COURTNEY, JOHN MORTIMER, fonctionnaire, né le 22 juillet 1838 à Penzance, Angleterre, deuxième fils de John Sampson Courtney et de Sarah Mortimer ; le 5 octobre 1870, il épousa à Ottawa Mary Elizabeth Sophia Taylor, fille de John Fennings Taylor*, et ils eurent un fils ; décédé dans cette ville le 8 octobre 1920.

John Mortimer Courtney écrirait en 1888 que les banques étaient un domaine cher à sa famille. Son père avait été banquier ; son frère aîné, Leonard Henry, avait travaillé dans une banque avant de se hisser au poste de secrétaire à la Trésorerie dans le deuxième gouvernement de William Ewart Gladstone. Formé par des précepteurs à Penzance, John Mortimer s’intéressa lui aussi aux banques et, comme tant de membres de sa génération, il alla tenter sa chance dans les colonies, où les jeunes gens doués pour les finances étaient très en demande. Il se rendit d’abord en Inde pour le compte de l’Agra Bank, puis en Australie.

En 1869, Courtney vint au Canada sur l’invitation du ministre canadien des Finances, John Rose*. Le 2 juin, il entra dans la fonction publique à titre de commis principal et secrétaire adjoint du Conseil du Trésor, sous l’autorité de John Langton*. La plupart des financiers du pays faisaient alors front contre Rose, qui tentait de réformer le système bancaire du Canada. Le 1er août 1878, dans le cadre d’une réorganisation départementale qui l’occuperait pendant de longs mois, Courtney fut promu sous-ministre et, de ce fait, receveur général adjoint et secrétaire du Conseil du Trésor par Richard John Cartwright, ministre des Finances dans le gouvernement libéral d’Alexander Mackenzie*. Le mois suivant, les libéraux perdirent le pouvoir.

Le nouveau gouvernement conservateur mit bientôt à contribution les talents administratifs de Courtney, notamment en l’affectant à l’équipe qui prépara le budget de Samuel Leonard Tilley* axé sur la Politique nationale. Cependant, il restait de tendance libérale, peut-être en partie à cause de ses principes. Comme il s’était montré favorable à l’offensive libérale contre le favoritisme, les banquiers ne pouvaient plus compter sur les relations qu’ils avaient cultivées parmi les hommes politiques et les fonctionnaires pour que le gouvernement ouvre des comptes chez eux, y fasse des dépôts ou leur confie la mission de changer des dollars canadiens contre des livres sterling, autant d’activités qui soutenaient la confiance de la population en leurs établissements. De plus en plus, avant de s’en remettre à une banque, le gouvernement examinait sa valeur et les garanties qu’elle offrait. En plusieurs occasions, Courtney dénonça les pressions politiques exercées par certaines banques en vue d’avoir le gouvernement comme client. Ainsi, en 1888, quand la Western Bank of Canada aborda à cette fin le premier ministre sir John Alexander Macdonald*, Courtney lui déconseilla fermement de faire affaire avec elle : « De toutes les banques anglaises, dit-il, c’est celle qui a la plus faible réserve d’encaisse pour garantir l’argent en circulation et les dépôts. » En outre, il désapprouvait les frais imposés par les banques pour négocier les chèques gouvernementaux. Il souhaitait un système bancaire qui, au lieu de concurrencer la Post Office Savings Bank, source d’argent bon marché souvent utilisée pour financer les dépenses publiques, lui servirait de complément.

En général, Courtney usait de persuasion avec les banquiers, mais, dans les années 1880, une série de faillites bancaires eurent de graves répercussions, ce qui l’amena à commencer en 1887 à travailler à une modification radicale de l’Acte concernant les banques et le commerce des banques. Son objectif était de mieux protéger les déposants, les actionnaires et le gouvernement. Il proposa un fonds de garantie pour la monnaie des banques, des chartes à durée illimitée, l’émission restreinte de billets pour les banques existantes, l’interdiction d’émettre des billets pour les nouvelles banques, une réserve fixe de 10 % et des vérifications extérieures par des comptables engagés par les actionnaires. Lorsqu’ils eurent vent de ces propositions, trois des banquiers les plus respectés du pays, George Hague de la Banque des marchands du Canada, Byron Edmund Walker* de la Banque canadienne de commerce et Thomas Fyshe de la Banque de la Nouvelle-Écosse, firent appel au cabinet afin qu’il les réexamine. Les réserves fixes, surtout, les inquiétaient ; selon Walker, elles réduiraient dangereusement le crédit offert aux Canadiens.

Au plus tard au printemps de 1890, Courtney reçut de son ministre, George Eulas Foster*, l’ordre d’abandonner une bonne partie de ses propositions, mais il trouva un moyen de rendre le système bancaire plus soucieux des exigences de son département. Walker avait regroupé des banquiers à Toronto sous l’égide du Bureau de commerce ; il l’encouragea à se joindre à Hague de Montréal. En décembre 1891, ils formèrent l’Association des banquiers canadiens [V. sir Edward Seaborne Clouston]. Courtney, qui exercerait une influence considérable par l’entremise de cette association, la voyait comme un moyen de mettre fin à la « concurrence malsaine » à laquelle on attribuait la faiblesse du système bancaire et les retraits faits dans les dépôts des banques d’épargne des succursales de la Post Office Savings Bank à la fin des années 1880.

En 1891–1892, Courtney et Hague eurent à nouveau l’occasion de travailler ensemble, en l’occurrence dans une commission royale d’enquête sur la fonction publique fédérale. Toujours dans le cadre de commissions, Courtney enquêterait en 1897 sur la conservation des archives publiques [V. Douglas Brymner*] et en 1903 sur les méthodes comptables départementales et des malversations au département de la Milice et de la Défense. Cette dernière commission s’attira les foudres du vérificateur général John Lorn McDougall*, dont elle critiqua le bureau et qui était en froid avec Courtney depuis longtemps.

Courtney demeurait le type même du fonctionnaire dévoué : il scrutait les prévisions, dressait les comptes publics et résistait aux énormes pressions exercées sur lui par des membres du gouvernement pour qu’il autorise des dépenses. Sa fermeté était bien connue. En 1896, au cours d’une rencontre à la résidence du gouverneur général, lady Aberdeen [Marjoribanks*] lui avait discrètement montré des procès-verbaux du Conseil du Trésor et demandé si lord Aberdeen [Hamilton-Gordon*] devait les signer. Sir Joseph Pope* a raconté, au sujet de cet épisode révélateur : « [Courtney], un gentleman plutôt colérique en toutes circonstances [et] un radical doté d’un sens aigu de l’honneur, était furieux d’avoir été mis dans la confidence et a fait comprendre à la dame que, premièrement, elle n’aurait jamais dû voir ces procès-verbaux et que, deuxièmement, si lord Aberdeen avait le moindre doute sur l’à-propos des recommandations qui y figuraient, il devait consulter son premier ministre [...] et non un fonctionnaire permanent comme lui. »

Durant plusieurs années, Courtney fut administrateur délégué de la Civil Service Building and Savings Society. Diverses œuvres philanthropiques bénéficièrent de son zèle, dont l’Associated Charities of Ottawa et le Fonds patriotique canadien. Créé en 1897 compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en reconnaissance de son travail comme trésorier de l’Indian Famine Relief Fund au Canada, il reçut en 1903 le titre de compagnon de l’ordre du Service impérial. Bien qu’il ait pris sa retraite en 1906, il fut appelé l’année suivante à présider une autre commission royale d’enquête sur la réforme de la fonction publique. Le travail de cette commission, qui faisait écho à celle de 1891–1892, provoqua de vives réactions de la part de l’opposition conservatrice, qui accusa même Courtney, fort injustement, d’être à la solde des libéraux. Son rapport de 1908, qui recommandait des concours d’admission, traçait une nouvelle voie à la fonction publique en l’invitant à privilégier le professionnalisme non partisan, qui avait été le pivot de sa conception du fonctionnaire.

Toujours en 1908, John Mortimer Courtney siégea à la commission des champs de bataille de la province de Québec et fut trésorier honoraire du fonds d’acquisition. Anglican et membre du Rideau Club et du Royal Ottawa Golf Club, il resta actif dans la société d’Ottawa et ne démissionna de la présidence du Victorian Order of Nurses qu’en 1918, à l’âge de 80 ans. Décédé deux ans plus tard, il laissait dans le deuil son fils, Reginald Mortimer, ingénieur civil et commandant de milice réputé.

John A. Turley-Ewart

John Mortimer Courtney a rédigé avec Adam Shortt* l’article « Dominion finance, 1867–1912 » dans Canada and its provinces ; a history of the Canadian people and their institutions [...], Adam Shortt et A. G. Doughty, édit. (23 vol., Toronto, 1913–1917), 7 : 471–514.

AN, RG 19, 2802 ; 2807 ; 3196, dossier 12109.— AO, RG 80-5-0-7, vol. 6, f.26.— CIBC [Canadian Imperial Bank of Commerce] Arch. (Toronto), dossier concernant B. E. Walker.— Ottawa Evening Journal, 9 oct. 1920.— Michael Bliss, A living profit : studies in the social history of Canadian business, 1883–1911 (Toronto, 1974).— Canadian annual rev. (Hopkins), 1903, 1908.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Canadian who’s who (1910).— CPG, 1879, 1891.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— G. P. Gooch, Life of Lord Courtney (Londres, 1920).— J. E. Hodgetts et al., The biography of an institution : the Civil Service Commission of Canada, 1908–1967 (Montréal et Londres, 1972).— Joseph Pope, Public servant : the memoirs of Sir Joseph Pope, Maurice Pope, édit. (Toronto, 1960).— Norman Ward, The public purse : a study in Canadian democracy (Toronto, 1962).

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John A. Turley-Ewart, « COURTNEY, JOHN MORTIMER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/courtney_john_mortimer_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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