BLAIR, JAMES, fermier, né le 4 octobre 1825 à Selkirk, Écosse, fils de John Blair et de Margaret Armstrong ; décédé le 25 octobre 1901 à Greenbank, Ontario.

En 1836, James Blair, ses parents, ses frères et ses sœurs arrivèrent dans le Haut-Canada et s’intégrèrent graduellement au personnel de la riche ferme que le frère de Mme Blair possédait à cinq milles au nord de Windsor Harbour (Whitby). Dès l’âge de 14 ans, James eut la permission d’aller travailler comme garçon de ferme chez un voisin, John Starr, dans le rang 6 du canton de Whitby. Il y resta neuf ans. En 1848, il épousa la fille de Starr, Sarah ; il acheta, près de chez son beau-père, une ferme qu’il paya 375 £ avec ses économies et un don de son père. C’est là que ses enfants naquirent (une fille et trois fils vécurent jusqu’à l’âge adulte). Il exploitait sa terre à la façon du fermier moyen qui pratiquait l’agriculture de subsistance.

Blair possédait 50 acres de terre. En 1861, 60 % des fermes du comté d’Ontario avaient une superficie inférieure à 100 acres. Il en cultivait 41 ; la même année, la moyenne dans le comté était de 55. Il gardait trois porcs, pour la consommation domestique. Le beurre et la viande de ses sept bovins nourrissaient sa famille et lui rapportaient un petit revenu. Ses deux chevaux suffisaient tout juste aux travaux agricoles. Comme presque tous les autres fermiers du comté, c’est en vendant son blé qu’il obtenait le comptant nécessaire à l’achat des produits qu’il ne tirait pas de sa ferme. Avec le temps, la monoculture commença de faire sentir ses effets. En 1871, année de moisson abondante, Blair récolta 20 % de moins que dix ans auparavant, même s’il avait augmenté d’un tiers la superficie ensemencée. Le rendement de sa récolte de blé d’hiver fut deux fois moindre que ce qu’il avait déjà été ; quant à sa récolte de blé de printemps, elle fut de 9 boisseaux l’acre alors qu’elle avait été de 23 boisseaux en 1861. Non seulement le sol avait-il besoin d’une mise en jachère ou d’un changement de culture, mais étant donné que pour compenser, Blair avait semé des céréales sur une plus grande superficie, il n’avait plus assez de pâturage ni de foin. En outre, il avait maintenant des enfants à nourrir. Même si 50 bons acres, bien exploités, pouvaient subvenir aux besoins d’une famille, les choses ne pouvaient plus continuer ainsi.

En 1877, à l’âge de 51 ans, Blair vendit sa ferme (en réalisant même un bénéfice) et en acheta une autre, appelée Belleview, un peu au sud de Greenbank, dans le canton de Reach. La superficie cultivable de Belleview était deux fois plus grande que celle de son ancienne ferme (et elle était défrichée depuis moins longtemps) ; le pâturage était plus vaste, il y avait une érablière, un petit verger, un étang poissonneux, une grande maison et deux granges. Pourtant, Blair ne changea rien à ses méthodes. Il avait acquis son savoir et son expérience auprès de colons qui avaient appris par tâtonnements à exploiter des terres gagnées sur la forêt et ce, à une époque où il n’existait des débouchés que pour les céréales. Dans l’immédiat et à court terme, il n’y avait nulle raison de changer. L’élevage n’était pas une solution de rechange attrayante : il n’y avait pas de fromagerie et le marché de la viande n’était pas encore organisé dans la région. Blair était un homme prodigieusement industrieux, mais obstinément traditionaliste ; comme les autres fermiers du comté, il s’entêta à compter sur la culture céréalière quelques années de plus que la situation ne le justifiait. À l’âge de 70 ans, il confia la ferme à son fils James, qui passa peu à peu à l’agriculture mixte. Il mourut à Belleview à l’âge de 76 ans. Ce fermier et fils de fermier avait bien été de son milieu et de son temps : pour lui, obtenir des espèces sonnantes en vendant autre chose que du blé était virtuellement hors de question et, financièrement parlant, il n’avait jamais vraiment été au-dessus de ses affaires.

James Blair appartenait à une génération d’agriculteurs dont l’existence était déterminée par le rythme impitoyable des saisons et qui, par prudence, reculait devant le changement. Comme son père, il était membre de l’Église presbytérienne et du Parti libéral ; comme lui, il leur fut fidèle, mais ne se distingua pas dans leurs rangs. Marié à la fille de son patron, il donna à ses enfants les prénoms que portaient des membres de la famille ou des voisins. Les quelques détails qui le distinguaient de ses contemporains semblent quasi accidentels : à son arrivée dans le Haut-Canada, il travailla dans une ferme déjà en exploitation ; il ne défricha jamais de terre ; il n’occupa jamais, dans son canton, les fonctions d’inspecteur des clôtures, d’inspecteur des chemins ni de gardien de fourrière. Le parfait homme moyen n’existe pas, mais James Blair s’en rapprochait tant qu’il mérite de figurer dans les annales.

W. H. Graham

Des renseignements supplémentaires ont été fournis par Robert J. Gibson, de Whitby, Ontario, à partir de papiers de famille en sa possession.  [w. h. g.]

AN, RG 31, C1, 1841, 1851, 1861, 1871, Whitby Township.— Durham Land Registry Office (Oshawa, Ontario), Abstract index to deeds, Reach [Scugog] Township, concession 10, lot 13, instrument nos 3133–3134 ; Whitby Township, concession 7, lot 21, instrument no 32532.— Durham Surrogate Court (Whitby), Whitby Township, probate of will of John Blair, 1878.— Union Cemetery (Oshawa), Burial records.— Standard (Port Perry, Ontario), 31 oct. 1901.— Annuaire, Toronto, 1846–1847, 1850–1851.— W. H. Graham, Greenbank : country matters in 19th century Ontario (Peterborough, Ontario, 1988).— L. A. Johnson, History of the county of Ontario, 1615–1875 (Whitby, 1973).

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W. H. Graham, « BLAIR, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/blair_james_13F.html.

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Auteur de l'article:    W. H. Graham
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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