Provenance : Lien
FESSENDEN, Reginald Aubrey, enseignant, ingénieur électricien, professeur d’université et inventeur, né le 6 octobre 1866 à Bolton-Est (Austin, Québec), fils aîné d’Elisha Joseph Fessenden, diacre de l’Église d’Angleterre, et de Clementina Trenholme* ; le 21 septembre 1890, il épousa à New York Helen May Trott (décédée en 1941), et ils eurent un fils ; décédé le 22 juillet 1932 à Hamilton, Bermudes.
Du côté paternel, Reginald Aubrey Fessenden descendait de puritains de la Nouvelle-Angleterre et de loyalistes. Sa mère, ultérieurement membre éminente du mouvement impérialiste, était la petite-fille d’immigrants du Yorkshire, en Angleterre. En 1867, Elisha Joseph Fessenden fut ordonné prêtre ; avec sa famille, il déménagea souvent, car il accepta des pastorats à Bolton Centre, au Québec, ainsi qu’à Albion, Fergus et Clifton (Niagara Falls), en Ontario, avant de s’installer définitivement à Chippawa, près des chutes du Niagara. Des années plus tard, Reginald Aubrey attribuerait son succès d’inventeur à ses ancêtres et à son éducation au Canada. Convaincu que la race et les gènes déterminaient le talent pour l’invention, il avait le sentiment que la vallée de la rivière Grand, en Ontario, où il passa une partie de son enfance, et où Thomas Alva Edison et Alexander Graham Bell* avaient mené leurs premières expériences, jouissait d’un climat idéal pour stimuler l’esprit inventif. Son oncle Cortez Smith Fessenden, professeur de physique et auteur qui vivait à Peterborough, compta parmi les premières personnes qui l’influencèrent ; tous deux resteraient en contact de nombreuses années après le départ de Reginald Aubrey. Sa mère laissa manifestement son empreinte sur ses opinons politiques ; bien après avoir émigré aux États-Unis, il continua d’afficher ouvertement sa foi en une Angleterre élargie, soit une union plus étroite entre l’Angleterre et les colonies où s’étaient installés les sujets britanniques. Deux ans avant sa mort, Fessenden rédigerait une brochure intitulée The founding of Empire Day […] (parue à Hamilton, probablement en 1930), dans laquelle il soulignait la réussite de sa mère, qui parvint à faire reconnaître officiellement une journée annuelle de célébration du patriotisme impérial.
Fessenden fit ses études primaires au DeVeaux College de Suspension Bridge (Niagara Falls), dans l’État de New York, et entra en 1877 à la Trinity College School de Port Hope, en Ontario. À l’automne de 1884, il s’inscrivit à l’alma mater de son père, le Bishop’s College de Lennoxville (Sherbrooke), qu’il quitta pour des raisons financières après une année seulement ; durant ce séjour au Québec, il enseigna les mathématiques et d’autres matières à la Bishop’s College School. À la recherche d’un travail, il accepta le poste de directeur au Whitney Institute, école intermédiaire à Smith’s Parish, dans les Bermudes. Il maintiendrait des liens avec son pays natal en y revenant pour rendre visite à sa famille et y offrir un certain nombre de courtes consultations. Pendant quelques années entre 1890 et 1900, il ferait don d’une bourse en mathématiques à la Trinity College School ; dans sa correspondance avec Charles James Stewart Bethune, directeur de l’établissement, il exprimerait son aversion pour les États-Unis. Toutefois, il n’habiterait plus jamais au Canada de façon permanente.
En 1886, après une seule année dans les Bermudes, Fessenden partit vivre à New York dans l’espoir de meilleures perspectives d’emploi. Il travailla peu de temps comme journaliste avant d’être engagé par l’une des sociétés d’Edison, afin d’aider à l’installation de lignes électriques dans la ville. En dépit du fait qu’il n’avait aucune formation spéciale en sciences appliquées ou en ingénierie, on le nomma, à la fin de l’année, chimiste en chef au laboratoire Edison de West Orange, dans le New Jersey, où il noua une importante relation professionnelle et personnelle avec le chef électricien d’Edison, Arthur Edwin Kennelly. Ensemble, ils étudièrent la cohésion et l’élasticité de divers matériaux, dans le but de mettre au point un isolant ininflammable pour les fils électriques. Les problèmes financiers d’Edison interrompirent les recherches de Fessenden ; en 1890, il alla travailler pour la United States Company, filiale du principal compétiteur d’Edison, la Westinghouse Electric Company, où il poursuivit ses explorations sur la cohésion et l’élasticité.
Fessenden laissa tomber la Westinghouse Electric Company en 1892, pour devenir le premier professeur de génie électrique de la Purdue University à West Lafayette, dans l’Indiana. L’année suivante, il accepta une charge de professeur de génie électrique à la Western University of Pennsylvania d’Allegheny City (Pittsburgh). Son ex-employeur, George Westinghouse, avait joué un rôle prépondérant dans son embauche : il l’avait recommandé à l’université et avait conservé ses services à titre de consultant afin de contribuer à son salaire et de l’encourager à déménager.
Pendant qu’il enseignait dans ces deux universités, Fessenden explora divers sujets de recherche, dont les rayons X, la microphotographie et l’électricité. En 1899, il inventa un moyen de détecter les tireurs d’élite qui utilisaient de la poudre sans fumée ; cette technologie piqua la curiosité de l’armée américaine, qui commanda les lunettes de protection et les jumelles requises pour effectuer des tests sur le champ de bataille dans les Philippines pendant la guerre hispano-américaine. À la même époque, Fessenden se mit à s’intéresser encore plus particulièrement à la télégraphie, conventionnelle et sans fil, et entretint une correspondance soutenue avec le physicien irlandais George Francis Fitzgerald sur l’émission et la réception d’ondes hertziennes.
Fessenden quitta le milieu universitaire au printemps de 1900 et, par la suite, selon sa femme, « l’invention devint sa profession ». Sous les auspices du United States Weather Bureau, qui cherchait une manière d’acheminer les bulletins météo aux bateaux en mer, il commença à faire des expériences dans le Maryland et, l’année suivante, en Caroline du Nord sur la transmission de la voix humaine par modulation d’amplitude. Il jugeait nécessaire d’apporter plusieurs améliorations aux appareils radio de l’époque. Pendant les deux années qu’il passa au United States Weather Bureau, il conçut le démodulateur à fil chaud, qui permettait la syntonisation de transmissions radioélectriques, et l’alternateur à haute fréquence, qui générait des ondes radio à des fréquences de 80 à 100 kHz. Il fit aussi la découverte du principe de l’hétérodyne, c’est-à-dire le mélange de signaux produits par le récepteur et l’émetteur qui crée les battements audibles nécessaires à la reproduction de la voix. Fessenden réalisa la première transmission de la voix par radio en décembre 1900 et, moins de deux ans plus tard, prétendit avoir diffusé des notes de musique entre les villes de Hatteras et de Manteo, en Caroline du Nord, distantes de 50 milles environ. Après une dispute avec le directeur du bureau de météorologie, Willis Luther Moore, qui cherchait à prendre possession de ses brevets, Fessenden démissionna en septembre 1902 et fonda, en novembre de la même année, la National Electric Signalling Company avec Thomas H. Given et Hay Walker, capitalistes de Pittsburgh. Cette relation d’affaires ne durerait que quelques années, mais, à court terme, la collaboration lui permit de poursuivre ses recherches. En 1908, devant l’American Institute of Electrical Engineers, il raconta qu’avant la fin de 1903, il avait obtenu une « voix plutôt satisfaisante », quoique fortement parasitée. Il ajouta que dès l’automne 1906, il réalisait des transmissions sur une distance de 25 milles, et que le 11 décembre de la même année, il avait démontré la faisabilité d’intégrer la radiotéléphonie au réseau téléphonique. La radiotéléphonie, avançait-il, serait particulièrement utile aux petites compagnies de téléphone indépendantes, car elle leur permettrait de soutenir la concurrence sur le marché des services interurbains, monopolisé par la Bell Telephone Company, sans devoir investir dans d’onéreux droits de passages et coûts d’installation de lignes. Il annonça également qu’en novembre et décembre 1906, il avait transmis avec succès la « parole téléphonique » d’un bout à l’autre de l’océan Atlantique entre une station de Machrihanish, en Écosse, et le laboratoire qu’il avait mis sur pied à Brant Rock (Marshfield), dans le Massachusetts, à l’été de 1905.
Fessenden avait apporté sa seule contribution directe à l’avancement technologique du Canada entre 1903 et 1906, à titre de membre technicien de l’Ontario Power Commission. Celle-ci, présidée par Elias Weber Bingeman Snider*, et dont Adam Beck* était l’un des commissaires, fut créée en 1903 par un consortium de municipalités du sud de l’Ontario afin d’examiner la possibilité d’établir à Niagara Falls une installation hydroélectrique qu’elles exploiteraient elles-mêmes. Les Montréalais Robert Alexander Ross et Henry Holgate exécutèrent la plus grande partie de l’évaluation technique du projet en sous-traitance, tandis que Fessenden fournit une série de rapports spéciaux. Au mieux, ce dernier entretenait des opinions contradictoires quant à l’étatisation des services d’électricité, mais il adhéra tout de même au plan proposé. Il rejeta aussi les craintes de ceux qui souhaitaient préserver les chutes pour leur valeur esthétique, affirmant que de ne pas réaliser le projet équivalait à imposer une taxe aux citoyens de l’Ontario et de l’État de New York, qui avaient le droit inné de bénéficier d’une hydroélectricité à bas prix. Durant de nombreuses années après la soumission du rapport de la commission en 1906, Fessenden maintiendrait un intérêt pour la production d’électricité. En 1909, il retourna au Canada pour étudier le potentiel des marées dans la baie de Fundy. Il conclut à la viabilité d’une centrale marémotrice d’un point de vue technique ; le projet ne vit jamais le jour à cause de la faible demande locale en électricité.
À la fin de la décennie, la relation entre Fessenden et la National Electric Signalling Company s’était dégradée. En 1911, il entama une longue bataille juridique contre les investisseurs Given et Walker au sujet de la propriété de ses brevets. Fessenden les décrivit comme « deux hommes de Pittsburgh qui faisaient plus ou moins carrière en abusant de malheureux inventeurs ». La société, mise sous séquestre pendant quelques années, fut finalement vendue en 1917. Les revendications de Fessenden ne seraient satisfaites qu’en 1928. Entre-temps, il réorienta ses recherches de la transmission radioélectrique vers la télégraphie et le repérage sous-marins. En 1912, il avait commencé une longue affiliation professionnelle avec la Submarine Signal Company de Boston et, en partant de son travail sur la production d’ondes radio par oscillation à haute fréquence, il créa l’oscillateur Fessenden fonctionnant sous l’eau. La société lança immédiatement le produit sur le marché de la télégraphie, mais hésitait à exploiter son potentiel de détection des icebergs et des sous-marins. Courageux dans l’adversité et apparemment toujours un loyal sujet britannique, Fessenden se rendit à Ottawa en août 1914 afin d’offrir ses services à l’armée canadienne, puis à Londres peu après pour tenter d’intéresser l’Amirauté à son détecteur de sous-marins. Tout cela en vain. Après le début de la Première Guerre mondiale, il s’enrôla dans la United States Naval Reserve Force. Il ne fit pas de service actif ; il poursuivit plutôt ses recherches en détection sous-marine. En 1923, la Submarine Signal Company fabriqua enfin pour la vente un sondeur à ultrasons doté de l’oscillateur Fessenden. À ce moment-là, ce dernier avait quitté la société ; il avait démissionné en 1921 à la suite d’un désaccord sur certaines pratiques de gestion. En octobre 1929, grâce au sondeur à ultrasons et aux appareils connexes qu’il avait inventés quand il était à l’emploi de l’entreprise, Fessenden se vit décerner, pour sa contribution à la sécurité marine, la neuvième médaille d’or du Scientific American de New York.
Pendant les années 1920, Fessenden continua de produire des inventions à une allure vertigineuse. Il créa un violon et un piano « parlants ». Juste avant sa mort, il essayait de trouver un moyen d’éliminer les parasites des radiodiffusions. Il poursuivit aussi son combat pour conserver la propriété de ses brevets, et obtint un règlement important de Given et de Walken en 1928. De plus, il commença à étudier l’histoire du monde biblique et du déluge racontée dans le livre de la Genèse. Son intérêt se traduisit par plusieurs publications. En 1923, après que les presses universitaires en eurent rejeté le manuscrit, il fit paraître la plus détaillée, The deluged civilization of the Caucasus isthmus, à Boston, à compte d’auteur. Dans cet ouvrage et dans ses volets subséquents, que publia Fessenden en 1927, puis son fils à titre posthume en 1933, il essayait de situer les lieux bibliques dans le Caucase, prétendue terre natale de la race hyperboréenne mentionnée dans la mythologie grecque, dont il vanta l’inventivité dans son autobiographie parue en 1925. Franc-maçon depuis 1899, il avança également des hypothèses sur les origines égyptiennes de l’association, en s’appuyant sur son interprétation de l’écriture hiéroglyphique. Au milieu de conjectures reposant sur des références bibliques et des histoires au sujet de l’île légendaire d’Atlantide, il réitérait ses opinions sur l’invention, les ressources naturelles, le gouvernement et la taxation. Il continuait de prétendre que les inventeurs, qui déterminaient les moyens avec lesquels on pourrait exploiter les ressources naturelles, constituaient la seule vraie richesse d’une nation. Il pestait autant contre les sociétés privées que contre les organismes gouvernementaux qui, selon lui, nuisaient à l’inventivité au lieu de l’encourager. Certains de ses exemples provenaient de la carrière d’Edison et des pionniers de l’aviation Wilbur et Orville Wright ; Fessenden consacra toutefois bien plus de pages à ses propres tentatives de susciter l’intérêt du gouvernement et d’entreprises privées pour ses inventions sans fil et sous-marines, signe de l’amertume laissée par des années de batailles juridiques. Il s’installa dans les Bermudes en 1928 et acheta une propriété appelée Wistowe, où il mourut d’une crise cardiaque en 1932.
La contribution de Reginald Aubrey Fessenden à l’avancement de la radioélectricité est manifeste et reconnue par la plupart des experts en la matière. Elihu Thomson, célèbre ingénieur électrique et industriel américain, laissa entendre que le travail de Fessenden dans le domaine des radiocommunications dépassait en importance celui de l’inventeur italien Guglielmo Marconi. Pendant sa carrière, Fessenden publia plus de 150 articles scientifiques et breveta environ 230 inventions, surtout en signalisation électromagnétique, mais aussi dans des domaines aussi divers que l’énergie solaire, la production de livres et de cuir, et le stationnement automobile. L’incidence de la création de la téléphonie et de la radio sans fil sur l’histoire du Canada est profonde : le triomphe de la technologie sur la distance en constitue effectivement un thème important. Néanmoins, l’influence directe de Fessenden sur l’avancement du pays se limita à sa courte collaboration avec l’Ontario Power Commission ; il entretint avec le Canada des liens plus familiaux et émotionnels que professionnels. Même si de nombreux auteurs, et Fessenden lui-même, soulignèrent ses racines canadiennes, l’inventeur ne mena aucune de ses expériences importantes en sol canadien. Son unique biographe universitaire l’associe d’ailleurs à la Caroline du Nord, où il exécuta la majorité de son travail révolutionnaire en téléphonie sans fil, et non à son pays natal. La carrière de Fessenden illustre ainsi parfaitement la thèse que John James Brown évoqua en 1967 sur l’histoire de la technologie canadienne, selon laquelle les inventeurs nés au Canada furent contraints de poursuivre leur profession en dehors du pays, plus particulièrement aux États-Unis, par manque d’équipement et de financement dans leur patrie.
L’allocution de Reginald Aubrey Fessenden à l’American Instit. of Electrical Engineers, intitulée « Wireless telephony », a paru dans Trans. (New York), 27 (1908) : 553–629. On trouvera une liste de ses ouvrages dans la biographie écrite par sa femme : H. M. [Trott] Fessenden, Fessenden : builder of tomorrows (New York, 1940). Quelques titres omis dans la publication précédente figurent dans A new bibliography of Reginald A. Fessenden, D. W. Kraeuter, compil. (Washington, Pa, 1993), qui comporte également une bibliographie des écrits secondaires sur sa vie et sa carrière. D. W. Kraeuter, The U.S. patents of Reginald A. Fessenden : a list of titles, numbers, and dates with a title index (Washington, 1990) est une compilation de ses brevets.
BAC, R1649-0-3 (mfm).— J. J. Brown, Ideas in exile : a history of Canadian invention (Toronto, 1967).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— M. L. Everette, « Reginald Aubrey Fessenden, American communications pioneer » (mémoire de m.a., North Carolina State Univ. at Raleigh, 1972).— E. A. Fessenden, The Fessenden family in America, M. E. [Fessenden] Washburn, édit. ([Vestal ?, N.Y.], 1971).— G. L. Frost, « Inventing schemes and strategies : the making and selling of the Fessenden oscillator », Technology and Culture (Baltimore, Md), 42 (2001) : 462–488.— Ontario Power Commission, Official report ([Toronto, 1906]).
Forrest D. Pass, « FESSENDEN, REGINALD AUBREY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fessenden_reginald_aubrey_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/fessenden_reginald_aubrey_16F.html |
Auteur de l'article: | Forrest D. Pass |
Titre de l'article: | FESSENDEN, REGINALD AUBREY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2020 |
Année de la révision: | 2020 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |