CROSSKILL (Croskill), JOHN, commandant de navire et propriétaire foncier, né en 1740 à Norwich, Angleterre, fils d’un constructeur de navires ; vers 1785, il épousa Charlotte Fillis, fille de John Fillis*, marchand de la Nouvelle-Écosse, et ils eurent sept enfants, puis en 1812 Frances Morrison, née Gidney ; décédé le 23 mai 1826 à Bridgetown, Nouvelle-Écosse.

John Crosskill fut élevé par une de ses tantes, à Londres, puis entra dans la marine marchande où, à l’âge de 30 ans, il était parvenu au rang de capitaine. Durant la guerre d’Indépendance américaine, il s’occupa du transport des troupes auxiliaires allemandes en Amérique du Nord, pour le compte de l’armée britannique. Au retour de la paix, il se rendit dans les Antilles ; il vécut à Nassau, aux Bahamas, et à Bridgetown, à la Barbade. Pendant son séjour aux Bahamas, il acquit des propriétés dans les îles Rum Cay, Andros et New Providence, ainsi que des bateaux, dont deux furent perdus dans des ouragans en septembre 1785 et en août 1787. Dans une requête qu’il présenta plus tard, il prétendit avoir rempli les fonctions de juge de paix et de maître de havre à Nassau, bien qu’on ne trouve pas de traces de ces nominations dans les archives. John Fillis, son beau-père, mourut en 1792, et Crosskill emmena sa famille à Halifax en juin 1793, pour prendre possession d’un « lopin de terre » légué à sa femme. Il s’agissait de la ferme de Henley, qui s’étendait sur 1 500 acres le long de la rivière Annapolis.

Crosskill était toujours en Nouvelle-Écosse, sans toutefois avoir encore décidé s’il allait s’y établir en permanence, quand, en février 1795, il se vit offrir par le lieutenant-gouverneur John Wentworth* le commandement de l’Earl of Moira, senau de 135 tonneaux armé de 14 canons, qui avait été construit l’année précédente pour le compte du gouvernement de la colonie. Crosskill, qui s’apprêtait alors à partir pour un voyage d’affaires aux Bahamas à bord d’un sloop qui lui appartenait, accepta volontiers et déclara plus tard : « Je n’ai pas hésité à accepter [cette] offre ; mon cœur a toujours battu fort pour la cause de mon pays, et à un poste d’une telle responsabilité, je ne doutais pas que cela soit tout à mon honneur et que je rende service à ma patrie. » Sous le commandement de Crosskill, décrit par Beamish Murdoch* comme « un pilote habile », l’Earl of Moira servit à protéger les pêches le long des côtes de la Nouvelle-Écosse et dans le golfe du Saint-Laurent, à convoyer des navires marchands jusqu’à Québec, à chasser les contrebandiers et à surveiller les corsaires. En outre, en août 1795, Wentworth rapporta que le bateau avait été d’un grand secours au lieutenant-gouverneur Francis Le Maistre* pour réprimer des émeutes entre Indiens et pêcheurs à Gaspé. Au début de 1796, Wentworth pourvut Crosskill de lettres de marque et, grâce à son faible tirant d’eau, l’Earl of Moira put poursuivre les corsaires en eau peu profonde. Crosskill réussit à capturer trois bateaux. Wentworth fit souvent son éloge, et, en janvier 1796, le duc de Portland, secrétaire d’État à l’Intérieur, reconnut que les services de Crosskill étaient « d’une grande utilité ».

En juin 1796, l’Earl of Moira fit voile pour Boston, transportant comme d’habitude un plein chargement de soldats du Royal Nova Scotia Regiment. Arrivés à destination, un certain nombre d’entre eux désertèrent et, au retour du bateau à Halifax, en juillet, on mit sur pied un tribunal militaire. Le 15, Wentworth informa Crosskill qu’on le relevait de son commandement, étant donné que la présence de soldats à bord du navire exigeait qu’un officier en assume la responsabilité. À la même occasion, le lieutenant-gouverneur exprimait son « entière approbation » pour la conduite de Crosskill. Dès le lendemain, celui-ci fut remplacé par le capitaine Jones Fawson, du Royal Nova Scotia Regiment.

Les raisons du congédiement de Crosskill demeurent quelque peu obscures. Le prince Edward* Augustus, commandant des forces de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, était convaincu que « la personne dont la désobéissance a[vait] entraîné cette désertion ne pouvait être punie autrement qu’en étant chassée du navire ». Mais Crosskill n’était pas à bord au moment où les soldats avaient déserté, et il avait destitué le lieutenant en second qui, par sa négligence, avait permis qu’un tel incident se produise. L’homme fut cependant réintégré plus tard. On sait par ailleurs que le prince était mécontent du fait que Crosskill avait autorité sur les officiers et les soldats à bord du bateau, et qu’il y avait des frictions entre Crosskill et les officiers, qu’il jugeait incompétents. Une tradition de famille veut que Crosskill ait désapprouvé la présence de la compagne du prince, Mme de Saint-Laurent [Montgenet], et qu’il ait interdit à sa femme de se rendre aux réunions mondaines auxquelles assistait Mme de Saint-Laurent. C’est peut-être parce qu’il voulait venger cet affront qu’Edward Augustus insista pour que le capitaine soit renvoyé. Quoi qu’il en soit, Crosskill ne réintégra pas ses fonctions. Dans une requête datée du 2 juillet 1796, il en appela de la décision auprès du duc de Portland, mais sans succès.

John Crosskill se retira alors dans la propriété de sa femme, au bord de la rivière Annapolis. L’endroit était situé à la limite navigable du cours d’eau et, sur le pont qui y était construit, passait la route reliant les cantons de Granville et d’Annapolis. Crosskill, qui voyait les avantages de l’endroit, avait longtemps voulu en faire l’emplacement d’une ville, mais, après la mort de Charlotte Crosskill en 1806, la propriété alla aux enfants, et ce ne fut qu’à l’automne de 1821 qu’il put détenir une participation majoritaire lui permettant de mener l’affaire. Il divisa alors le domaine en lots de ville et transféra le droit de propriété des rues au comté pour qu’elles deviennent des voies publiques permanentes. Par la suite, une communauté se forma rapidement et devint un centre d’activité pour les petits bateaux qui exportaient les produits de la région avoisinante. En 1823, plus de 100 bateaux vinrent y prendre des cargaisons et, en 1828, Thomas Chandler Haliburton* écrivait que le village comprenait 3 églises, 25 maisons, 12 entrepôts et 13 boutiques, et qu’il respirait « le confort et l’économie ». À l’occasion d’un dîner, le 15 février 1824, le nom de Bridgetown fut proposé et adopté. Crosskill avait fait baptiser ses enfants à l’église Mather, qui porte aujourd’hui le nom de St Matthew, à Halifax, et qui servait alors aux presbytériens et aux congrégationalistes, ce qui ne l’empêcha pas de donner à l’Église d’Angleterre un lot situé dans Bridgetown et de verser, avec sa deuxième femme, £30 pour la construction d’une église. Il semble qu’il fit sa dernière apparition en public lors du baptême du premier bateau à être lancé à Bridgetown, le 16 octobre de la même année. À son décès, il légua la plus grosse partie de ses biens à ses enfants.

Ethel A. Crathorne

PANS, MG 4, 46–47A.— PRO, CO 217/67 : 212–217 (mfm aux PANS).— E. R. Coward, Bridgetown, Nova Scotia : its history to 1900 ([Bridgetown], 1955), chap. 2.— Murdoch, Hist. of N.S., 3 : 140.— Seasoned timbers [...] (2 vol., Halifax, 1972–1974), 1 : 84–85.— John Irvin, « History of Bridgetown [...] », N.S. Hist. Soc., Coll., 19 (1918) : 31–51.— J. F. Smith, « Crosskill vs Kent », N.SHist. Quarterly, 2 (1972) : 269–281 ; « John Fillis, MLA », 1 (1971) : 307–323.

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Ethel A. Crathorne, « CROSSKILL (Croskill), JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/crosskill_john_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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