Titre original :  Portrait of Leo Frankel. [ca. 1920] Original photo by Dame, 330 1/2 Yonge St. Toronto.

Image provided by the Ontario Jewish Archives.

Provenance : Lien

FRANKEL, LEO, teneur de livres, marchand, manufacturier, réformateur social et philanthrope, né le 1er janvier 1864 à Biblis, Hesse (république fédérale d’Allemagne), fils aîné de Gottschall Fränkel et de Mina Mayer ; le 2 juillet 1890, il épousa à New York Helena (Lena) Mayer (1866–1923), et ils eurent trois fils, puis le 9 décembre 1924, dans le comté de Decatur, Géorgie, Gerty Wise Abrams, et le couple n’eut pas d’enfants ; décédé le 8 août 1933 à Toronto.

L’ouvrage de référence de l’historien Stephen A. Speisman, The Jews of Toronto : a history to 1937, comporte notamment une collection d’illustrations de scènes de rues, de synagogues, d’écoles et de leaders de la communauté. Parmi ces images se trouve un portrait soigneusement mis en scène, réalisé vers 1905, des fils de Leo et Helena Frankel : Roy Hecker, Egmont Lionel et Carl Milford. Contrairement à la famille plus pauvre de la photographie voisine, les Frankel arborent une apparence soignée et élégante. Ils sont représentatifs de la petite élite juive de Toronto au début du xxe siècle, dont les membres joueront un rôle de premier plan dans l’émergence de la ville comme centre commercial et industriel.

Leo Frankel grandit dans une ville allemande d’importance modeste. Son père, homme d’affaires, parcourait la campagne pour pratiquer le commerce du bétail. À l’âge de 16 ou 17 ans, Leo partit à la recherche de meilleures possibilités de carrière à New York, où il avait des relations familiales. Il y fit la connaissance de sa future femme Helena Mayer. En 1881, il s’installa à Toronto. Les motifs de cette décision restent obscurs, mais, à cette époque, la ville comptait une communauté juive peu nombreuse, où il pouvait établir des contacts. Il travailla comme teneur de livres à la Dominion Iron and Metal Company, où son frère Maurice le rejoignit bientôt à titre de commis. Les activités de l’entreprise se déroulaient dans un quartier juif, à l’intersection des rues Wellington et York, et ce fut à cet endroit que Leo et Maurice ouvrirent en 1886 la Frankel Brothers, commerce en gros de ferraille et de déchets de coton. Trois ans plus tard, la compagnie se déplaça rue George. Les sept autres enfants de la famille Frankel immigrèrent chacun à leur tour, mais la mère, Mina, n’arriverait qu’après la mort de son mari en 1918. Trois des frères mirent sur pied et exploitèrent la branche montréalaise de la firme. Avant 1907, le progrès à Toronto imposa un déménagement dans une zone industrielle, avenue Eastern. Au fil du temps, les Frankel achèteraient de petites fabriques de métal et d’acier, et se lanceraient dans des services de fonte et de démolition. Ils établirent des agences à New York ainsi qu’à Birmingham et Liverpool en Angleterre. En juin 1923, la Frankel Brothers fut constituée avec un capital d’un million de dollars.

Leo Frankel avait rapidement gagné en notoriété et en influence au sein de la communauté juive où figurait, parmi ses membres les plus en vue, la famille de Lewis Samuel*. Sigmund*, fils de Lewis, était un compatriote de Frankel et son concurrent dans l’industrie de l’acier. Leo et Lena inscrivirent leurs enfants à l’Upper Canada College, école privée prestigieuse de confession anglicane. Leur grande demeure de la rue Jarvis, achetée en 1908, témoignait également de leur ascension sociale. On avait construit le manoir de style néoroman en 1891 pour George Horace Gooderham*, qui travaillait à la distillerie fondée par son grand-père, William Gooderham*.

Frankel accéda à la présidence de la manufacture d’appareils électroménagers National Electric Heating Company Limited et siégea au Bureau de commerce de Toronto. Pendant des années, il s’intéressa aux affaires sociales et culturelles, notamment en dirigeant la Jewish Social and Literary Union. En 1925, il participa à la mise sur pied de l’Oakdale Golf and Country Club, et adhéra au Primrose Club dès sa création en 1907 sous le nom de Cosmopolitan Club. On constitua les deux regroupements à cause de l’interdiction, pour les Juifs, d’appartenir à des associations de la haute société anglo-saxonne.

Frankel apporta sa plus grande contribution à la vie juive de Toronto en présidant la Toronto Hebrew Congregation (Holy Blossom) de 1908 à 1927 : ce fut la plus longue présidence de l’histoire de l’organisme. Fondée en 1856 sous le nom de Toronto Hebrew Congregation (Sons of Israel) [V. Lewis Samuel], celle-ci avait établi sa synagogue rue Richmond en 1876. Pendant sa présidence, Alfred David Benjamin* organisa le déménagement de l’institution dans un édifice grandiose de style mauresque rue Bond en 1897, à une époque où les adeptes de la branche réformiste du judaïsme, plus libérale [V. Elias Friedlander*], remettaient en question l’orientation orthodoxe. Cette tendance s’accéléra pendant le mandat du rabbin Solomon Jacobs*, de 1901 à 1920. Le rabbin et le président négocièrent un équilibre délicat entre les deux groupes. Le conseil d’administration de Frankel comprenait des membres des familles en vue ainsi que l’éminent savant Edmund Scheuer*, surintendant de l’éducation à la synagogue. Sous la présidence de Frankel, le conseil supervisa la croissance de la congrégation, refinança l’édifice, ajouta une école du dimanche distincte et effectua des réparations dans le cimetière. Plus particulièrement, Frankel dirigea en 1920 la transition de la synagogue du judaïsme orthodoxe au judaïsme réformé. Quand la Holy Blossom célébra son soixante-dixième anniversaire, en 1926, on honora Frankel pour son dévouement et son leadership discret.

Pendant la Première Guerre mondiale, Frankel joua un rôle déterminant dans le succès de la Toronto and York County Patriotic Fund Association, créée en 1914 sous la présidence de sir William Mulock*, puis affiliée au Fonds patriotique canadien. Frankel compta parmi les membres fondateurs de la Federation of Jewish Philanthropies of Toronto, constituée en 1917 pour unifier plusieurs organismes caritatifs. Sa femme offrit également son concours à diverses initiatives : elle présida l’école religieuse de la synagogue, et s’engagea dans le travail de la Société canadienne de la Croix-Rouge et de la section torontoise du National Council of Jewish Women of Canada. Elle mourut en 1923 à l’âge de 56 ans. L’année suivante, Frankel épousa Gerty Wise Abrams. Elle devint veuve neuf ans plus tard, quand Frankel subit un accident vasculaire cérébral, précédé d’une longue maladie.

Les fils de Frankel, entrés dans l’entreprise après leurs études, changeraient son nom pour Frankel Steel Limited et créeraient la Frankel Steel Construction Limited. En 1961, ils vendirent l’exploitation vieille de 75 ans à un entrepreneur basé à Toronto. Après plus d’une décennie, elle passa aux mains d’une autre famille d’industriels de l’acier, dont les ancêtres juifs, installés à London à la fin du xixe siècle, avaient débuté dans le commerce de la ferraille comme les Frankel.

Leo Frankel vécut pendant la période où Toronto se transforma en un centre manufacturier et commercial de premier plan, et où sa population juive, augmentant de 500 personnes environ à 47 000, devint la minorité ethnoculturelle la plus considérable de la ville. Même si Frankel n’atteignit jamais la stature publique de certains de ses contemporains, dont l’industriel et mécène Sigmund Samuel, il contribua substantiellement au progrès économique de Toronto, et joua un rôle essentiel dans la création des organisations religieuses et philanthropiques juives. Cinq ans après sa mort, une brochure-souvenir, publiée à l’occasion de l’inauguration du nouveau Holy Blossom Temple rue Bathurst, le décrivit ainsi : « l’un des dirigeants les plus progressistes et actifs, non seulement de la communauté Holy Blossom, mais aussi dans toutes les affaires communautaires, juives et non juives, et l’excellente réputation de cette communauté, parmi toutes les classes de la population de Toronto, est en grande partie attribuable à son travail et à son dévouement pour celle-ci ».

Franklin Bialystok

Nous tenons à remercier Nancy Jean Draper, petite-fille de Leo Frankel, et sa fille, Paula Jean Draper, qui ont accepté de partager avec nous des documents de famille et de répondre à nos questions. Les Ontario Jewish Arch. (Toronto), 104 (Frankel and Draper family fonds), conservent des dossiers de la famille et des photographies, dont des images de la G. H. Gooderham house, rue Jarvis, à Toronto, où les Frankel ont vécu.

AO, RG 80-8-0-1405, no 005406.— Hessisches Landesamt für geschichtliche Landeskunde, « Jewish gravesites », grave no 1800, Fränkel, Gottschall (1918) – Alsbach : www.lagis-hessen.de/en/subjects/index/sn/juf (consulté le 4 janv. 2018).— Holy Blossom Temple (Toronto), Holy Blossom Congregation, minutes of the board of trustees, 1908–1928.— Canadian Jewish Rev. (Toronto), 23 févr. 1923.— Globe, 2 juin 1923, 9 août 1933.— Globe and Mail, 6 mars 1961, 16 oct. 1971, 14 sept. 1974.— Quebec Chronicle-Telegraph (Québec), 17 mars 1961.— Dedication souvenir to commemorate the opening of the new Holy Blossom Temple, Bathurst Street at Ava Road, Toronto ([Toronto, 1938]).— Bill Gladstone, A history of the Jewish community of London Ontario : from the 1850s to the present day (Toronto, 2011).— The Jew in Canada : a complete record of Canadian Jewry from the days of the French régime to the present time, A. D. Hart, compil. (Toronto et Montréal, 1926).— Benjamin Kayfetz et S. A. Speisman, Only yesterday : collected pieces on the Jews of Toronto (Toronto, 2013).— « The rise of the Toronto Jewish community, the reminiscences of S. M. Shapiro », Polyphony (Toronto), 6 (1984), no 1 : 59–64.— Louis Rosenberg, A study of the changes in the geographic distribution of the Jewish population in the metropolitan area of Toronto, 1851–1951 (Montréal, 1954).— S. E. Rosenberg, The Jewish community in Canada (2 vol., Toronto et Montréal, 1970–1971), 1.— S. M. Shapiro, The rise of the Toronto Jewish community (Toronto, 2010).— S. A. Speisman, The Jews of Toronto : a history to 1937 (Toronto, 1979).— G. [J. J.] Tulchinsky, Canada’s Jews : a people’s journey (Toronto, 2008) ; Taking root : the origins of the Canadian Jewish community (Toronto, 1992).

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Franklin Bialystok, « FRANKEL, LEO », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/frankel_leo_16F.html.

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Auteur de l'article:    Franklin Bialystok
Titre de l'article:    FRANKEL, LEO
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2024
Année de la révision:    2024
Date de consultation:    11 déc. 2024