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BERGERON, ÉLISABETH (baptisée Elizabeth), dite Saint-Joseph, fondatrice des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, née le 25 mai 1851 à Saint-Hyacinthe (La Présentation, Québec), fille de Théophile Bergeron, cultivateur, et de Basiliste Petit ; décédée le 29 avril 1936 à Saint-Hyacinthe.
Quatrième d’une famille de 11 enfants, Élisabeth Bergeron se signale dès son enfance par son intérêt pour les rituels chrétiens qui scandent alors la vie familiale et paroissiale. Elle fréquente l’école du rang de La Présentation pendant quelques années et y apprend à lire. Toutefois, elle n’apprend pas à écrire, à l’instar de bien des enfants de son époque. Sa piété et son assiduité au catéchisme incitent le curé à l’autoriser à faire sa première communion à l’âge de huit ans. À 14 ans, elle sollicite en vain son admission chez les Sœurs de la charité de Saint-Hyacinthe. De 1865 à 1870, pour des raisons économiques, sa famille vit en Nouvelle-Angleterre, d’abord à Brunswick, dans l’État du Maine, pendant un an, puis à Salem, dans le Massachusetts. Élisabeth travaille dans une filature avec les autres membres de sa famille, séjour vraisemblablement responsable de ses maladies fréquentes. Elle enseigne également le catéchisme aux enfants des environs privés d’enseignement religieux. De retour à La Présentation, elle est admise en mars 1871 chez les Sœurs adoratrices du Précieux-Sang, congrégation contemplative locale fondée par Aurélie Caouette* en 1861. Elle doit toutefois partir en juillet, sur les conseils de la fondatrice qui estime que, compte tenu de la sévérité des règlements, elle n’a pas la vocation d’adoratrice. La même année, elle fait une autre vaine tentative chez les Sœurs de miséricorde de Montréal ; elle s’en va d’elle-même après quelques jours de postulat. En 1876, on la refuse chez les Sœurs de la Présentation de Marie à cause de son manque d’instruction et elle devient membre du tiers ordre dominicain.
Élisabeth continue une vie de dévotion et demande même par deux fois à l’évêque de son diocèse, Louis-Zéphirin Moreau*, sur les conseils de son directeur spirituel, l’autorisation de fonder une congrégation contemplative dominicaine. L’évêque lui propose plutôt de fonder une congrégation enseignante. Ne sachant pas écrire, elle objecte son manque d’instruction, mais l’évêque l’incite à se trouver des compagnes plus instruites et l’embryon des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe est mis sur pied dans le village de La Providence (Saint-Hyacinthe) en 1877 : quatre religieuses accueillent les élèves dès le 17 septembre. Le 17 août 1878, Élisabeth prend le nom de sœur Saint-Joseph. Les premières années sont difficiles, marquées par la pauvreté, le décès, la maladie ou le départ de plusieurs aspirantes. La petite équipe survit grâce aux dons des congrégations voisines, mais s’attire des critiques à tous les échelons de la hiérarchie diocésaine : selon les annales de la congrégation, on les traite de « vieilles filles, folles et exaltées ». L’évêque tient tout de même bon, car, par cette initiative, son diocèse bénéficie d’une congrégation enseignante sous son autorité exclusive, contrairement aux Sœurs de la Présentation de Marie, présentes dans le diocèse depuis 1853, mais dont la maison mère est en France. Son objectif est de doter les petites paroisses de religieuses enseignantes vouées à l’enseignement des enfants des deux sexes, dans les écoles élémentaires et modèles. Mieux, il inscrira dans son mandement de fondation du 19 mars 1882 : « Nous voulons expressément qu’elles ne tiennent jamais de pensionnat pour les jeunes personnes, afin qu’elles ne soient en rien détournées du but principal de leur fondation, que Nous voulons absolument maintenir, tel que Nous l’avons toujours eu en vue. » Ainsi limitée, cette nouvelle congrégation ne pourra rivaliser avec les plus anciennes qui possèdent des établissements plus prestigieux.
La fondatrice est souvent malade et, de toute évidence, insuffisamment instruite et capable de gérer cette œuvre commençante. En 1879, Mgr Moreau décide, sans consulter qui que ce soit, de la déposer comme supérieure. Il nomme à sa place la première postulante de la congrégation, mère du Précieux-Sang, une novice de 20 ans ! C’est donc à titre de mère fondatrice, titre qu’elle portera jusqu’à sa mort, que mère Saint-Joseph prononce ses vœux perpétuels le 19 mars 1880.
En 1886, l’évêque dote la congrégation d’un conseil d’administration générale où mère Saint-Joseph sera régulièrement élue comme conseillère ou assistante jusqu’en 1925. On peut penser qu’en dépit de ces fonctions officielles, mère Saint-Joseph ne joue qu’un rôle secondaire dans l’administration de sa congrégation, qui est en réalité celle de Mgr Moreau. Jusqu’à sa mort en 1901, ce dernier prend en effet toutes les décisions importantes : installation à Saint-Hyacinthe en 1881, construction de la maison mère (où les religieuses s’installent en 1889), création du juvénat en 1893, fondation d’écoles, rédaction de la première version du coutumier, interdiction des jubilés, expansion hors du diocèse. Vénérée au sein de la congrégation pour son humilité (elle couche au dortoir avec les sœurs), sa confiance en saint Joseph et sa piété, mère Saint-Joseph visite chacune des nouvelles maisons en compagnie de la supérieure à mesure qu’elles sont établies. Elle se rend même dans l’Ouest canadien, en 1911, dans les missions de Lorette (Taché), au Manitoba, et de Marieval, en Saskatchewan, fondées en 1901. Au Québec, la congrégation essaime dans les paroisses du diocèse de Saint-Hyacinthe : une école est ouverte environ tous les deux ans. Mère Saint-Joseph, pendant ce temps, s’occupe à des travaux de jardinage et de couture. Elle n’est pas une entrepreneuse : elle est une fondatrice de l’ombre, mais on la consulte régulièrement.
À la mort de mère Saint-Joseph, le 29 avril 1936, suivie de funérailles spectaculaires, la congrégation a la responsabilité de 39 écoles au Québec, 5 au Manitoba, 2 en Saskatchewan, une en Ontario et une au New Hampshire. Près de 550 jeunes filles ont fait profession dans cette congrégation vouée à l’enseignement et à l’humilité, qui ne s’est dotée d’établissements de formation au delà de l’enseignement primaire qu’à partir de 1941 et qui n’a obtenu son approbation romaine définitive qu’en 1962.
Le parcours paradoxal de mère Saint-Joseph a sans doute moins contribué que ses vertus à ce que la cause de sa béatification soit introduite à Rome en 1976. Elle a été déclarée vénérable le 12 janvier 1996.
Aux Arch. des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, Québec, nous avons consulté 15 lettres dictées par mère Saint-Joseph entre 1930 et 1935, ainsi que les annales et les chroniques de la congrégation.
BAnQ-CAM, CE602-S3, 25 mai 1851.— Le Devoir, 30 avril 1936.— La Presse, 30 avril 1936.— André Guay, Dieu choisit les humbles : Élisabeth Bergeron (1851–1936) (Saint-Hyacinthe, 1977).— Yvon Langlois, Élisabeth, parfum d’étoile ([Montréal, 1998]).— Angelo Mitri, Vie et vertus de mère Saint-Joseph, Élisabeth Bergeron, fondatrice de la congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, 1851–1936 ([Saint-Hyacinthe, 1972 ?]).— Sœur Sainte-Marie-Bernard [Alice Bourassa], Mère Saint-Joseph, fondatrice de l’institut des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, 1851–1936 (Saint-Hyacinthe, 1949).— Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, Au cœur du projet de Dieu, 1877–1977 ([Saint-Hyacinthe, 1977 ?]).
Micheline Dumont, « BERGERON, ÉLISABETH (baptisée Elizabeth), dite Saint-Joseph », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bergeron_elisabeth_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/bergeron_elisabeth_16F.html |
Auteur de l'article: | Micheline Dumont |
Titre de l'article: | BERGERON, ÉLISABETH (baptisée Elizabeth), dite Saint-Joseph |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 9 déc. 2024 |