GARNIER, CONSTANT, marchand et propriétaire de saloon, né en 1816 à Avranches, France ; il épousa Marie Christe, et ils eurent au moins six fils et quatre filles, puis une prénommée Mary Letitia, fille d’une dame Boutillier, de Sydney, Nouvelle-Écosse ; arrière-grand-père du leader syndical du xxe siècle Donald MacDonald* ; décédé le 6 octobre 1894 à Halifax.

Constant Garnier arriva à Terre-Neuve vers 1850. D’après la tradition locale, il tenait les livres de l’entreprise française de pêche de l’île Red, au large de la presqu’île de Port-au-Port. Quelque temps après, il se fixa à Sandy Point, dans la baie St George, où il ouvrit un commerce d’approvisionnement pour les pêcheurs et devint un personnage important de la communauté. De fait, Garnier connut une destinée équivalente à celle de son village d’adoption. À son arrivée, Sandy Point était en passe de devenir le principal centre commercial des pêches françaises et britanniques de ce qu’on appelait alors la côte française. À sa mort, l’endroit était déjà sur son déclin, qu’accéléreraient la construction du chemin de fer en 1898 et le règlement, en 1904, au bénéfice de la Grande-Bretagne, des revendications britanniques et françaises (les derniers résidents partirent vers la fin des années 1940).

Sandy Point ne ressemblait pas aux autres villages de Terre-Neuve, tant par ses origines que par son mode de développement. La population de ce village fondé par des Jersiais à la fin du xviiie siècle était beaucoup plus diversifiée que celle de n’importe quel autre établissement de l’île. On y trouvait des gens venus de la Nouvelle-Écosse (Micmacs, Acadiens, Écossais et Irlandais), de la province de Québec (anglophones et francophones), de France et de Saint-Pierre, en plus des Basques, des Irlandais, des Terre-Neuviens d’origine, et d’au moins un Italien, Antonio Nardini. On y parlait quatre langues – l’anglais, le français, le gaélique écossais et le micmac – et l’enseignement était dispensé en français et en anglais. Comme le reste de la côte ouest de Terre-Neuve, Sandy Point avait échappé à toute autorité civile jusqu’à la nomination d’un magistrat stipendiaire résidant en 1877. Les clergés anglican, catholique et méthodiste avaient cependant commencé à servir la région dans les années 1850.

Garnier prit une part active aux affaires de Sandy Point. En 1853, avec le père Alexis Bélanger*, il signa une demande pour obtenir l’argent nécessaire à la construction de l’église catholique. Après la mort de celui-ci à Sandy Point en 1868, il transféra ses restes à Saint-Roch-des-Aulnaies, dans la province de Québec ; des quatre laïques qui avaient participé à ces obsèques quelque peu inhabituelles, il était le seul à pouvoir signer le registre d’inhumation. Quand on nomma un magistrat stipendiaire à la baie St George en 1877, puis un agent des douanes l’année suivante, bien des gens s’opposèrent à ces changements, en particulier à la perception de droits de douane. Il semble cependant que Garnier ait fait bon accueil à l’établissement d’un gouvernement civil. Naturalisé sujet britannique en 1881, il affirmait à l’époque être le seul marchand de Sandy Point à acquitter les droits récemment imposés. Néanmoins, se plaignait-il, il n’avait pas obtenu de permis pour vendre de l’alcool.

L’année même où il fut naturalisé, Garnier perdit beaucoup d’argent : le feu détruisit sa maison de commerce de Sandy Point, perte estimée à 3 000 $. Dans le reportage sur l’incendie que publia l’Evening Telegram de St John’s, on put lire que Garnier était « le marchand fournisseur le plus important » de la baie St George. On raconte qu’il possédait cinq navires, commandés chacun par l’un de ses fils. Comme dans d’autres régions de Terre-Neuve, c’est sur la pêche que reposait toute l’économie de la baie St George mais, contrairement à ce qui se faisait ailleurs dans l’île, les marchands fournisseurs comme Garnier envoyaient les produits de la pêche à Halifax plutôt qu’à St John’s ou en Europe. À Halifax, Garnier achetait toutes sortes de marchandises, des aiguilles aux ancres marines. Il les faisait transporter à ses entrepôts de Sandy Point et les échangeait contre du poisson, des fourrures ou de la main-d’œuvre à l’entrepôt même, ou encore les expédiait par goélette vers des villages éloignés. Il importait également beaucoup de ce traditionnel rhum brun qu’on vendait 24 heures par jour, au plus fort de la saison de pêche, à son saloon de Sandy Point. C’est également lui qui, dit-on, fournit aux habitants de la baie les poêles qui remplacèrent les anciens feux ouverts ; homme d’affaires perspicace, il commença aussi à importer du charbon du Cap-Breton.

Le commerce apporta à Constant Garnier une assez grande richesse. On raconte que dans sa maison, détruite par le feu en 1881, l’escalier était fait de matériaux rapportés de France et qu’au bout de chacune des marches le tapis était maintenu en place par des dollars d’argent. C’est à Halifax que l’argent de Garnier, tout comme celui du milieu des affaires de Sandy Point d’ailleurs, était investi. Le reste de l’île de Terre-Neuve participait si peu à l’économie de cette région qu’au moment de l’effondrement bancaire de St John’s en décembre 1894, deux mois après la mort de Garnier, Michael Francis Howley*, alors vicaire apostolique catholique de St George, déclara que le district « ne souffrirait pas davantage de la faillite qu’il n’avait souffert de la crise financière en Australie ». Il est significatif que Garnier soit mort chez son fils à Halifax. C’est dans cette ville qu’il laissait sa fortune personnelle, évaluée à plus de 10 000 $.

Cyril J. Byrne

La tradition concernant la carrière de Constant Garnier dans la baie St George, T.-N., a été recueillie par l’auteur auprès d’Isidore Halbot, autrefois habitant de Sandy Point, dans la baie St George ; du père Roderick White, natif de St George et actuellement chancelier du diocèse de St George (Corner Brook, T.-N.) ; et de John Barter, descendant de Garnier qui vit à Moncton, N.-B.  [c. b.]

Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, no 4596.— PANL, GN 2/22/A, 1883, no 20.— M. F. Howley, « Reminiscences », Terra Nova Advocate (St John’s), févr. 1882, particulièrement 9 févr.— Evening Telegram (St John’s), 2 sept. 1881, 17 janv. 1895.— Halifax Daily Echo, 8 oct. 1894.— Terra Nova Advocate, 3 oct. 1881.— Michael Brosnan, Pioneer history of St. George’s diocese, Newfoundland ([Corner Brook, 1948]).— J. J. Mannion, « Settlers and traders in western Newfoundland », The peopling of Newfoundland : essays in historical geography, J. J. Mannion, édit. ([St John’s], 1977), 234–275.

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Cyril J. Byrne, « GARNIER, CONSTANT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/garnier_constant_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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