CARMICHAEL, JAMES, officier de milice, homme d’affaires, juge de paix et fonctionnaire, né le 29 janvier 1788 à Fishers Grant (Pictou Landing, Nouvelle-Écosse), fils aîné de James Carmichael et d’une prénommée Ann ; en janvier 1812, il épousa Christian McKenzie, et ils eurent huit enfants ; décédé le 1er juin 1860 à New Glasgow, Nouvelle-Écosse.
Le père de James Carmichael naquit à Aberdeen, en Écosse, et vint en Amérique du Nord en 1778. Il semble bien qu’il soit le James Carmichael, sergent dans le 82e d’infanterie, qui reçut en 1785 une concession foncière de 200 acres à Merigomish, en Nouvelle-Écosse. Il est peu probable que James Carmichael fils ait fait des études régulières, étant donné le manque généralisé d’écoles et d’instituteurs dans la région de Pictou, ouverte depuis peu à la colonisation. Jeune homme, il fut assujetti au service dans la milice et, en 1807, il avait le grade de lieutenant dans le Pictou Régiment. La même année, après l’affaire du Chesapeake [V. sir George Cranfield Berkeley*], le gouvernement britannique décida de faire appel à la milice de ses colonies nord-américaines ; c’est ainsi que Carmichael conduisit un petit détachement à Halifax où il travailla aux fortifications ; il y demeura jusqu’au début du printemps de 1808. Dès les années 1820, il était devenu major et, lorsque le Pictou Régiment fut divisé en janvier 1828, il fut nommé lieutenant-colonel du 2e bataillon, poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite vers 1846.
Les promotions de Carmichael dans la milice sont à l’image de sa progression au sein de la communauté, progression qui se fit lentement et non sans efforts. Il avait commencé une carrière d’homme d’affaires en 1809 et, deux ans plus tard, en société avec George Argo, il acheta d’Alexander McKay un lot d’un acre le long de la rivière East, sur le futur emplacement de New Glasgow. Les deux hommes construisirent un magasin à cet endroit et commencèrent à faire le commerce du bois de charpente vendu au tonneau de jauge sur le marché britannique. Avant que l’année ne soit terminée, un incendie détruisit le magasin et le stock, mais Carmichael, à lui seul, remit l’entreprise sur pied. Bien qu’il ait choisi un endroit propice la chute des prix du bois de charpente qui suivit la fin des guerres napoléoniennes ainsi que l’instabilité du tarif douanier britannique en matière de bois d’œuvre portèrent de durs coups à son commerce. Cependant, Carmichael surmonta ces difficultés et continua à développer son entreprise, principalement en faisant le commerce d’articles de quincaillerie et de marchandises diverses importés de Liverpool, en Angleterre, et d’Aberdeen, en Écosse. Il bénéficia du fait qu’en 1827 la Général Mining Association commença à extraire en grande quantité le charbon à Albion Mines (Stellarton) situé à proximité. La population de New Glasgow augmenta et elle était de quelque 750 habitants en 1837.
Ses affaires prenant de plus en plus d’ampleur, Carmichael fut en mesure de construire ses propres schooners destinés au commerce de la région. Son premier navire fut le James William, schooner de 14 tonneaux qu’il construisit en 1821 de concert avec son beau-frère George Rogers McKenzie*. L’année suivante, avec son beau-frère John McKenzie et John Johnston, Carmichael mettait en chantier le Perseverance. Ce brigantin de 77 tonneaux était destiné au commerce avec les Antilles, mais il périt corps et biens à son premier voyage. Cette perte, rendue particulièrement lourde du fait que son représentant d’Halifax avait empoché l’argent destiné à souscrire une assurance, sembla ralentir l’expansion des affaires de Carmichael, puisque ce n’est qu’en 1828 qu’il construisit le brick Two Sisters, jaugeant 139 tonneaux, en société avec John McKenzie. Ce navire fut rapidement vendu, mais en même temps Carmichael commença à exploiter un commerce de cabotage à l’aide du Mary Ann, schooner de 45 tonneaux construit lui aussi en 1828. Dès 1832, ce bateau transportait régulièrement des bovins et des produits agricoles dans les régions de Richibouctou (Richibucto) et de la Miramichi, au Nouveau-Brunswick, et rapportait à Pictou du bois de charpente et du sel pour l’industrie de la pêche. Ce sel provenait probablement des marchands de l’île de Jersey qui l’utilisaient comme lest dans les navires servant à diriger la pêche dans le golfe du Saint-Laurent. Les marchands qui firent partie des associations des années 1820, et d’autres avec qui Carmichael fit affaire, tels James MacGregor, son futur gendre, et Thomas Graham, gros constructeur de navires de New Glasgow, établirent un réseau important de relations dans la région.
Pendant les années 1830, Carmichael s’appliqua surtout, semble-t-il, à faire du commerce, mais en 1840 il recommença à s’intéresser à la construction des navires. En plus de schooners, tels l’Alert (53 tonneaux), le Gem (73 tonneaux) et le Georgina (107 tonneaux), il construisit les trois-mâts barques Hyndeford (510 tonneaux) et John Geddie (391 tonneaux), ainsi que le navire Janet Kidston (889 tonneaux). L’un des derniers navires qu’il construisit, toujours en société avec son beau-frère George McKenzie, fut le trois-mâts barque Lulan de 472 tonneaux.
Des événements survenus au cours d’un voyage que fit Carmichael sur le Lulan, dont il était, avec McKenzie, le copropriétaire, révèlent une curieuse facette de son code d’éthique commercial. Au mois d’août 1848, le navire arriva à Glasgow, en Écosse, d’où il devait repartir pour Pictou. McKenzie, le capitaine du navire, s’engagea auprès de l’agent d’affaires d’un propriétaire foncier à transporter à Pictou, pour la somme de £3 10 shillings par tête, 127 immigrants sans ressources, de langue gaélique, qui voulaient se rendre à l’île du Cap-Breton et à l’Île-du-Prince-Édouard. Bien que la traversée ait été relativement courte, trois passagers moururent de la petite vérole et le navire fut placé en quarantaine à son arrivée à Pictou. Carmichael ainsi que des membres de sa famille étaient à bord. Impatient de prendre un chargement, il fit construire sur la plage, en dehors du havre de Pictou, des hangars de bois temporaires afin d’y loger les colons. C’est là que demeurèrent ces immigrants, mal nourris et mal logés, et sans moyens de se rendre à leur destination, jusqu’au moment où ils y furent amenés au début de décembre aux frais de l’État. Carmichael qui avait dû payer les coûts occasionnés par l’entretien de ces immigrants demanda à l’Assemblée de le dédommager pour l’argent qu’il avait investi dans la construction des hangars. En refusant sa demande, un comité, dont faisait partie Thomas Killam*, réprouva le manque de cœur et la fourberie de Carmichael. Ce dernier avait cependant la réputation d’avoir de la compassion pour les membres de sa famille ou les gens de sa localité.
À part l’intérêt qu’il manifesta envers la milice et les affaires, Carmichael s’intéressa à l’éducation qui, à l’époque, était au centre de querelles religieuses et politiques. Il fut nommé commissaire d’écoles du district de Pictou le 28 mai 1828 et occupa ce poste deux ou trois ans. Il était un tenant de la Pictou Academy où il envoya ses fils étudier. Cependant, il ne s’occupa activement de l’administration de cette école qu’à partir de 1841, année où cet établissement était déjà converti en high school. Il semble avoir abandonné cette tâche en 1845 ; cette année-là, une nouvelle loi mit fin au caractère confessionnel de l’école. Carmichael ne semble pas avoir participé à cette controverse touchant la Pictou Academy. En 1851, il reprit ses activités dans le réseau scolaire quand il fut nommé commissaire d’écoles du district sud du comté de Pictou. La participation de Carmichael aux problèmes scolaires montre que, s’il ne joua jamais le rôle d’un chef de file, il était prêt à assumer les responsabilités habituellement assignées à un membre « respectable » de la société. C’est ainsi que pendant les années 1820 il avait été nommé juge de paix et, en 1834, après qu’il eut aidé à obtenir une loi créant la commission des rues de New Glasgow, il servit en qualité de commissaire de cet organisme pendant quelques années.
Encore jeune, Carmichael était devenu membre de la congrégation de James Drummond MacGregor* qui officiait à l’église James. À titre de membre de cette congrégation et, par la suite, de conseiller presbytéral, Carmichael était évidemment un allié de la faction presbytérienne anti-burgher qui était largement engagée en politique pendant cette première moitié du xixe siècle. Bien qu’il n’ait pas été particulièrement actif en ce domaine, il se peut que les rapports étroits qu’il entretenait avec cette congrégation l’aient incité à aider à l’organisation des forces anti-burghers lors des infamantes élections de 1830 qui portèrent sur la querelle du Brandy et donnèrent lieu à une guerre ouverte [V. Enos Collins*]. À titre de partisan de l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse et d’administrateur de l’église James, Carmichael prit au sérieux son rôle qui consistait à aider à répandre l’Évangile et, en 1834, il appuya la fondation de la Lower Settlement East River Evangelical Society, dont il devint le premier président ; cette société devait promouvoir l’activité missionnaire dans les Maritimes et étendre l’influence de l’Église presbytérienne dans les « pays païens, islamiques et anti-chrétiens ». L’année suivante, il parraina une pétition qui demandait que l’on renforce les règlements relatifs à la délivrance des permis de vente de boissons alcooliques. Étant lui-même marchand, Carmichael était probablement plus sympathique à la cause de la tempérance qu’à celle de l’abstinence complète qui était fortement préconisée à New Glasgow à cette époque.
Dès 1837, à titre de trésorier de l’église James, Carmichael tenta d’en établir solidement les finances. Les modifications apportées furent en partie à l’origine d’une querelle intestine qui s’envenima à la suite de l’opposition de certains membres aux changements préconisés par le nouveau ministre, le révérend David Roy. James MacGregor, qui était le fils du révérend MacGregor ainsi que le gendre et associé occasionnel de Carmichael, fut le principal instigateur de la controverse. Cette dissension mit évidemment à l’épreuve la loyauté de Carmichael. En 1845, il fut l’un des 18 membres qui se séparèrent officiellement de la congrégation. Pour bien montrer l’insistance qu’il mettait à privilégier la pratique religieuse fondamentale, ce groupe donna à son temple le nom d’église Primitive, mais il demeura à l’intérieur du synode de l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse. L’activité de Carmichael dans les affaires de la congrégation s’intensifia, surtout au moment où ses fils John Robert et James William* assumèrent un rôle plus important dans le commerce familial, lequel était exploité sous la raison sociale de J. W. Carmichael and Company dès mars 1854. Cette société continua de construire des navires, d’être propriétaire, en tout ou en partie, de plusieurs de ces bâtiments, d’exporter du bois de charpente et d’agir à titre d’importateur. Les deux frères Carmichael furent aussi mêlés à l’exploitation de l’industrie du fer par le biais de l’Acadia Foundry Company. La carrière active de Carmichael prit fin en 1857 quand il fut projeté en bas de son chariot ; par la suite, il souffrit d’une douloureuse maladie jusqu’à son décès survenu le 1er juin 1860.
À sa mort, James Carmichael jouissait d’une certaine aisance ; il laissa environ £7 000 en espèces, ainsi qu’une propriété immobilière évaluée quelque peu arbitrairement à £2 000. Il avait mis sur pied un commerce dont ses fils surent continuer l’exploitation avec compétence et, plus important encore, il joua un rôle soutenu, bien qu’effacé, dans le développement de New Glasgow. Par conséquent, il n’était que juste que ses funérailles soient les plus imposantes que connut la contrée pour longtemps, et que tous les établissements de commerce de la région de New Glasgow ferment leurs portes le jour de son inhumation.
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Kenneth George Pryke, « CARMICHAEL, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/carmichael_james_8F.html.
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Auteur de l'article: | Kenneth George Pryke |
Titre de l'article: | CARMICHAEL, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 5 déc. 2024 |