GAUTRON, dit Larochelle, SIMÉON, cardeur, homme d’affaires et inventeur, né le 24 avril 1808 à Saint-Vallier, Bas-Canada, fils de Michel Gautron et de Marie-Louise Bolduc ; le 13 octobre 1829, il épousa à Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce (Sainte-Marie, Québec) Sophie Vachon, dit Pomerleau, puis le 19 février 1849, au même endroit, Henriette Proulx, et de ces mariages naquirent sept enfants ; décédé le 23 juin 1859 à Saint-Anselme, Bas-Canada.
Les ancêtres de Siméon Gautron, dit Larochelle, étaient originaires de La Rochelle, en France. À leur arrivée en Nouvelle-France en 1673, ils firent souche à Saint-Vallier où Siméon naquit. On connaît peu de chose de la jeunesse de celui-ci avant l’âge de 20 ans environ, au moment où il décida d’aller s’établir à Saint-Anselme. On raconte qu’il offrit le cheval qui était son unique fortune en échange des services d’un professeur ambulant. Puis, ayant appris à lire et à écrire, il se rendit à Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce où il s’initia au métier de cardeur. Il s’y maria en 1829 et retourna à Saint-Anselme. Sitôt fixé à cet endroit, il acheta un terrain en bordure des cascades de la rivière Etchemin, du côté est, et y bâtit un moulin à carder qui fut en activité dès 1830. Il se révéla à cette occasion un brillant mécanicien, et le seigneur Pierre-Elzéar Taschereau l’invita en 1832 à partager ses prérogatives en construisant de société un moulin à carder sur la rivière du Domaine, dans la seigneurie Sainte-Marie.
Cette année-là, près du premier moulin à carder, Larochelle installa un moulin à scier à châsses verticales alternatives, qu’il complétera en 1844 par un atelier de menuiserie. Vers 1837, sir John Caldwell*, seigneur de Lauzon, qui avait toujours refusé la concurrence à l’intérieur de ses domaines, encouragea au contraire Larochelle à moudre le grain des cultivateurs de sa seigneurie, après que celui-ci eut installé des meules pour moudre le grain à son moulin à scier. En 1838, Larochelle y ajouta aussi une forge pour travailler les outils en fer. Il réussit si bien qu’en 1844 la forge fit place à une fonderie qui connut une longue existence. En une quinzaine d’années, Larochelle avait groupé diverses installations qui, tout en faisant partie de Saint-Anselme, constituèrent une nouvelle entité : le village de Larochelle.
Par ailleurs, afin de faciliter la colonisation des terres à l’arrière des seigneuries et de rentabiliser sans doute aussi son entreprise, Larochelle organisa une coopérative dans le but de jeter un pont sur la rivière Etchemin. Ouvert à la circulation en 1849, le pont relia Saint-Anselme à la fertile région de la Beauce. En 1853, Larochelle ajouta à ses installations une fabrique de tissus. Il groupa sous un même toit des machines aux opérations différentes et successives : celle qui cardait, l’autre qui filait, le métier à tisser et l’instrument à raser le drap. Au cours de cette année-là, il fabriqua aussi une presse à imprimer pour les ateliers du Canadien.
En outre, Larochelle avait entrepris dès 1835 de nombreuses démarches pour susciter la construction d’un chemin de fer qui devait relier la Beauce à Lévis, en passant par Saint-Anselme. Cet objectif précis faisait partie d’un projet fort ambitieux : une voie ferrée devait, à partir de Lévis, descendre jusqu’à la frontière du Maine rejoindre une autre voie venue de la côte atlantique. Des obstacles innombrables allaient toutefois empêcher la réalisation de ce projet. La charte du Belfast and Québec Railroad, obtenue la première fois en 1836, fut renouvelée en 1845 sans plus de résultats, malgré les exhortations de Larochelle. En 1853, le chemin à lisses du Saint-Laurent et de l’Atlantique était construit, mais à partir de Montréal jusqu’à Portland, dans l’état du Maine, en passant par Sherbrooke. Quand le réseau du Grand Tronc fusionna cette ligne l’année suivante, la ville de Québec eut, par voie indirecte, sa première liaison ferroviaire avec les États-Unis. Loin d’en être satisfaits, les Beaucerons se joignirent à la ville de Québec qui présenta une requête en 1854 au Conseil législatif et à l’Assemblée législative, puis une deuxième, sanctionnée en 1855, qui aboutit à la reconnaissance juridique de la Compagnie de chemin de fer de Québec, Chaudière, Maine et Portland. Celle-ci était constituée en une société de 16 membres, dont Larochelle faisait partie. On ne trouve plus trace de cette compagnie par la suite. Enfin, dix ans après la mort de Larochelle, un autre projet devait être mené à terme : la Compagnie du chemin à lisses de Lévis à Kennebec fut formée en 1869 et la voie ferrée arriva à Scott, dans la Beauce, en 1875. Parmi ses administrateurs figurait le fils de Larochelle, Louis-Napoléon*, qui se fit le principal promoteur de cette entreprise.
Larochelle père était doué d’une rare énergie, d’un esprit d’entreprise remarquable et d’un talent inventif que les chroniqueurs de l’époque qualifièrent de génial. Les principaux journaux bas-canadiens firent grand état d’un canon tout à fait exceptionnel que Larochelle avait inventé. Leurs descriptions et leurs commentaires laissent voir que Larochelle avait conçu une arme qui « tir[ait] de dix à douze coups à la minute ». En 1836, celui-ci avait demandé à l’Assemblée de lui donner les moyens de faire un essai en grand de son canon. Sa demande avait été rejetée par le vote prépondérant du président de l’Assemblée, Louis-Joseph Papineau*, qui considérait cette invention comme « une machine à tuer ». Dix ans plus tard, Larochelle obtint l’appui du gouverneur en chef Charles Murray Cathcart, mais son canon fut jugé « trop compliqué et dispendieux pour le service » par le commandant de l’artillerie, le colonel J. Campbell. Devant cet insuccès, Larochelle se contenta d’exposer son canon à Montréal et à Québec.
Frappé de paralysie, Siméon Gautron, dit Larochelle, mourut le 23 juin 1859 à Saint-Anselme. Un de ses fils, Anselme-Hyppolite, avait hérité de ses talents pour la mécanique. Louis-Napoléon, quant à lui, prit la relève de son père en affaires. Une des filles, Marie-Louise, épousa le docteur Cyrille Vaillancourt, et de ce mariage naquit Cyrille-Émile qui s’illustra à la direction de la Fédération des caisses populaires Desjardins.
Le canon de Siméon Gautron, dit Larochelle, fait partie de la collection du Musée du Québec, à Québec.
B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1835–1836.— Le Canadien, 14 août, 2, 16 sept. 1846.— Le Journal de Québec, 8 août, 5, 12, 17 sept. 1846.— La Minerve, 7, 14 sept. 1846.— Ernest Arsenault, la Paroisse « St-Anselme » ([Saint-Anselme, Québec], 1975), 17, 167- 168, 249–250, 262–263.— Honorius Provost, Chaudière Kennebec ; grand chemin séculaire (Québec, 1974) ; Sainte-Marie de la Nouvelle-Beauce ; histoire civile (Québec, 1970).— J.-E. Roy, Hist. de Lauzon, 5.— P.-G. Roy, Toutes Petites Choses du Régime anglais.— Léon Trépanier, On veut savoir (4 vol., Montréal, 1960–1962), 3.— « Les Disparus », BRH, 39 (1933) : 761.— Léa Pétrin, « M. J.-Adélard Bégin a ressuscité l’entreprise de Siméon Larochelle à St-Anselme, Dorchester », le Soleil (Québec), 22 août 1948 : 7.
Madeleine Ferron, « GAUTRON, dit Larochelle, SIMÉON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gautron_simeon_8F.html.
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Auteur de l'article: | Madeleine Ferron |
Titre de l'article: | GAUTRON, dit Larochelle, SIMÉON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 10 nov. 2024 |