DESROSIERS, AUGUSTIN (il signait aussi Auguste), industriel, entrepreneur, architecte et homme politique, né le 31 janvier 1847 à Rivière-du-Loup (Louiseville, Québec), fils de David Desrosiers, tanneur, et de Marguerite Godin ; vers 1872, il épousa aux États-Unis Agnès Méthot, de Rivière-du-Loup, et ils eurent un fils et deux filles, puis le 23 février 1881, à Louiseville, Caroline Coulombe, et le couple eut un fils ; décédé le 13 mai 1927 à ce dernier endroit.

Augustin Desrosiers commence sa carrière comme apprenti menuisier chez Pierre Hamel, propriétaire de la boutique voisine de celle de son père, au village de Rivière-du-Loup. Au début des années 1870, Desrosiers quitte Rivière-du-Loup pour rejoindre Hamel à Syracuse dans l’État de New York. Puis, avec son frère aîné David, il part pour Westfield, au Massachusetts, où il travaille chez un facteur d’orgues. Desrosiers retourne dans son village natal en 1873. Il peut aussitôt mettre à contribution les connaissances qu’il a acquises aux États-Unis, puisque la fabrique le charge de la rénovation de l’orgue de l’église paroissiale, de l’agrandissement du jubé et de la construction d’un second au-dessus. En 1874, on fait appel à ses services pour l’érection, à Rivière-du-Loup, du couvent des Sœurs de l’Assomption de la Sainte Vierge [V. Edwige Buisson*], dont il dresse les plans. Afin de préparer les matériaux nécessaires à l’exécution de cet important contrat, Desrosiers ouvre, la même année, une manufacture de portes et de fenêtres à Rivière-du-Loup avec son frère David, sous la raison sociale d’A. Desrosiers et Frère.

D’autres travaux sont confiés à Desrosiers en 1878 : la construction de l’édifice du marché de Rivière-du-Loup, de la maison de la veuve d’un médecin et la réalisation des plans d’un hôtel. L’entrepreneur décide alors d’accroître et de diversifier ses activités. Cette année-là, il fait ériger, avec son frère, un moulin à scie auquel sont annexés une manufacture de portes et de fenêtres et un moulin à planer. Une machine à vapeur assure le fonctionnement intégré des différentes composantes du complexe industriel, situé au sud du village, en bordure de la rivière du Loup. La rentabilité de l’entreprise A. Desrosiers et Frère semble assurée, car la scierie de la Hunterstown Lumber Company, le plus grand équipement de production de la paroisse, a fermé ses portes depuis peu, en raison de la crise économique qui secoue les activités liées à l’exploitation forestière. Les entrepreneurs espèrent ainsi accaparer le marché local de la matière ligneuse, auparavant détenu par la firme américaine.

Une suite d’événements vient cependant assombrir les visées de Desrosiers. En 1878, son fils et sa fille aînée décèdent, puis, le 26 juillet 1879, son épouse. Moins d’un mois après le décès de cette dernière, il doit déclarer faillite, malgré l’appui financier de son père et de ses cousins Odilon et Agapit Desrosiers dont il a bénéficié au cours de l’été de 1879. Déterminés, Augustin et son frère concluent un arrangement avec leurs créanciers à la fin de l’année 1879. Encore une fois, le père prête main-forte à ses fils en se portant garant du remboursement de leurs dettes. Finalement, le syndic leur rétrocède leurs biens le 2 janvier 1880. Mais Augustin n’est pas au bout de ses peines. Entre 1880 et 1883, trois personnes intentent des actions contre lui pour le paiement de dettes. En 1881, la poursuite de Léon Thérien, cultivateur de Louiseville qui a vendu les terrains sur lesquels le complexe industriel des Desrosiers a été construit, a même pour conséquence, en juillet de la même année, sa vente aux enchères à la porte de l’église. Les deux frères conservent toutefois leur manufacture de portes et fenêtres construite en 1874.

Quelques années plus tard, Desrosiers se lance dans d’autres projets qui ne se concrétisent pas tous. En 1887, Desrosiers contracte deux emprunts totalisant 3 000 $ auprès de la corporation municipale de Louiseville et un autre de 800 $ auprès de son père afin de faire bâtir une nouvelle manufacture de portes et de fenêtres. On y construit aussi des orgues pour des églises de la province de Québec, de l’Ontario et des États-Unis. Cette manufacture, où, en 1891, travaillent six employés, ne cessera ses activités qu’après le décès de son fondateur. En 1892, Desrosiers implante une fabrique d’allumettes à Louiseville, la Montreal Match Company, avec quatre autres entrepreneurs. Des tiraillements au sein de la direction provoquent la liquidation de l’entreprise avant même le début de la production. En marge de ses activités industrielles, Desrosiers continue d’exécuter des contrats de construction. Entre 1890 et 1896, il construit une autre manufacture d’allumettes, un hôtel, un collège à Louiseville, une église anglicane à Sainte-Ursule, et deux presbytères, l’un à Louiseville, l’autre à Saint-Jérôme. Entre 1900 et 1912, il établit avec des partenaires deux bureaux de vente d’assurances à Louiseville. Jouissant de l’estime de ses concitoyens, Desrosiers porte l’écharpe de maire à Louiseville au cours de l’année 1902–1903. Pendant son mandat, il poursuit la politique de promotion industrielle de ses prédécesseurs.

Augustin Desrosiers se révèle un bel exemple du dynamisme des hommes d’affaires canadiens-francais. Fort de l’expérience acquise dans un environnement familial marqué par la présence de plusieurs artisans, il a mis sur pied quelques-uns des plus importants établissements industriels de Louiseville dans le dernier quart du xixe siècle. Mais son ardeur et son dynamisme se sont heurtés au contexte économique difficile et à des problèmes de financement. Ne pouvant obtenir l’appui des banques, Desrosiers, comme tant d’autres industriels francophones de la province, a dû contracter des emprunts auprès de particuliers avec des garanties hypothécaires. Ce mode de financement réduit beaucoup la marge de manœuvre d’un entrepreneur et ne permet pas une planification à long terme. Le cheminement de Desrosiers montre également le rôle central de la famille au sein de l’entreprise. Au moment de former une compagnie et de trouver du capital, Desrosiers s’est d’abord tourné vers sa famille.

Jocelyn Morneau

ANQ-MBF, CE401-S15, 31 janv. 1847, 23 févr. 1881 ; CN401-S106, 11 mai 1878 ; TP11, S3, SS2, SSS1, dossiers 67 (1879), 10 (1880), 566 (1893) ; SS20, SSS48.— Arch. paroissiales, Saint-Antoine-de-Padoue (Louiseville), RBMS, 1927.— BAC, RG 31, C1, 1851, 1861, 1871, Rivière-du-Loup (Louiseville), Québec.— Le Courrier de Maskinongé (Louiseville), 1878–1879.— L’Écho de Louiseville (Louiseville), 1895–1896.— Le Journal des Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec), 1874.— Germain Lesage, Histoire de Louiseville, 1665–1960 (Louiseville, 1961).— Jocelyn Morneau, « Louiseville en Mauricie au xixe siècle : la croissance d’une aire villageoise », RHAF, 44 (1990–1991) : 223–241 ; Petits Pays et Grands Ensembles ; les articulations du monde rural au xixe siècle : l’exemple du lac Saint-Pierre (Sainte-Foy, Québec, 2000).— Québec, Parl., Doc. de la session, rapport du secrétaire et registraire de la province de Québec, 1892.

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Jocelyn Morneau, « DESROSIERS, AUGUSTIN (Auguste) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/desrosiers_augustin_15F.html.

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Auteur de l'article:    Jocelyn Morneau
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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