BERNIÈRES, HENRI DE, premier curé de Québec, vicaire général du diocèse, premier supérieur du séminaire de Québec et doyen du chapitre, né vers 1635, à Caen (Normandie), de Pierre de Bernières, baron d’Acqueville, et de Madeleine Le Breton, décédé en 1700.

Il avait neuf ans lorsque son père mourut victime de son dévouement pour des prisonniers malades. L’éducation du jeune garçon fut assumée par son oncle, Jean de Bernières de Louvigny. Ce personnage était le créateur, vers 1644, de l’Ermitage de Caen, qui joua un rôle remarquable dans l’histoire religieuse de la France. Après les divisions et guerres de religion qui suivirent la réforme de Luther, le besoin d’un renouveau se fit sentir partout et provoqua de fortes poussées d’austérité et de mysticisme au sein des nations catholiques. Le concile de Trente fut la cheville ouvrière de la renaissance catholique. Des hommes éminents tels que saint Charles Borromée, saint François de Sales, saint Vincent de Paul, contribuèrent largement à la pénétration des décisions du concile dans les diverses classes de la société. Des femmes illustres firent aussi leur part, et aussi quantité de laïcs, groupés en diverses associations. Tel fut le cas de la Compagnie du Saint-Sacrement et de l’Ermitage de Caen, qui y était relié. Les laïcs et les ecclésiastiques s’y rencontraient pour causer de religion, de spiritualité, de mystique, d’apostolat et d’évangélisation ; en ces rencontres, on priait beaucoup. Jean de Bernières fut l’initiateur et l’animateur de l’Ermitage jusqu’à son décès en 1659. L’abbé de Montigny, c’est-à-dire François de Laval*, futur évêque de Québec, fréquenta l’Ermitage ; le jeune Henri de Bernières y fut élevé et instruit. L’Ermitage était voisin d’un monastère de religieuses ursulines fondé par Jourdaine de Bernières, sœur de Jean. Ce couvent exerçait sur les jeunes filles et les femmes la même influence que l’Ermitage sur les hommes.

La colonie de la Nouvelle-France avait repris vie après le traité de Saint-Germain-en-Laye en 1632. Les Jésuites, qui avaient suivi les Récollets en 1625, ouvrirent un collège classique à Québec en 1635 et en firent le centre de leur activité apostolique auprès des Indiens et des Blancs. Les Sulpiciens s’établirent à Ville-Marie (Montréal) en 1657. Trois-Rivières et la côte de Beaupré avaient déjà des embryons de paroisses. La colonie, vers 1650, était encore un grand rêve plutôt qu’une grande réalité. Cependant, la cour de France mettait son orgueil en ce rêve et elle formait des plans : la colonie pourrait se transformer en une vraie province de France. L’Église aussi avait des visées de grandeur : Québec pourrait devenir un évêché, au moins un vicariat apostolique. Effectivement, la colonie devint province et il y eut un vicaire apostolique. Selon les coutumes gallicanes, les évêques – et vicaires apostoliques -étaient choisis par le roi et présentés au pape. François de Laval fut d’abord proposé pour le vicariat apostolique du Tonkin, mais, un peu plus tard, il fut désigné pour la Nouvelle-France. Il fut consacré à Paris et il devait partir pour Québec au printemps de 1659. Il emmènerait quelques prêtres ; son choix se porta sur les abbés Jean Torcapel, Philippe Pelerin, Charles de Lauson de Charny et Henri de Bernières. Âgé de 24 ans, ce dernier, simple tonsuré (il le fut à l’âge de neuf ans), semble avoir été le plus jeune des quatre. Il avait été offert à Mgr de Laval par M. Jean de Bernières lui-même. Le petit groupe partit de La Rochelle le 13 avril 1659 et arriva à Québec deux mois plus tard, le 16 juin. Le père Jérôme Lalemant lit la traversée avec eux. Il n’y avait pas à Québec d’habitation prévue pour l’évêque et sa suite, mais ils trouvèrent des locaux temporaires.

Le plus urgent était de distribuer les tâches Charles de Lauson devint official, chargé des affaires juridiques et canoniques ; Torcapel fut chargé de la cure de la future paroisse de Québec. Le jeune Henri de Bernières était chapelain de l’évêque ; il continuerait l’étude de la théologie et s’attaquerait à la langue iroquoise. Il fut ordonné prêtre le 13 mars 1660. M. Torcapel repartit pour la France à l’automne de 1660. L’évêque nomma M. de Bernières à sa place pour les besoins religieux du district de Québec, qui n’allait être érigé en paroisse qu’en 1664. Le jeune curé dirigea la construction d’un presbytère, qui serait en même temps l’évêché ; deux années y suffirent. Mgr de Laval partit pour la France en 1662 ; il confia l’administration à MM. de Lauson et de Bernières, qu’il nomma vicaires généraux. Le retour de l’évêque à l’été de 1663 apporta un changement très important : Mgr de Laval avait obtenu l’érection d’un séminaire ; il avait une charte royale signée par Louis XIV ; ce document établissait une corporation munie d’amples pouvoirs pour donner l’enseignement et pour se procurer tous les secours nécessaires à cette fin. Ce fut d’abord un grand séminaire, c’est-à-dire un collège de théologie. Les pères jésuites tenaient un collège classique depuis 1635. Théoriquement, le collège des Jésuites aurait pu avoir des finissants dès 1640 et on pouvait espérer que certains d’entre eux choisiraient de se faire prêtres. D’autres jeunes pourraient venir de France. Dès 1665, le séminaire parut en assez bonne marche pour qu’on lui donnât un supérieur, et Mgr de Laval choisit M. de Bernières pour cette charge. Il l’exerça à quatre reprises, à savoir de 1665 à 1672, de 1673 à 1683, de 1685 à 1688, et de 1693 à 1698, en tout 25 années.

L’œuvre de M. de Bernières, que ce soit comme curé de Québec ou comme supérieur du séminaire, est très importante. La paroisse de Québec était la première de la Nouvelle-France et son organisation servirait de modèle pour l’établissement d’autres paroisses. Le séminaire se développa par étapes. D’abord un grand séminaire (1663), puis un petit séminaire (1668), puis des propriétés seigneuriales (1668, etc.), puis une vaste corporation unique, en état d’assurer la subsistance de tous les prêtres chargés de missions. M. de Bernières fut témoin et agent de toutes ces étapes avec ses associés, dont les principaux furent les abbés Louis Ango* Des Maizerets et Jean Dudouyt, tous en parfaite harmonie avec leur père et maître, Mgr de Laval. Dans un pays neuf, les appuis temporels étaient de nécessité. Les prêtres du ministère trouvaient leur appui dans le séminaire ; celui-ci s’appuyait sur le séminaire des Missions étrangères de Paris, en vertu d’une entente conclue en 1665 et renouvelée en 1676. Lorsque M. de Bernières mourut, en 1700, le séminaire comptait 37 ans d’existence et d’activité ; il avait formé quelques prêtres. Son fondateur, Mgr de Laval, vivait encore, mais il avait résigné comme évêque : son successeur, Mgr de Saint-Vallier [La Croix*], crut bon de faire des changements, dont le plus caractéristique fut de rendre les curés de paroisses indépendants du séminaire. En fait de seigneuries, le séminaire possédait celle de Beaupré et celle de l’Île-Jésus, en plus du fief Sault-au-Matelot et du fief Saint-Michel, situés à Québec même. D’autres ressources venaient de France, par des arrangements avec divers prieurés et abbayes. Des familles à l’aise contribuaient généreusement ; la couronne de France faisait parfois sa part. Le zèle pour les missions chez les tribus indiennes avait déjà poussé le séminaire vers les rives du grand fleuve Mississipi, chez les Tamarois en particulier, puis du côté de l’Acadie. Henri de Bernières prit part à tous ces progrès. Il avait donné au séminaire son patrimoine, et, à la colonie, un tiers de siècle de travaux, de privations, de prières.

Arthur Maheux

ASQ, Chapitre ; Documents Faribault ; Lettres ; Paroisse de Québec ; Paroisses diverses ; Polygraphie ; Séminaire ; passim.— Auguste Gosselin, Henri de Bernières, premier curé de Québec (« Les Normands au Canada », Québec, 1902) ; Vie de Mgr de Laval.

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Arthur Maheux, « BERNIÈRES, HENRI DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bernieres_henri_de_1F.html.

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Titre de l'article:    BERNIÈRES, HENRI DE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    12 nov. 2024