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BLANCHARD, JULIE-MARGUERITE-LIA, dite mère Marie-Antoinette, supérieure générale des Sœurs de la charité de la Providence et auteure, née le 19 mars 1854 à Saint-Isidore, Bas-Canada, fille de Théodore Blanchard, menuisier, et de Marie-Antoinette Neveu ; décédée le 24 janvier 1939 à Montréal et inhumée trois jours plus tard au cimetière de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, dans la même ville.

Aînée d’une famille qui comptera 15 enfants, Julie-Marguerite-Lia Blanchard, surnommée Lia, commence à fréquenter l’école du village de Saint-Isidore dès l’âge de quatre ans. Ses progrès sont rapides, mais c’est surtout son caractère qui retient l’attention. Dissipée, Lia reçoit néanmoins le premier prix d’orthographe à l’âge de dix ans. Son talent se développe, selon sa maîtresse, grâce à sa passion pour la lecture. Lia fait preuve d’un tempérament prompt, d’une vivacité de caractère et d’une volonté tenace, que reconnaissent ses premières enseignantes au noviciat de la maison mère des Sœurs de la charité de la Providence à Montréal [V. Émilie Tavernier*], où elle entre à l’âge de 17 ans. Le 19 novembre 1873, elle prononce ses vœux perpétuels et prend les prénoms de sa mère comme nom de religion.

S’enchaînent rapidement différentes nominations pour sœur Marie-Antoinette : enseignante à l’orphelinat Saint-Alexis (1872) et à la salle d’asile (1874) de Montréal, aux soins des orphelins à la mission de Saint-Henri-de-Mascouche (Mascouche) (1874), à l’école Saint-Jacques de Montréal (1876) et à la mission de Saint-Vincent-de-Paul (Laval) (1879), où, pendant cinq années, elle assume de plus les charges de secrétaire et de directrice du pensionnat. Sœur Marie-Antoinette est de retour à Saint-Henri-de-Mascouche en 1884 pour s’occuper du pensionnat et de la première classe, avant d’être rappelée à la maison mère le 20 août 1890, à titre de directrice générale des études et de secrétaire particulière de la supérieure générale, mère Marie-Godefroy.

En juillet 1892, sœur Marie-Antoinette est élue quatrième assistante générale de la communauté ; son parcours de vie religieuse prend alors un tournant décisif. Dans ses nouvelles fonctions, elle doit accompagner la supérieure générale dans ses visites officielles des missions sur la côte Ouest. C’est lors d’un premier voyage, en 1893–1894, qu’elle prend la réelle mesure de son rôle : réformatrice en enseignement, missionnaire et, à n’en point douter, comme ses compagnes établies dans plus d’une vingtaine de missions dans l’Ouest américain et canadien, aventurière. Pendant ce séjour d’un peu plus d’un an, principalement à Vancouver, en Colombie-Britannique, elle crée un programme scolaire pour les élèves des académies de la communauté, qui, jusqu’à ce moment, après leur première communion, devaient fréquenter une école publique. Elle développe aussi sa prédilection pour les fondatrices des missions lointaines et un attachement sincère aux sœurs de l’Ouest.

Le 5 juillet 1898, mère Marie-Antoinette, âgée de 44 ans, accepte de poursuivre l’œuvre de la fondatrice, mère Gamelin [Tavernier], en devenant la sixième supérieure générale des Sœurs de la Providence. Malgré les souffrances morales, les combats, les contrariétés, les angoisses, les humiliations et les sacrifices d’une communauté sur qui veille l’ambitieuse mère Marie-Antoinette, les Sœurs de la Providence rayonnent avec, en 1898, près de 70 œuvres diverses qui couvrent plusieurs diocèses de la province de Québec, de la Colombie-Britannique, des Territoires du Nord-Ouest et du nord-ouest des États-Unis. Mère Marie-Antoinette participe activement à l’édification de fondations qui soutiennent les pauvres, les malades, les vieillards, les orphelins et tous les infortunés, et de missions chez les Cris, les Inuits et les Pieds-Noirs. Pendant les 12 années de son supériorat, elle est une entrepreneure, une femme d’affaires, une négociatrice, une gestionnaire, et cela, à une époque où les femmes ne sont toujours pas reconnues comme des « personnes » au Canada [V. Emily Gowan Ferguson].

Mère Marie-Antoinette voyage vers Vancouver, dans l’État de Washington, Missoula, dans le Montana, Portland, en Oregon, et l’extrémité du pôle Nord, à Nome, en Alaska. Pour rendre visite à ses filles, elle traverse ainsi le continent en train, en bateau et en traîneau tiré par des chiens ou des chevaux. Loin du confort qu’elle a connu pendant un séjour de six semaines à Rome en 1906, au cours duquel elle a rencontré le pape Pie X, elle ne redoute point les conditions de vie matérielles pénibles auxquelles sont soumises les sœurs missionnaires. Elle trouve le sommeil dans des abris de fortune, en voiture, sur des branches de sapin, dans le foin, sous la tente ou sur le plancher de logis exigus.

Au moment de tirer sa révérence à titre de supérieure générale en 1910, mère Marie-Antoinette a mis sur pied 23 fondations (hospices, missions, orphelinats, hôpitaux, noviciats, écoles, refuges pour les pauvres), dont certaines dans de nouveaux territoires (Alberta, Californie, Alaska). On lui attribue également la refonte du texte des constitutions, approuvé par le Saint-Siège en 1900, et la création, à Montréal en 1902, du Petit Journal de la Providence, voué à la correspondance de la communauté et distribué dans toutes ses maisons. Pendant son supériorat, le nombre de sœurs de la charité de la Providence est passé de 890 à 1 401. C’est avec ferveur que mère Marie-Antoinette a défendu un enseignement et des soins avant-gardistes dans les établissements des Sœurs de la Providence : « Pour vous convaincre, pour vous dire combien la science est nécessaire[, nos sœurs] ont visité l’Angleterre, la France, la Suisse, l’Allemagne et ensuite les États-Unis. Elles allaient chercher la science », affirme-t-elle aux religieuses de l’Institution des sourdes-muettes [V. Albine Gadbois*] de Montréal au cours d’une conférence en 1908.

Libérée de ses responsabilités, mère Marie-Antoinette a l’ambition de dédier les dernières décennies de sa vie à la recherche historique. Toutefois, nommée supérieure de la province de Saint-Joseph, à Joliette, en 1913, elle doit interrompre sa retraite consacrée à l’écriture. En qualité de mère provinciale, elle s’intéresse tout particulièrement à l’éducation de la jeunesse. Par exemple, dans les établissements qui accueillent des orphelins et des pensionnaires, elle réunit les deux groupes en une seule catégorie d’élèves. Entre autres réalisations, elle tente de redresser la situation financière de la mission de Sainte-Ursule et, à la demande de Mgr François-Xavier Cloutier, évêque de Trois-Rivières, elle prépare le programme scolaire publié en 1916 à Montréal sous le titre Cours d’enseignement classico-ménager du couvent de la Providence Sainte-Ursule, comté de Maskinongé.

En février 1919, à la suite d’une dernière visite officielle, mère Marie-Antoinette revient définitivement à la maison mère pour rédiger l’Institut de la Providence : histoire des Filles de la charité servantes des pauvres, dites Sœurs de la Providence, dont les six volumes paraîtront à Montréal entre 1925 et 1940. La constitution de ces annales représente un dur labeur en raison du peu d’importance que les sœurs ont jusque-là accordé aux archives de leur communauté. La quête de documents conduit l’historienne à consulter les archives de l’Hôtel du Parlement de Québec, du séminaire et du palais de justice de Chicoutimi (Saguenay), ainsi que plusieurs dépôts montréalais. En 1929, le gouvernement français reconnaît le caractère remarquable et d’un grand intérêt de l’œuvre produite en décernant à son auteure les Palmes académiques et le titre d’officier d’académie.

Mère Marie-Antoinette s’est éteinte doucement et a rendu son dernier souffle le 24 janvier 1939. À l’occasion de son jubilé de diamant, en 1933, Mgr Andrea Cassulo, délégué apostolique du Canada et de Terre-Neuve, l’a décrite (selon mère Bénédicte, l’une de ses biographes) comme « une religieuse qui a donné tout son cœur, toute son intelligence d’élite à son Institut dont elle a écrit l’histoire ». Mère Marie-Antoinette a contribué intensément au développement d’œuvres charitables et d’éducation en Amérique. C’est en portant le voile qu’elle a pu s’investir avec force et détermination dans les établissements qu’elle a dirigés, ainsi qu’auprès de ses sœurs, avec qui elle a partagé sa passion pour le monde des connaissances. Elle a légué aux générations futures un riche patrimoine immatériel : celui-ci, témoin de l’aplomb, du caractère et du courage à l’origine de son parcours singulier pour une femme de son époque, jette un nouvel éclairage sur le sens de la vie des religieuses.

Marie-Claude Thifault

Julie-Marguerite-Lia Blanchard, dite mère Marie-Antoinette, a écrit plusieurs chroniques, brochures et livres, dont la plupart sont recensés dans : Sœur Hélène-Marguerite, « Bio-bibliographie : mère Marie-Antoinette, sœur de charité de la Providence, Montréal-Canada, 1854–1939 » (texte dactylographié, Montréal, 1951). Elle a aussi signé : Généalogies des familles Blanchard et Neveu (s.l., [1915 ?]) ; Notes généalogiques sur la famille de mère Marie-Julien, supérieure générale des Filles de la charité servantes des pauvres (Montréal, [1915 ?]) ; Notes historiques, 1799–1893, Sœurs de la Providence (Montréal, 1922) ; et Notes historiques : livre dédié aux vénérables jubilaires de l’Institut des Filles de la charité servantes des pauvres, dites Sœurs de la Providence (Montréal, 1922).

Arch. Providence Montréal, M10.G4.23 (01)-AG-Ac3.7 (conférence de mère Marie-Antoinette, 1908) ; M18.AG-Jb (chroniques Providence St-Henri, Mascouche, 1853–1920) ; M19.37 (01)-AG-Jb (chroniques de l’hôpital Saint-Eusèbe, Joliette, 1855–1921).— BAnQ-CAM, CE601-S32, 20 mars 1854.— FD, Hôpital St-Jean-de-Dieu (Montréal), 27 janv. 1939.— Le Devoir, 26 janv. 1939.— La Semaine religieuse de Montréal, 12 déc. 1929.— Mère Bénédicte, Mère Marie-Antoinette : sœur de charité de la Providence, Montréal-Canada, 1854–1939 (2e éd., Montréal, 1945).— Nécrologie de la très honorée mère Marie-Antoinette, ex-supérieure générale des Sœurs de la Providence de Montréal (Montréal, 1939).— Providence, « Historical timelines : Providence in the west, 1856–present » : www.providence.org/about/providence-archives/history-online/historical-timelines (consulté le 31 août 2021).

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Marie-Claude Thifault, « BLANCHARD, JULIE-MARGUERITE-LIA, dite mère Marie-Antoinette », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/blanchard_julie_marguerite_lia_16F.html.

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Auteur de l'article:    Marie-Claude Thifault
Titre de l'article:    BLANCHARD, JULIE-MARGUERITE-LIA, dite mère Marie-Antoinette
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2022
Année de la révision:    2022
Date de consultation:    4 nov. 2024