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BRASSEUR DE BOURBOURG, CHARLES-ÉTIENNE, prêtre séculier, historien, américaniste, né le 8 septembre 1814, décédé le 8 janvier 1874 à Nice, en France.
Charles-Étienne Brasseur naquit à Bourbourg, petite ville très flamande d’aspect, située à 18 kilomètres de Dunkerque. Il fit ses études de philosophie et de théologie à Gand (Belgique) d’abord, puis à Rome, où il fut ordonné prêtre en 1845.
Encore étudiant, Brasseur révéla qu’il était destiné à écrire. Dès 1837, il collabore au journal le Monde (Paris), dirigé par Félicité-Robert de La Mennais, puis il publie, sous le pseudonyme de Ravensberg, des récits historiques, comme Jérusalem, tableau de l’histoire et des vicissitudes de cette ville célèbre [...], ou des romans inspirés du christianisme primitif, comme le Sérapéon [...], à propos duquel un collaborateur de l’Univers (Paris) faisait remarquer, dans le numéro du 8 août 1839, qu’il existait dans cet écrit « de fâcheuses réminiscences » des Martyrs de Chateaubriand, critiques de plagiats que l’on reprendra à maintes reprises au sujet des ouvrages de Brasseur de Bourbourg.
Ces premières publications lui avaient toutefois créé une flatteuse réputation à Rome, où l’abbé canadien Léon Gingras fit sa connaissance en 1844. Écrivant à son ami, l’abbé Charles-Félix Cazeau*, vicaire général de Québec, Gingras lui faisait part de son enthousiasme à l’endroit du « célèbre écrivain » et du désir qu’il éprouva bientôt de le faire venir à Québec : « C’est à Québec, écrivait-il le 28 octobre 1844, qu’il le faudra attacher par toutes les voies possibles. » Un mois plus tard, le 23 novembre, Gingras revenait à la charge : « Encore une fois, cher Cazeau, remue ciel et terre pour qu’un si bel oiseau ne nous échappe pour s’envoler à Montréal, où il serait si bien vu. »
Finalement, sur l’invitation réitérée d’un des supérieurs du séminaire, l’abbé Brasseur arrivait à Québec, après un court séjour à Boston, dans l’automne de 1845. Les directeurs le prièrent d’entreprendre un cours d’histoire ecclésiastique, qu’il ne conduisit pas au-delà de la huitième leçon, au témoignage de l’abbé Jean-Baptiste-Antoine Ferland*.
Gratifié de loisirs forcés, l’abbé Brasseur s’employa à des recherches historiques dans les archives de l’archevêché de Québec. Au début de 1846, il fit paraître une Esquisse biographique sur Mgr de Laval [...]. L’abbé français indisposa les prêtres du séminaire par la publication de cette brochure et, au printemps, il quitta Québec pour retourner à Boston où, pendant quelques mois, il exerça son ministère sacerdotal, à la grande satisfaction de l’évêque, Mgr John Bernard Fitzpatrick, qui l’honora du titre de vicaire général de son diocèse à son départ pour le Mexique l’été suivant.
De retour en Europe en 1851, il s’employa surtout à la rédaction d’une Histoire du Canada [...]. L’ouvrage était dédié « à Sa Grandeur Monseigneur Jean-Bernard Fitzpatrick, évêque de Boston », qui avait pris l’auteur sous son égide, « lorsque le climat et les circonstances l’eurent fait repasser de Québec dans son diocèse ». Au lieu d’un simple imprimatur, l’abbé Brasseur avait reçu de son supérieur hiérarchique, Mgr Pierre-Louis Parisis, l’évêque ultramontain d’Arras, ami de Louis Veuillot, une lettre chaleureuse affirmant que son livre présentait « un tableau du plus haut intérêt » des travaux apostoliques des missionnaires qui avaient évangélisé le Canada, du courage et de la sagesse des premiers gouverneurs envoyés par la France pour fonder et organiser cette colonie lointaine, et enfin des vicissitudes que ce pays, devenu chrétien et français, avait subies au cours de trois siècles. Pour accentuer, si c’était possible, les mérites de l’ouvrage, l’évêque ajoutait que « l’historien avait eu à sa disposition des documents précieux, dont aucun écrivain avant lui n’avait pu prendre connaissance », circonstance qui donnait « à ses récits un caractère de vérité », qui était « le premier et le principal intérêt de l’histoire ».
Dès que les premiers exemplaires de cet ouvrage parvinrent à Québec, à la curiosité succéda bientôt l’indignation, car, suivant Henri d’Arles [Beaudé], « notre histoire y subit un véritable sabotage ». L’abbé Ferland, rattaché depuis peu à l’archevêché de Québec, se mit à l’œuvre pour signaler les bévues de tout genre dont le singulier historien avait comme à plaisir parsemé ses pages : erreurs de date, méprises onomastiques, absurdités géographiques, textes tronqués ou cités à contresens, traductions fautives, plagiats évidents. Son travail parut d’abord dans le Journal de Québec, les 22, 25, 29 janvier et 1er février 1853, puis en brochure sous le titre suivant : Observations sur un ouvrage intitulé Histoire du Canada, etc., par M. l’abbé Brasseur de Bourbourg.
Après avoir transmis un exemplaire de l’opuscule de Ferland à Mgr Parisis puis à Louis Veuillot, l’archevêque de Québec, Mgr Pierre-Flavien Turgeon*, demandait au rédacteur en chef de l’Univers, dans une lettre qu’il lui écrivait le 18 février 1853, de bien vouloir « insérer quelques lignes » dans son journal, « pour venger l’Église du Canada des insultes qu’elle venait de recevoir d’un injuste détracteur ».
Grâce aux bons offices du correspondant de l’Univers à New York, Henry de Courcy, la brochure de l’abbé Ferland, améliorée, fut rééditée à Paris par Charles Douniol, l’éditeur de la revue catholique libérale le Correspondant. Mgr Parisis retira alors l’approbation qu’il avait donnée à l’ouvrage de l’abbé Brasseur par une lettre publiée dans l’Univers du 3 mars 1854.
Mais l’auteur de cette histoire du Canada si controversée dans les milieux catholiques, n’en avait pas moins, auprès du grand public français, posé les bases de sa renommée d’américaniste. Après 1852 il retourna quatre fois en Amérique, tantôt comme aumônier de la légation de France à Mexico, tantôt comme administrateur ecclésiastique des Indiens de Rabinal au Guatemala, tantôt enfin comme chargé de missions scientifiques du gouvernement français. Il étudia sur place les civilisations mexicaines primitives, recueillit des documents importants sur la géographie, les antiquités, l’ethnographie du Mexique et de l’Amérique centrale, il édita de nombreux textes curieux, comme le Manuscrit Troano [...], il fit paraître des ouvrages qui, comme les Lettres [...] ais surtout l’Histoire des nations [...], lui assurèrent une belle réputation de savant américaniste. En 1869, dans un article de la Revue des questions historiques, Henry de Charencey mettait Brasseur de Bourbourg « au premier rang parmi les érudits qui ont le plus contribué à ranimer parmi nous le goût des études américaines ». Mais les spécialistes qui suivirent n’ont pas tardé à déceler dans cette œuvre des parties ruineuses. Le contraire eût été étonnant, car si l’abbé Brasseur, selon l’auteur de la notice biographique qui lui est consacrée dans la Grande Encyclopédie, travaillait avec « une extrême ardeur », « il manquait souvent, dans ses travaux hâtivement rédigés, de la prudence et de la sagacité » qui eussent assuré à son œuvre des assises moins fragiles.
Brasseur de Bourbourg mourut à Nice le 8 janvier 1874, à l’âge de 59 ans.
On trouve aux Archives nationales (Paris), F17, 2 942, les différents rapports de voyage au Mexique, en Amérique centrale et en Espagne adressés par l’abbé Brasseur de Bourbourg au ministre de l’Instruction publique et des Cultes. Justin Winsor, Narrative and critical history of America (8 vol., Boston, 1884–1889), I : 170–172, The Catholic Encyclopedia (15 vol., New York, 1907–1912), Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique (16 vol. parus, Paris, 1912- ), La grande encyclopédie (31 vol., Paris, [s.d.]) se sont contentés de reproduire la plupart des détails biographiques contenus dans Brasseur de Bourbourg, Histoire des nations civilisées [...]. [p. s.]
Bibliothèque nationale (Paris), Z. Renan. 7 829.— C.-É. Brasseur de Bourbourg, Esquisse biographique sur Mgr de Laval, premier évêque de Québec (Québec, 1846) ; Histoire des nations civilisées du Mexique et de l’Amérique centrale, durant les siècles antérieurs à Christophe Colomb [...] (4 vol., Paris, 1857–1859) ; Histoire du Canada, de son Église et de ses missions depuis la découverte de l’Amérique jusqu’à nos jours, écrite sur des documents inédits compulsés dans les archives de l’archevêché et de la ville de Québec, etc. (2 vol., Paris, 1852) ; Lettres pour servir d’introduction à l’histoire primitive des nations civilisées de l’Amérique [...] (Mexico, 1851) ; Manuscrit Troano, étude sur le système graphique et la langue des Mayas (2 vol., Paris, 1869–1870) ; Le Sérapéon, épisode de l’histoire du IVe siècle (Paris, 1839) ; Sommaire des voyages scientifiques et des travaux de géographie, d’histoire, d’archéologie et de philologie américaines (Saint-Cloud, 1862).— Étienne de Ravensberg [C.-É. Brasseur de Bourbourg], Jérusalem, tableau de l’histoire et des vicissitudes de cette ville célèbre depuis son origine la plus reculée jusqu’à nos jours (Lille, 1843).— Journal de Québec, 22 janv., 25 janv., 29 janv., 1er févr. 1853.— Le Monde (Paris), 1837.— L’Univers (Paris), 8 août 1839, 18 févr. 1853, 3 mars 1854.— J.-B.-A. Ferland, Observations sur un ouvrage intitulé Histoire du Canada par l’abbé Brasseur de Bourbourg [...] (Paris, 1854).— Robert [Philippe] Sylvain, La vie et l’œuvre de Henry de Courcy, premier historien de l’Église catholique aux États-Unis (Québec, 1955), 189–224.— Henri de Charency, L’histoire et la civilisation du Mexique d’après les travaux de M. l’abbé Brasseur de Bourbourg, Revue des questions historiques (Paris), VII (1869) : 283.
Philippe Sylvain, « BRASSEUR DE BOURBOURG, CHARLES-ÉTIENNE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brasseur_de_bourbourg_charles_etienne_10F.html.
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Auteur de l'article: | Philippe Sylvain |
Titre de l'article: | BRASSEUR DE BOURBOURG, CHARLES-ÉTIENNE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |