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FORRESTER, ALEXANDER, ministre presbytérien et éducateur, né en Écosse en 1805 ; il épousa, en 1841, Margaret Tweddale Davidson, qui mourut en 1861 ; décédé le 20 avril 1869, au cours d’un séjour à New York, et inhumé à Truro, Nouvelle-Écosse. Trois filles et un fils lui survécurent.
Alexander Forrester fit ses études à l’University of Edinburgh entre 1821 et 1825. Par la suite, il occupa plusieurs postes de conseiller scolaire tout en poursuivant des études en théologie dans l’Église d’Écosse durant les années paisibles de l’éminent théologien et leader social, Thomas Chalmers. Forrester reçut l’autorisation de prêcher en 1831, fut ordonné en 1835 par le consistoire de Wigtown et nommé ministre adjoint dans la paroisse de Sorbie dans le Galloway. Pendant huit ans il fit du ministère à Sorbie et dans la localité voisine de Garlieston en qualité d’adjoint au révérend Elliott Davidson, dont il épousa la fille.
En 1843, Forrester et de nombreux membres de la congrégation de Sorbie se rallièrent au groupe qui, sous la direction de Chalmers, se sépara de l’Église établie. Peu après, Forrester fut installé premier pasteur de l’Église Free Middle de Paisley. La région industrielle offrait un champ plus vaste à ses goûts pour l’évangélisation et l’enseignement, ce qui l’amena à fonder beaucoup d’écoles et de dessertes. Il était particulièrement conscient des besoins de la classe ouvrière, mais les membres plus fortunés de la congrégation ne partageaient pas son zèle.
En 1848, son collègue, le ministre John Macnaughton, de l’Église Free High de Paisley, revint de la Nouvelle-Écosse avec des nouvelles encourageantes sur la possibilité d’y établir un collège d’enseignement de la théologie. Avec quatre jours d’avis seulement, Forrester offrit spontanément de faire le voyage à Halifax. Arrivé le 30 janvier 1848, un dimanche, il se rendit directement du port à l’église St John pour y célébrer l’office du matin. En sa qualité de représentant du Colonial Committee of the Free Church, Forrester resta six mois en Nouvelle-Écosse, partageant son temps entre son ministère à St John et la supervision du collège de la Free Church à Halifax. Avec une énergie et un zèle infatigables, il célébrait trois offices le dimanche, prononçait des conférences trois soirs par semaine et donnait chaque jour quatre heures de cours de logique, de psychologie, de latin et de grec aux étudiants du collège de la Free Church et à leurs cadets de la Halifax Academy, de la même Église. Le 4 mai, le premier jour des vacances, il entreprit de faire le tour de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick dans le but de recueillir des fonds pour doter le collège.
Il repartit pour l’Écosse le 24 juin, mais son zèle missionnaire avait été stimulé et il répondit à l’appel de l’église St John qui le priait de revenir comme pasteur. De retour à Halifax le 18 octobre, il fut installé le 16 novembre et, le 1er janvier 1849, posa la première pierre de l’église Chalmers, édifice de style gothique que la congrégation de St John inaugura le 14 octobre 1849. Jusqu’en 1855, Forrester servit également son Église en effectuant de nombreux voyages en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et aux Bermudes, dans le but de réunir les fonds nécessaires au collège et à l’établissement de missions au pays, et pour combler des postes vacants.
Au cours de la même période, il publia souvent des articles, anonymes pour la plupart, dans le Presbyterian Witness, portant sur l’Église au pays et à l’étranger, l’instruction, les sciences et l’agriculture. Il rejoignait d’autres auditoires grâce aux conférences sur la botanique, la géologie, la philosophie de la nature et les prophéties bibliques qu’il prononçait devant les membres du Halifax Mechanics’ Institute (dont il fut le président de 1852 à 1854), les jeunes gens de sa congrégation et ceux de la Young Men’s Christian Association (fondée en 1854), et devant une assistance plus vaste dans les salles publiques de la ville. Ses tendances vers un protestantisme non confessionnel s’exprimaient par sa participation à la Nova Scotia Bible Society, la Micmac Missionary Society et la Sabbath Alliance, et aux réunions de prières, tandis que son ardeur pour la chose publique se traduisait par l’acceptation de responsabilités importantes lors des expositions industrielles et agricoles, ainsi que lors des expositions parrainées par la société d’horticulture de la ville, dont il était le secrétaire correspondant.
L’intérêt que portait Forrester au système d’enseignement de la Nouvelle-Écosse, qui allait par la suite devenir son principal souci, résultait de ses incessantes visites aux écoles de l’Église à Halifax et de la surveillance consciencieuse qu’il y exerçait, et également, mais de façon plus déterminante, de ses cinq années, de 1850 à 1855, comme commissaire d’école à Halifax. Forrester et son collègue, le commissaire John Sparrow Thompson, étaient chargés, en tant que membres constituants des différents comités, de la plupart des fonctions du conseil scolaire composé de neuf membres. Forrester y acquit une connaissance des écoles publiques de la ville qui l’amena à faire campagne pour l’obtention de meilleurs manuels, l’imposition de taxes foncières par la ville et la formation des enseignants. En 1854, on lui offrit le poste de surintendant de l’Éducation pour succéder à John William Dawson*. Forrester accepta, l’hiver suivant, après avoir résigné ses fonctions à l’église Chalmers, et fut également nommé principal de l’école normale provinciale que l’on projetait de fonder. Il commença par examiner les systèmes d’enseignement de la Nouvelle-Angleterre, de New York et du Canada au cours du printemps de 1855, et tint ensuite près de 50 réunions publiques à travers la province durant l’été, dans le but de stimuler l’intérêt à l’égard de la formation des enseignants.
Après des décennies de discussions portant sur la nécessité de former les enseignants, une école normale mixte ouvrit ses portes à Truro, le 14 novembre 1855, à une soixantaine d’étudiants. Depuis l’introduction de la méthode des moniteurs en Nouvelle-Écosse dans les années 1810, les directeurs des écoles avaient proposé divers projets pour l’établissement d’une école normale non confessionnelle. À Halifax, la Royal Acadian School, la National School et l’école dirigée par la Colonial Church and School Society furent les premières à s’occuper de la formation des enseignants. L’établissement fondé par les diplômés de la Glasgow Normal School, à Boularderie, dans l’île du Cap-Breton, poursuivait le même travail. C’est Dawson, toutefois, qui mena la campagne la plus efficace pour la fondation d’une école normale provinciale, et le gouvernement se chargea finalement de cette tâche après que Dawson, dégoûté par son peu de succès, eut donné sa démission. Par voie de conséquence, il revint à Forrester de présider à l’inauguration de l’établissement qu’avait demandé son prédécesseur : Peu après, il reçut un doctorat honorifique du collège presbytérien de Princeton, au New Jersey.
De 1855 à 1863, Forrester se plia à une discipline rigoureuse : pendant les deux sessions à l’école normale, il enseigna les sciences naturelles, la théorie et pratique de l’enseignement puis, durant les vacances d’avril et d’octobre, il inspecta les écoles de la province. Au cours de ces visites, il donnait des conférences sur l’enseignement et tenait des colloques d’enseignants. En 1857, les écoles modèles, ou d’exercice, groupant 200 élèves distribués dans les cours primaire, intermédiaire et supérieur, ouvrirent leurs portes sous sa surveillance à Truro. De 1858 à 1860, il édita, finança et en grande partie rédigea le Journal of Education and Agriculture for the province of Nova Scotia, un mensuel immensément riche d’information et d’une fort belle présentation. C’est l’importance qu’il accordait à l’agriculture dans le programme de l’école normale qui motiva sa nomination au poste de commissaire provincial de l’Agriculture de 1859 à 1863. Par la suite, il siégea ex officio au Central Board of Agriculture qui avait été rétabli. Il ne retourna en Europe qu’en 1863. Combinant alors vacances et travail, il visita des maisons de formation d’enseignants en Écosse, en Angleterre, en France et en Belgique.
Comme ceux de Dawson avant lui, ses rapports annuels en qualité de surintendant de l’Éducation préconisaient l’imposition de taxes foncières ainsi que la centralisation et l’inspection des écoles de la Nouvelle-Écosse. Il insistait autant sur la qualité que sur la quantité et, à cette fin, réclamait de meilleurs bâtiments scolaires, la division par années au primaire, à l’intermédiaire et au secondaire, et la reconnaissance des qualifications des enseignants par la délivrance d’un certificat et la majoration de la rémunération. Forrester était d’une nature très indépendante, comme l’illustre la publicité dont il entoura la pétition de près de 6 000 signatures qu’il adressa au gouvernement en 1862, réclamant l’imposition de taxes foncières comme seul moyen d’améliorer le système d’enseignement d’une province où l’analphabétisme restait largement répandu dans la population.
En 1864–1865, certaines améliorations que Forrester n’avait cessé de préconiser devinrent réalités avec l’adoption de la loi de Charles Tupper* instituant la gratuité de l’enseignement assurée par l’imposition de taxes foncières, une centralisation accrue et l’exercice d’un contrôle par un conseil d’Instruction publique et des inspecteurs d’écoles. Cependant, lors de la réorganisation, Forrester se trouva inopinément libéré de l’éminente fonction de surintendant. Il demeura principal de l’école normale jusqu’à sa mort, travaillant en parfaite intelligence avec le nouveau surintendant. Il eut désormais le temps de se consacrer à l’étude de ses spécimens d’histoire naturelle et de compiler les cours qu’il avait donnés à l’école normale en un manuel destiné aux enseignants, The teacher’s text book (1867).
Comme éducateur, Forrester fut davantage un vulgarisateur qu’un innovateur. Comme les libéraux de son époque, il croyait que l’instruction contribuait au progrès, à la prospérité, à la sécurité et à la moralité du pays. Sa conception de l’école et de la formation des enseignants s’inspirait de près des idées de David Stow telles que mises en pratique à la Glasgow Normal School, idées qui étaient fort répandues en Nouvelle-Écosse avant l’arrivée de Forrester. La méthode de Stow (dérivée de celle de Johann Heinrich Pestalozzi), que Forrester appelait « la méthode naturelle », mettait l’accent sur le développement de l’enfant sur les plans moral, intellectuel et physique, ces trois plans étant, selon Forrester, tout aussi interdépendants que le sont les règnes animal, végétal et minéral dans le domaine de la science. Son enthousiasme pour les sciences, en particulier l’horticulture et l’agriculture, explique la détermination qu’il mit à établir une ferme expérimentale dans l’établissement de Truro. Cette ferme était le précurseur du collège provincial de l’agriculture, mais la parcimonie du gouvernement local fit presque avorter l’entreprise durant le mandat de Forrester. Il ne réussit pas, non plus, à obtenir des subventions de ces mêmes autorités pour ses élèves, en sus de la gratuité de l’enseignement à l’école normale. Dans les premiers temps, Forrester assuma lui-même une bonne part des dépenses.
Ses contemporains reconnaissaient les louables efforts de Forrester pour la cause de l’instruction et son désintéressement dans l’accomplissement de ses tâches, mais ils le jugeaient cependant trop ambitieux dans ses projets d’école normale et quelque peu autocratique comme surintendant. Tant qu’il cumula les deux fonctions, on lui reprocha son absolutisme dans l’exercice du pouvoir. La séparation des deux fonctions, en 1864, constituait, au même titre qu’une réforme administrative, l’établissement d’un système d’équilibre des pouvoirs sous l’étroite surveillance du conseil d’Instruction publique nommé par le gouvernement.
À une époque où sévissait l’antagonisme sectaire et où la lutte entre catholiques et protestants s’était ravivée, Forrester eut inévitablement du mal à faire preuve d’une neutralité aussi stricte que celle qu’on pouvait attendre d’un fonctionnaire. Comme ministre ayant reçu les ordres de l’Église presbytérienne, secte énergique et numériquement prédominante en Nouvelle-Écosse, il était inévitable qu’on l’accuse de fanatisme et de partialité ; en outre, comme « étranger » on pouvait lui reprocher de ne pas connaître la province. Les catholiques se méfiaient de lui parce qu’il s’opposait à la promulgation d’une loi établissant les écoles séparées et utilisait la Bible dans l’éducation morale. Apparemment, Forrester fit certains efforts pour les apaiser, évitant de s’associer avec les groupements ultra-protestants, comme la Protestant Alliance fondée pour s’opposer à « l’agression papale » et à l’intransigeance des Irlandais de la région. Néanmoins, son anticatholicisme ne faisait aucun doute ; comme beaucoup de ses contemporains, en parlant de l’Église catholique, il employait souvent le terme « Homme de péché », et l’intérêt qu’il entretenait pour l’union protestante et la distribution de la Bible était en partie inspiré par l’utilité de ces mesures comme antidotes au romanisme. En même temps, des protestants appartenant à d’autres sectes critiquaient Forrester. Ils assimilaient l’école normale à un établissement presbytérien, d’autant plus qu’une écrasante majorité des étudiants appartenaient à cette confession. Parallèlement, ils interprétaient l’appui que Forrester accordait au Dalhousie College, que lui-même voyait comme un moyen de dispenser un enseignement libéral de haute qualité grâce à la concentration des ressources dans un établissement unique, vaste et richement doté, comme une attaque contre l’aide gouvernementale aux collèges confessionnels. C’est peut-être pour apaiser les autres protestants que Forrester se retira des assemblées de sa propre Église.
Pour compliquer encore les choses, Forrester appuyait carrément le parti libéral. Lorsque s’éleva le débat sur la question des écoles séparées et que les catholiques, au milieu des années 50, changèrent d’allégeance pour passer des rangs des libéraux à ceux des conservateurs dominés par les baptistes, la sympathie qu’éprouvait Forrester pour la cause des libéraux se transforma presque en une croisade religieuse. Sur le plan plus profane de la politique, ses machinations en coulisse ne réussirent pas à faire battre Charles Tupper dans le comté de Cumberland aux élections de 1857, et son congédiement par le chef du parti conservateur sept ans plus tard était amplement mérité. Ce n’est pas non plus par coïncidence qu’en 1864 Theodore Harding Rand, un subordonné, et par surcroît un baptiste et un laïc, lui succéda.
Ironiquement, la loi sur l’école gratuite, adoptée en grande partie grâce à ses efforts, non seulement éclipsa son rôle prépondérant dans l’enseignement, mais aussi de fait fit échouer virtuellement le collège de Truro en tant que maison provinciale de formation des enseignants. Par suite de la demande accrue d’enseignants provoquée par l’application de la nouvelle loi, Rand fut obligé d’approuver la délivrance d’un certificat qui, à toutes fins utiles, compromit sérieusement l’établissement de Truro en accordant à tous les diplômés des écoles secondaires le droit d’enseigner. Les déceptions que connaissait Forrester et aussi la prédilection qu’il conservait pour l’apostolat l’amenèrent à épouser la cause des missions étrangères, qui fit de grands progrès dans l’Église presbytérienne après l’union du synode de la Free Church et du synode de la Nouvelle-Écosse (Secession) en 1860. Toutefois, il n’osa pas, à cause de son âge, se porter volontaire pour les missions des mers du Sud, et continua de se dévouer dans le secteur déprécié de l’école normale, mais cela suffit apparemment à hâter la fin de cet Écossais autrefois si robuste.
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Judith Fingard, « FORRESTER, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/forrester_alexander_9F.html.
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Auteur de l'article: | Judith Fingard |
Titre de l'article: | FORRESTER, ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 1 déc. 2024 |