BENOIT, ZÉPHIRIN, pompier et chef de la brigade du feu, né le 5 mars 1850 à Saint-Jean-Chrysostome (Saint-Chrysostome, Québec), fils de François Benoit, cultivateur, et de Julienne Sainte-Marie ; le 4 novembre 1871, il épousa dans la paroisse Notre-Dame de Montréal Rose de Lima (Délima) Dussault, et ils eurent trois fils et trois filles, dont deux leur survécurent ; décédé le 29 septembre 1930 à Montréal.

Zéphirin Benoit fréquente l’école de Saint-Rémi de Napierville puis, à 14 ans, il s’en va vivre aux États-Unis, où il continue ses études. À son retour au Québec quatre ans plus tard, il travaille à titre de commis dans une épicerie et, en 1871, il commence sa carrière de pompier au département du feu de la ville de Montréal. Le 9 août 1875, il est nommé chef du département du feu et police à Saint-Henri, qui vient d’être érigée en ville. Il doit organiser le service des incendies dans cette municipalité qui compte quelque 6 000 habitants. Pendant 13 ans, avec seulement quatre hommes sous ses ordres, il gère le service avec efficacité et n’a aucune perte de vie à signaler du côté des pompiers ; lui-même est toutefois gravement blessé dans l’incendie d’une tannerie en 1885, quand il tombe du cinquième étage dans les ruines du bâtiment.

Le 29 octobre 1888, la ville de Montréal le nomme chef de la brigade du feu, qui relève du département du feu, en remplacement de William Patton ; au cours de son mandat, celle-ci comptera en moyenne 170 hommes. Benoit apporte de nombreuses améliorations une fois en poste. Ainsi, en 1889, il instaure une patrouille de surveillance durant la nuit afin de repérer rapidement les foyers d’incendie et de réduire le nombre de feux dévastateurs. L’année suivante, il propose au comité du feu, dont relève le département du feu, l’engagement de médecins, qui auront la charge de soigner les pompiers blessés ou malades. À la suite de cette requête, le comité nomme deux médecins qui entrent en fonction en mai 1891. Le chef Benoit augmente également l’équipement de la brigade du feu en faisant l’acquisition d’une pompe chimique à réservoir simple ainsi que d’une tour d’eau utilisée dans les incendies de bâtiments construits en hauteur. En 1891, il divise le territoire de Montréal en trois districts (est, centre et ouest), de manière à mieux répartir les effectifs de la brigade du feu et à assurer une lutte plus efficace contre les incendies. Il constate aussi que les installations électriques dans les rues de la ville nuisent aux manœuvres des pompiers et suggère, en conséquence, que les fils électriques soient placés dans des conduits souterrains (les premières lignes souterraines ne seront construites qu’en 1913). Pendant l’année 1892, il fait l’inspection des édifices publics de la ville et formule des recommandations visant à éliminer les sources potentielles d’incendie, à prévoir des mesures d’urgence, à doter les édifices publics d’appareils de sauvetage convenables et à réduire les pertes de vies humaines. En 1893, en raison de l’agrandissement du territoire de Montréal à la suite de l’annexion des villages d’Hochelaga (1883), de Saint-Jean-Baptiste (1886) et de Saint-Gabriel (1887), un quatrième district (nord-est) est ajouté aux trois autres déjà existants. Benoit fait breveter, en 1894, un dévidoir à double action qu’il a conçu et qui peut porter 1 000 pieds de tuyau. Il propose la même année la création d’un fonds de secours aux pompiers invalides, suggestion que le gouvernement provincial adoptera en 1898 en modifiant les règlements de l’Association de bienfaisance des pompiers de Montréal pour permettre la mise sur pied d’un fonds de retraite ou de pension. Toujours en 1894, il obtient que soit révisé le règlement municipal sur la construction afin d’interdire l’usage de la sciure de bois comme matériau de remplissage des planchers, des murs et des toits. En 1896, il fait l’achat de l’appareil Décarie, lequel, fixé à la lance, permet de varier la grosseur du jet d’eau de ¼ de pouce à 1 pouce.

Pendant le mandat de Benoit, Montréal connaît un développement urbain sans précédent. La croissance démographique, l’expansion du territoire urbain et l’augmentation de l’activité de construction multiplient les problèmes liés à la lutte contre les incendies. La brigade doit combattre en moyenne 680 incendies par an, certains majeurs, comme ceux de l’asile de Longue-Pointe (1890), du pensionnat Villa-Maria (1893), des abattoirs de l’Est (1897), du Bureau de commerce de Montréal (1901) et de l’hôtel Windsor (1903) ; 12 pompiers sont tués dans l’exercice de leur fonction durant cette période. Le chef Benoit recommande régulièrement la construction de nouveaux postes d’incendie pour répondre aux besoins. Après plus de 20 ans à la brigade du feu, il prend sa retraite le 1er janvier 1909. Au cours de sa carrière, il a reçu différentes décorations : médaille d’or et médaille d’argent pour actes de dévouement, médaille d’or au tournoi international des pompiers, tenu à Londres (1896), rosette des sauveteurs de France (1900) et médaille de service.

Quelques mois après sa retraite, Benoit voit toutefois son intégrité mise en cause durant les séances de la commission royale pour faire enquête générale et complète sur l’administration des affaires de la cité de Montréal. Cette enquête, instituée le 7 avril 1909, est menée par Lawrence John Cannon. Dans son rapport, déposé le 13 décembre, le juge reconnaît Benoit responsable de malversation et de mauvaise administration dans les nominations et les promotions à la brigade du feu, et recommande qu’il soit condamné à rembourser la moitié des frais de l’enquête, soit 571,20 $. Cette recommandation ne sera cependant pas retenue par le nouveau conseil de ville élu en février 1910.

Même si les conclusions de l’enquête Cannon ont entaché la réputation de Zéphirin Benoit, elles ne sauraient faire oublier les améliorations considérables qu’il a apportées dans la lutte contre les incendies à Montréal et l’ingéniosité dont il a fait preuve.

Hélène Charbonneau

ANQ-M, CE601-S51, 4 nov. 1871 ; CE607-S6, 10 mars 1850.— VM-DGDA, P23, Procès-verbaux du conseil, 9 août 1875 ; VM1, Dossiers d’employés, Zéphirin Benoit ; Procès-verbaux, 29 oct. 1888 ; VM6, Dossiers de coupures de presse, D1031.8 : chefs du Service d’incendie ; VM50, Rapports, 19 oct. 1908.— Le Devoir, 30 sept. 1930.— La Presse, 31 oct. 1908.— Canada, Bureau des brevets, Gazette du Bureau des brevets (Montréal), 22 (1894).— L. J. Cannon, Rapport sur l’administration de la ville de Montréal, décembre 1909 (s.l., n.d.).— Huguette Charron et Françoise Lewis, les Débuts d’un chef, Zéphirin Benoit ; la naissance d’une ville, Saint-Henri, 1875–1888 (Montréal, 1999).— J.-C. Lamothe, Histoire de la corporation de la cité de Montréal depuis son origine jusqu’à nos jours [...] (Montréal, 1903), 537.— Ville de Montréal, Dép. des incendies, Rapport annuel du chef du département des incendies, 1889–1909.

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Hélène Charbonneau, « BENOIT, ZÉPHIRIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/benoit_zephirin_15F.html.

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Titre de l'article:    BENOIT, ZÉPHIRIN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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