femme d’Alphée Belliveau, est conservé au Musée acadien de l’univ. de Moncton, N.-B. Hector Belliveau est quant à lui l’auteur d’une biographie de son père intitulée « Alphée Belliveau : 40 ans de vie française à Fredericton, 1880–1920 ; un témoignage », Soc. hist. acadienne, Cahiers (Moncton), 7 (1976) : 27–33.

BAC, RG 31, C1, 1901, Fredericton, St Anne’s ward : 22.— Centre d’études acadiennes, univ. de Moncton, Fonds Hector-Belliveau.— L’Évangéline (Moncton), 9 juin 1927.— S. M. Andrew, The development of élites in Acadian New Brunswick, 1861–1881 (Montréal et Kingston, Ontario, 1997).— Fernand Arsenault et Edmour Babineau, Philippe Belliveau (Moncton, 1988).— Maurice Basque, De Marc Lescarbot à l’AEFNB : histoire de la profession enseignante acadienne au Nouveau-Brunswick (Edmundston, N.-B., 1994).— J.-H. Béliveau, Dictionnaire généalogique des familles Belliveau–Béliveau d’Amérique (Trois-Rivières, Québec, 1986).— Gilberte Couturier LeBlanc et al., « l’Enseignement français dans les Maritimes, 1604–1992 », dans l’Acadie des Maritimes : études thématiques des débuts à nos jours, sous la dir. de Jean Daigle (Moncton, 1993), 543–585.— J.-E. Picot, les Écoles normales du Nouveau-Brunswick, 1848–1973 (Fredericton, 1974).— A.-J. Savoie, Un siècle de revendications scolaires au Nouveau-Brunswick, 1871–1971 (2 vol., [Edmundston], 1978–1980).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Maurice Basque, « BELLIVEAU, ALPHÉE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/belliveau_alphee_15F.html.

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Auteur de l'article:    Maurice Basque
Titre de l'article:    BELLIVEAU, ALPHÉE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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