BOUCHER (Boucher, dit Belleville), JEAN-BAPTISTE, prêtre catholique et auteur, né le 23 juillet 1763 à Québec, fils de Jean-Baptiste Boucher, dit Belleville, et de Marie Martin ; décédé le 6 septembre 1839 à Laprairie (La Prairie, Québec).
Entré au petit séminaire de Québec en cinquième, en 1777, Jean-Baptiste Boucher eut la bonne fortune de faire ses classes de rhétorique et de philosophie sous la direction experte de Charles Chauveaux. En 1784, ses études classiques terminées, il fut aussitôt admis au grand séminaire. Au cours de sa dernière année de théologie, en 1786–1787, les autorités du petit séminaire lui confièrent les élèves de seconde. Ordonné prêtre le 7 octobre 1787, Boucher ne fut pas nommé professeur au séminaire, mais vicaire à Saint-Ours. Il devint curé de la paroisse deux ans plus tard, avant d’être envoyé à la cure de La Nativité-de-la-Très-Sainte-Vierge, à Laprairie, où il exerça son ministère de 1792 jusqu’à sa mort. Durant près d’un demi-siècle il se donna à ses devoirs de pasteur, tout en jouant le rôle de conseiller de l’évêque de Québec et des curés de la région montréalaise. Il fut également un intellectuel de qualité, dont les moments de loisir étaient consacrés à l’étude. L’activité d’un curé de campagne s’écoulait alors au rythme des saisons et de la liturgie, cette dernière paraissant avoir été créée pour accompagner la vie des champs. Le dimanche ramenait l’ensemble de la population à la messe et au prône, et Boucher, qui aimait beaucoup prêcher, ne s’en priva jamais.
Sur le plan politique, Boucher fut d’un loyalisme sans réserve. À l’instar des autres membres du clergé, c’est la Révolution française et la contre-révolution qui lui fournirent ses catégories mentales. Le 25 mars 1810, il se plia à la demande de Mgr Joseph-Octave Plessis* de rappeler en chaire à ses paroissiens l’obligation de fidélité qu’ils avaient envers le roi George III et il lut ce dimanche-là la proclamation du gouverneur sir James Henry Craig* qui, entre autres choses, enjoignait au peuple d’être loyal. Comme Boucher l’écrivit à l’évêque trois jours plus tard, il croyait que, ce faisant, le clergé s’attirerait la « haine implacable de la part du parti Révolutionnaire [le parti canadien] ». Le 9 avril, la Gazette de Montréal publiait, sous le pseudonyme d’Æquitas, une lettre dans laquelle Boucher invoquait les « sentimens véritablement paternels » du gouverneur et affirmait que « la Religion Catholique [...] étoit essentiellement fidèle à la Royauté et au Gouvernement établi ».
La région de Laprairie, au sud de Montréal, se trouvait à un endroit stratégique durant la guerre de 1812. Un camp militaire y était d’ailleurs installé et, en 1813, des mouvements de troupe s’y produisirent constamment. Le régiment de De Meuron, arrivé à Québec à l’été de 1813, se rendit à Laprairie. Il comprenait des soldats napoléoniens faits prisonniers en Espagne qui avaient accepté de combattre en Amérique, pourvu que ce ne soit pas contre la France. Les officiers étaient par contre des royalistes éprouvés. Boucher dut loger des soldats de ce régiment dans son presbytère et il fut requis, à quelques reprises, d’assister à l’échafaud des déserteurs d’origine espagnole, puisqu’il avait appris la langue de Cervantes. Il s’entendait à merveille avec les officiers et les recevait à sa table, mais il avait fort à faire avec certains hommes de troupe qui haïssaient les prêtres et les dénigraient auprès des paroissiens.
Mgr Plessis appréciait les talents de Boucher avec qui il s’était probablement lié d’amitié au séminaire. Comme le diocèse manquait de livres français pour contrer la pénétration possible du protestantisme chez les catholiques, il demanda à Boucher de traduire l’ouvrage de John Mannock, The poor man’s catechism : or the Christian doctrine explained, with short admonitions, publié à Londres en 1752. La traduction parut à Québec en 1806 sous le titre de Manuel abrégé de controverse : ou Controverse des pauvres. Il s’agissait plus d’une défense du catholicisme que d’une attaque du protestantisme ; on évitait ainsi d’offenser l’Église d’Angleterre. Boucher traduisit aussi The grounds of the Catholick doctrine contain’d in the profession of faith of Pius IV, de Richard Challoner, sous le titre de « Fondements de la foi », mais le livre resta manuscrit et n’aurait été utilisé qu’au grand séminaire de Québec. Boucher s’était mis aussi à composer un traité intitulé « Preuves abrégées des dogmes de la religion catholique [...] » dans lequel il tentait cette fois de discréditer la succession apostolique dans l’Église d’Angleterre. Les « Preuves » ou « Lettres dogmatiques », adressées à Mgr Plessis de 1801 à 1813, ne parurent pas plus que les « Fondements ». Quand l’évêque entreprit la refonte du grand catéchisme de Québec, entre 1811 et 1818, il s’adjoignit Jean-Charles Bédard* et Boucher. Il avait auparavant demandé à Boucher de traduire le catéchisme de Douai qui était en usage en Irlande et à Halifax.
Boucher n’avait cependant pas attendu les commandes de l’évêque pour publier car, dès 1795, il avait fait imprimer chez John Neilson, à Québec, Recueil de cantiques à l’usage des missions, des retraites et des catéchismes. Il présenta au même éditeur, en 1817, un ouvrage qui se voulait le complément de Recueil et devait être utile dans les leçons de catéchisme et dans les écoles. « Extraits pieux et élégants », qui resta manuscrit, comprenait les morceaux les plus brillants de la prose et de la poésie françaises pour servir de preuves aux vérités de la religion, sur le modèle de la Bibliothèque portative des écrivains français ou Choix des meilleurs morceaux extraits de leurs ouvrages, publié par François Moysant à Londres, en 1800.
Mgr Louis-Adolphe Paquet* a jadis parlé du talent et de l’érudition étonnante pour l’époque de Jean-Baptiste Boucher. Dans ses seules « Lettres dogmatiques », le curé cite et commente 120 auteurs et pourtant la pensée demeure claire et le style élégant. Un tel travail de théologie et de controverse supposait des lectures immenses et la connaissance de plusieurs langues. Outre le français et le latin appris au séminaire, il s’était mis à l’étude du grec, de l’hébreu, de l’anglais et de l’espagnol. C’est assez dire son besoin de livres. Le procès-verbal de la vente après décès de ses biens montre qu’il s’était constitué une bibliothèque de plus de 800 titres et de plus de 2 000 volumes, sans compter les livres vendus en lot. Les classiques latins et grecs, les grands auteurs français, anglais et espagnols des xviie, xviiie et xixe siècles s’y retrouvent, que ce soit en théologie, en histoire-géographie, en sciences et en arts, ou en belles-lettres. Il possédait même la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. Les dictionnaires de traduction et les 27 grammaires de 7 langues différentes prouvent le sérieux de ses études linguistiques. Boucher était abonné aux journaux de Québec et de Montréal et échangeait des livres avec Mgr Plessis et certains curés. Il jouissait de la considération de l’évêque et de celle du clergé de Québec et de Montréal. Il avait également l’estime de son père et de ses frères, qui étaient venus s’établir à Laprairie aux environs de 1800. Désireux de préparer des jeunes au sacerdoce, Boucher en logeait toujours quelques-uns dans son presbytère et leur enseignait surtout la rhétorique. On ignore quelle a été son attitude durant les événements de 1837–1838, mais il était alors âgé et malade depuis 1834. Avec lui disparaissait, le 6 septembre 1839, un prêtre de grande qualité intellectuelle et morale.
Jean-Baptiste Boucher est l’auteur de : Recueil de cantiques à l’usage des missions, des retraites et des catéchismes, paru à Québec en 1795. Ce livre connut de nombreuses éditions, dont la dixième en 1833. Un exemplaire de cet ouvrage est conservé à la bibliothèque du séminaire de Québec. Puis, de 1801 à 1813, Boucher a fait parvenir à Mgr Plessis des « Lettres dogmatiques ». Rassemblées en deux volumes inédits sous le titre de « Preuves abrégées des dogmes de la religion catholique attaqués dans les trente-neuf articles de la confession de foi de l’Église anglicane, dans une suite de lettres adressées à Sa Grandeur, monseigneur J.-O. Plessis, évêque de Canath, et coadjuteur de Québec », ces lettres se trouvent aux ASQ sous la cote mss, 218–219. Les ASQ possèdent également (sous la cote mss, 281) un exemplaire de Manuel abrégé de controverse ou Controverse des pauvres, publié à Québec en 1806.
AAQ, CD, Diocèse de Québec, V : 6 ; 60 CN, IV : 12–95 ; 26 CP, D : 62.— ANQ-M, CE1-2, 9 sept. 1839 ; CN1-233, 23 sept.–3 oct. 1839.— ANQ-Q, CE1-1, 24 juill. 1763.— APC, MG 24, B1, 1–3 ; 7–8 ; 12 ; 18 ; 20.— Arch. du diocèse de Saint-Jean-de-Québec (Longueuil, Québec), 2A/16-123.— ASQ, Fichier des anciens ; Lettres, Y, 107.— AUM, P 58, U, Boucher, dit Belleville, à Augustin Chaboillez, 27 mai 1834.— J.-B. Boucher, « Lettre de l’abbé J.-B. Boucher à John Neilson », BRH, 35 (1929) : 255–256.— Pierre Caron, « le Livre dans la vie du clergé québécois sous le Régime anglais » (thèse de
Claude Galarneau, « BOUCHER (Boucher, dit Belleville), JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/boucher_jean_baptiste_7F.html.
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Auteur de l'article: | Claude Galarneau |
Titre de l'article: | BOUCHER (Boucher, dit Belleville), JEAN-BAPTISTE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 6 nov. 2024 |