CHIHOUATENHA (Chihouatenhoua, Chiohoarehra, Chihwatenha), baptisé sous le nom de Joseph, néophyte modèle et ami des missionnaires jésuites, né en 1602 ( ?) en Huronie, assassiné le 2 août 1640 près d’Ossossané (La Conception).

Joseph, neveu d’un grand chef, vivait à Ossossané, où il participait à la traite des fourrures et, bien que peu riche, avait voix aux conseils du lieu. Pendant toute sa vie, les rapports entre les membres de sa tribu et les Français devinrent de plus en plus étroits. Les Indiens recherchaient avidement les marchandises européennes, mais les épidémies et les guerres de plus en plus fréquentes entre les principales tribus qui se disputaient la mainmise sur la traite des fourrures aggravaient les problèmes déjà nombreux qui résultaient de leur contact avec la culture européenne, dont ils reconnaissaient volontiers la supériorité technique. Les Indiens étaient particulièrement troublés par les enseignements et les semonces des missionnaires qui allaient vivre parmi eux, et dont la théologie et les notions de comportement moral différaient à tant d’égards des leurs.

Chihouatenha était un homme de coutumes sobres et, même avant sa conversion, les Jésuites considéraient son comportement comme exemplaire. Dès leur arrivée à Ossossané, Joseph manifesta un grand intérêt pour leur enseignement, mais les Jésuites désiraient l’instruire à fond avant le baptême. Cependant, comme il était tombé gravement malade, on lui conféra le baptême peu après, le 16 août 1637, tandis que sa femme Marie Aonetta et certains autres membres de sa famille recevaient le baptême un peu plus tard. Pendant environ dix mois, sa famille fut la seule d’Ossossané à être chrétienne.

Joseph aidait le plus possible les Jésuites dans leur œuvre apostolique, non seulement dans son propre village, mais dans toute la Huronie. Il faisait publiquement profession de sa foi, refusait d’assister aux cérémonies païennes, défendait les Jésuites dans les conseils hostiles et exhortait les Hurons à se faire chrétiens. Ce faisant, il s’exposait à un danger très réel, car on accusait déjà les Jésuites de sorcellerie et on les tenait responsables des épidémies qui, en 1640, avaient fini par réduire de moitié la population huronne. La foi de Joseph ne fléchit pas lorsque plusieurs membres de sa famille moururent ou tombèrent malades, ni même quand sa belle-sœur succomba à la maladie et décéda, moins de 48 heures après son baptême. Au cours de l’hiver de 1637–1638, les Jésuites lui apprirent à lire et à écrire, apparemment avec un grand succès. En 1639, il se rendit avec le père Le Mercier à Québec où, probablement comme lors de ses visites précédentes, il fut impressionné par la charité et le zèle religieux des Français, en particulier au couvent et à l’hôpital. Au prix de grandes difficultés personnelles, il réussit à rapporter de saintes reliques en Huronie. Il y chercha à convaincre ses compatriotes que la religion et la culture françaises n’étaient pas moins désirables que leurs marchandises de traite.

En janvier 1640, il passa huit jours en exercices spirituels au nouveau centre missionnaire du fort Sainte-Marie, après quoi il s’efforça en vain de convertir son frère. Il accompagna les Jésuites au cours de diverses missions cet hiver-là, notamment dans un voyage à la tribu du Pétun (Tabac) où il comptait des parents ou des associés. Le 2 août, alors qu’il se trouvait seul à couper du bois près de son village, il fut assassiné, juste la veille de son départ annuel pour Québec. Prévoyant le danger, il avait renvoyé au village ses nièces (dont, tout probablement, la jeune Thérèse Oionhaton). Les chefs hurons, après une enquête sur ce meurtre, l’attribuèrent à des maraudeurs iroquois, explication que les Jésuites acceptèrent. Mais il se peut aussi que Joseph ait été assassiné par des Hurons qui se méfiaient de lui à cause de ses relations avec les Jésuites français et, en particulier, lui en voulaient d’accompagner les Blancs vers le pays du Pétun craignant qu’ils n’y implantent la traite. C’était une coutume huronne d’assassiner les indésirables de façon telle que le crime pût être imputé à des maraudeurs ennemis.

Les Jésuites étaient favorablement impressionnés par l’intelligence et la ferveur de Joseph. Sa piété et la dévotion persistante de sa famille dans des circonstances très dures constituaient une bonne réponse aux Hurons qui prétendaient qu’un indigène ne pouvait atteindre à la norme de moralité exigée d’un converti. Joseph fut l’un des premiers Hurons qui aient réussi à embrasser de tout cœur nombre des aspects spirituels aussi bien que matériels de la civilisation européenne. Ce choix allait à l’encontre du sentiment de la plupart de ses compatriotes et tendait à lui aliéner leur sympathie. Son amitié pour les Français pourrait bien avoir causé sa mort. Peu après, toutefois, un nombre de plus en plus considérable de Hurons finirent par comprendre l’utilité d’accepter plus à fond les coutumes européennes. Le frère de Joseph, Joseph Teondechoren, médecin-sorcier, devint un converti distingué.

Bruce G. Trigger

JR (Thwaites).— Léon Pouliot, Le Premier Retraitant du Canada (Montréal, 1958).— Bruce G. Trigger, Order and freedom in Huron Society, Anthropologica, V (1963) : 151–169 ; The destruction of Huronia : a study in economic and cultural change, 1609–1650, Royal Canadian Institute Trans., XXXIII (1960), 1ère partie : 14–45.

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Bruce G. Trigger, « CHIHOUATENHA (Chihouatenhoua, Chiohoarehra, Chihwatenha), baptisé Joseph », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/chihouatenha_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    12 déc. 2024