BOURQUIN, JOHANN HEINRICH THEODOR, éducateur, missionnaire morave et grammairien, né le 24 novembre 1833 à Weberhof, près d’Orellen, Livonie, fils d’Isaak Bourquin et d’Auguste Charlotte Reichel ; le 8 avril 1863, il épousa à Niesky (Allemagne) Marie Caroline Gysin, et ils eurent quatre filles et trois fils ; décédé le 17 décembre 1914 à Herrnhut, Allemagne.

Né de parents au service de l’Eglise morave en Livonie, Johann Heinrich Theodor Bourquin fit ses études dans des écoles moraves allemandes, d’abord l’école de garçons de Kleinwelka de 1841 à 1846, puis l’école normale de Niesky de 1846 à 1851. Il reçut sa formation de séminariste à Gnadenfeld (Gosciecin, Pologne) de 1851 à 1854, puis enseigna à Niesky de 1854 à 1861. Convaincu de la nécessité de faire du corps un bon instrument de l’esprit, il se distingua en participant aux sports scolaires et en dirigeant la préparation d’un recueil de chansons pour gymnastes, et il promut la construction d’un gymnase pour les élèves. Il fut ordonné acolyte le 8 juin 1861 et diacre le 21 septembre 1862.

En 1862, Bourquin reçut trois offres. La première provenait de Neuwied. Hésitant à l’accepter, il demanda un tirage au sort. Lorsque les moraves souhaitaient consulter Dieu sur une affaire d’une haute importance pour leur vie personnelle ou leur vocation, ils énonçaient une question, puis pigeaient une réponse affirmative ou négative. Bourquin pigea un « non ». Répondant à la deuxième invitation, il alla à Gnadenfrei (Pilawa, Pologne) et y resta pendant une courte période. La troisième offre provenait de la mission du Labrador. Bourquin, qui n’avait jamais souhaité être missionnaire, surtout pas dans les « solitudes glacées » du Labrador, recourut encore une fois au tirage au sort. La réponse fut positive. Peu avant son départ, il épousa Marie Caroline Gysin, qui devint aussi acolyte.

Arrivés à Hopedale le 25 juillet 1863, les Bourquin œuvrèrent à Nain jusqu’en 1866, puis s’installèrent pour deux ans à Hebron. C’est là qu’ils se lièrent avec Friedrich Erdmann, auteur d’un dictionnaire inuktitut et traducteur de la Bible dans cette langue ; ce dernier aida grandement Bourquin à produire sa propre grammaire. En 1867, Bourquin succéda à Carl August Freitag à la surintendance de tous les postes missionnaires du Labrador. Il devait déterminer chaque année qui serait affecté à chacun des postes, donner des instructions sur le travail missionnaire, et servir de conseiller et de médiateur en cas de problèmes et de conflits. Il assuma sa fonction à Nain en 1868 et l’exerça jusqu’en 1889, sauf durant les deux années où il fut en congé en Europe, soit de 1871 à 1873. Il passa une partie de ce congé chez des amis moraves à Malmesbury, en Angleterre, afin d’améliorer son anglais. En outre, il publia à Leipzig, en Allemagne, la traduction en inuktitut de 100 chansons folkloriques allemandes. Avant son retour au Labrador, le 20 avril 1873, il fut admis au presbytérat à Herrnhut.

Le principal apport de Bourquin à l’étude de l’inuktitut est sa grammaire, à laquelle il travailla de 1876 à 1887. Il quitta le Labrador en 1889 pour en surveiller la publication ; elle parut deux ans plus tard grâce au soutien financier de la Society for the Furtherance of the Gospel. Cette grammaire resterait le grand ouvrage de référence des missionnaires germanophones jusque dans le courant du xxe siècle et serait traduite en anglais vers 1900 pour les missionnaires anglophones. Elle était la première du genre à être écrite en dialecte labradorien. Les premiers missionnaires du Labrador avaient d’abord œuvré au Groenland et avaient apporté des grammaires écrites pour le dialecte groenlandais. De 1865 à 1880, Bourquin correspondit avec Samuel Petrus Kleinschmidt, missionnaire et grammairien au Groenland. Ce dernier trouvait les premières grammaires groenlandaises si inexactes qu’il en commença une, travail qui supposait une révision majeure de l’orthographe. Il reprochait à Bourquin de n’avoir pas fait de même pour le dialecte labradorien, mais Bourquin estimait que pareille révision ne serait pas acceptée par les vieux missionnaires ni par les Inuit, qui avaient appris l’ancienne orthographe à l’école de la mission. De plus, une nouvelle orthographe aurait rendu inutiles les nombreux dictionnaires et traductions dont disposait la mission du Labrador. En 1881, Kleinschmidt lui-même se ravisa : « mieux vaut, dit-il, une révision incomplète mais acceptée par la population qu’une révision complète dont elle ne veut pas entendre parler ».

En 1890, après son retour en Allemagne, Bourquin accepta le secrétariat de la Unity’s Elders’ Conference. La même année, il entra dans l’administration de l’Église à Berthelsdorf. Pendant 17 ans, il exerça des fonctions financières, ecclésiastiques et pédagogiques ; il participa à la mise au point de la nouvelle liturgie qui fut lancée en 1907. Il se retira à Herrnhut en 1907 et y mourut dans sa quatre-vingt-deuxième année.

Bourquin se jugeait assez superficiel, peu enclin à l’introspection ou à la réflexion profondes. Il n’aimait guère diriger et ne trouvait pas facile d’aborder les difficultés de l’Église, ni les divers problèmes associés à la traite avec les Inuit et à l’administration des magasins. Pendant sa surintendance, il dut affronter deux grands défis. Le premier était le mécontentement engendré par la décision récente de l’Église morave de séparer la mission de la traite, décision qui provoqua de nombreux conflits entre missionnaires et Inuit. Le second était la résurgence de la spiritualité inuit et la menace qui pesa sur l’autorité des missionnaires dans les années 1870 à cause d’un mouvement mené par le dirigeant rouit Josua. Jusqu’à son retour en Europe, Bourquin connut des ennuis de santé en raison du stress lié à ses fonctions.

Allemand nationaliste, Johann Heinrich Theodor Bourquin fut consul d’Allemagne au Labrador de 1879 jusqu’à sa libération officielle en 1891. Ses nombreuses chansons et ses contributions à la liturgie témoignent de ses talents poétiques.

Marcella Rollmann

À titre de surintendant de la mission au Labrador, Johann Heinrich Theodor Bourquin a préparé les traductions et adaptations suivantes dans le dialecte d’inuktitut parlé au Labrador : Okâluutsit [...] /Sermons and addresses printed for the S.F.G. in London, for the use of the Moravian mission in Labrador (3 parties en 2 vol., Stolpen, Allemagne, 1870–1871) ; un catéchisme d’histoire de la Bible, Apersûtit kigutsillo [...] /Biblische und kirchengeschichtliche Fragen und Antworten sowie Erklärung verschiedener Fremdwörter (Londres, 1872 ; 2e et 3e éd. publiées à Herrnhut, Allemagne, en 1910 et 1936, respectivement) ; un recueil de chants folkloriques allemands, Imgerutsit nôtiggit 100/Hundert Eskimoische Lieder [...] (Leipzig, Allemagne, 1872) ; le Nouveau Testament, Testamentitak [...] (un volume contenant les Évangiles et les Actes des Apôtres a paru à Stolpen en 1876, et une version plus complète, contenant tout l’Ancien Testament, a été publiée au même endroit en 1878) ; et un livre de cantiques, Imgerutit [...] (Stolpen, 1879). Les références complètes de ces publications, dont les titres exacts en inuktitut, figurent dans Canadiana, 1867–1900, et dans les bibliographies de Lande et Pilling citées ci-dessous.

La grammaire de Bourquin sur le dialecte parlé au Labrador a paru sous le titre Grammatik der Eskimo-sprache [...] (Londres et Gnadau, Allemagne, 1891). Ses réminiscences autobiographiques ont été publiées à titre posthume sous le titre « Lebenslauf des am 17. Dezember 1914 in Herrnhut entschlafenen Bruders Heinrich Theodor Bourquin », Mitteilungen aus der Brüder-Gemeine (Gnadau), 1915, no 4 : 138–164 ; no 5 : 190–213.

On trouve les ébauches des rapports décennaux présentés par Bourquin aux synodes généraux de 1869, 1878 et 1888, à titre de surintendant de la mission au Labrador, de même que de nombreuses lettres, dans les dossiers des missions moraves, au Labrador, lesquels sont maintenant conservés à la Moravian College and Moravian Theological Seminary Library, Bethlehem, Pennsylvanie (on peut les consulter sur microfilms aux AN, MG 17, D1, et au Centre for Newfoundland Studies, Memorial Univ. of Nfld, St John’s), en particulier, ff.10750–10864 (rapports) et ff.2479–3574, 9159–9243, et 10294–10739 (lettres).

Archiv der Brüder-Unität (Herrnhut), Dienerblätter (dossiers sur les états de service de J. H. T. Bourquin et M. C. Gysin Bourquin) ; Hermann Jannasch, « Bunte Bilder aus meinem Leben : Erinnerungen aus dem Leben eines Missionars der Brüdergemeine » (texte dactylographié, Bad Boll [Boll], Allemagne, 1929–1930) ; « Katalog des Unitätsarchivs der Drucke und Manuskripte von sprachlichen Arbeiten ».— Moravian College and Moravian Theological Seminary Library, Records of the Moravian missions, Labrador, ff.15211–15212 (« Catalogus der Missionare in Labrador ») ; ff.15312–15318 (« Verzeichnis der von seitens der Missionare in der Eskimo-Sprache angefertigten Schriften, 1906 »).— Theodor Bechler, Samuel Kleinschmidt, der Sprachmeister Grönlands [...] (Herrnhut, 1930).— S. [P.] Kleinschmidt, Kleinschmidts Briefe an Theodor Bourquin, Erik Holtved, édit. (Copenhague, 1964).— The Moravian missions to the Eskimos of Labrador ; a checklist of manuscripts and printed material from 1715 to 1967 [...], L. M. Lande, compil. (Montréal, 1973).— J. C. Pilling, Bibliography of the Eskimo language (Washington, 1887) ; réimpr., sous le titre Bibliographies of the languages of the North American Indians (9 parties en 3 vol., New York, 1973), 1, 1re partie.— Marcella Rollmann, « The role of language in the Moravian missions to eighteenth-century Labrador », Unitas Fratrum (Hambourg, Allemagne), no 34 (1993) : 49–64.— Karl Thom, Friedrich Erdmann, Missionar in labrador [...] (Hemer, [Allemagne, 1968]).

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Marcella Rollmann, « BOURQUIN, JOHANN HEINRICH THEODOR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bourquin_johann_heinrich_theodor_14F.html.

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Auteur de l'article:    Marcella Rollmann
Titre de l'article:    BOURQUIN, JOHANN HEINRICH THEODOR
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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