GILL, JOSEPH-LOUIS, dit Magouaouidombaouit (« le camarade de l’Iroquois »), grand chef des Abénaquis de Saint-François, né en 1719 dans la mission Saint-François-de-Sales (Odanak, Québec), décédé au même endroit le 5 mai 1798.
Joseph-Louis Gill est le plus remarquable des enfants issus du mariage de Samuel Gill et de Rosalie (née James ?), tous deux capturés par les Abénaquis sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre. Il épousa, vers 1740, la fille du grand chef de la tribu des Abénaquis de Saint-François, Marie-Jeanne Nanamaghemet. Peu avant 1749, il fut élu grand chef de ces Abénaquis ; cette même année, il signa, ainsi que quatre autres grands chefs, la lettre aux chanoines de la cathédrale de Chartres, en France, pour le renouvellement du vœu des Abénaquis à Notre-Dame [V. Atecouando* (Jérôme)].
Comme ses parents, Gill passa sa vie parmi les Indiens, mais il n’adopta toutefois pas leur genre de vie, préférant à la chasse l’agriculture et le commerce, qui lui procurèrent une certaine aisance. Mme Susanna Johnson, une captive qu’il avait achetée et qui vécut chez lui en 1754, écrit : « Il tenait un magasin et sa manière de vivre était supérieure à celle de la majorité des membres de sa tribu. » Le couple Gill eut deux fils, Xavier et Antoine. le premier étant identifié par l’abbé Joseph-Pierre-Anselme Maurault* avec le dénommé Sabatis dont parle Mme Johnson.
Joseph-Louis Gill échappa au massacre perpétré par le major Robert Rogers lors de la destruction du village des Abénaquis en octobre 1759 ; mais sa femme et ses deux enfants furent emmenés en captivité, et seul Antoine survécut. Après la Conquête, Gill fut, en plusieurs circonstances, le porte-parole de la tribu auprès des autorités anglaises. C’est ainsi que, le 24 novembre 1763, il alla rencontrer le nouveau gouverneur militaire de Trois-Rivières, Haldimand, pour lui donner l’assurance que les Abénaquis de Saint-François n’entretenaient aucune correspondance avec les Indiens des pays d’en haut, soulevés par Pondiac*, et pour lui demander que le jésuite Jean-Baptiste de La Brosse remplace, comme missionnaire, le père Pierre-Joseph-Antoine Roubaud. En février 1764, il rencontra de nouveau Haldimand pour se plaindre des empiétements des Blancs sur le territoire de chasse des Abénaquis.
La loyauté de Gill envers la couronne britannique fut mise en doute lors de la Révolution américaine. Au cours de l’été de 1778, cinq Américains qui s’étaient échappés des prisons de Québec furent repris par les éclaireurs abénaquis, à dix lieues du village de Saint-François-de-Sales. On trouva sur eux un plan de la rivière Saint-François que leur avait tracé Gill pour les guider jusqu’en Nouvelle-Angleterre. Ayant appris la nouvelle de leur capture, Gill prit la fuite. On ne le revit pas pendant deux ans. En 1780, pour gagner les partisans que Gill avait parmi les Abénaquis, le surintendant du département des Affaires indiennes à Montréal, John Campbell, proposa de l’envoyer chercher à Cohoes (Newbury, Vermont), où on avait appris qu’il se trouvait, et de lui promettre le pardon. À la fin du mois d’août, Gill se livra au capitaine Luke Schmid, qu’il rencontra au blockhaus de Saint-Hyacinthe, sur la rivière Yamaska. Haldimand, devenu gouverneur de la province, lui accorda son pardon et lui fit prêter le serment d’allégeance au roi. Pour donner une preuve de sa loyauté envers le gouvernement, et en même temps pour dissiper les préventions des autres Abénaquis à son endroit, Joseph-Louis Gill partit, en mai 1781, du côté de Cohoes pour faire quelque prisonnier. Par on ne sait quelle ruse, il réussit à s’emparer du major Benjamin Whitcomb. Malheureusement son prisonnier lui échappa à quelques lieues de Saint-François-de-Sales. Des Abénaquis l’accusèrent d’avoir laissé échapper Whitcomb parce que celui-ci lui aurait promis d’épargner le village si les « Bastonnais » venaient à prendre le Canada. Cette accusation était probablement injustifiée, car on apprit, l’année suivante, que Whitcomb projetait de venir capturer Gill et de brûler sa maison, ainsi que tout le village.
Sur la fin de sa vie, Joseph-Louis Gill fut nommé chef de la prière. À ce titre, il occupait le premier rang dans l’église après le missionnaire, et, en l’absence de ce dernier, il présidait aux prières communes qui s’y faisaient quotidiennement. Cette fonction faisait aussi de lui une espèce de préfet de discipline religieuse. Il mourut le 5 mai 1798 et fut inhumé dans l’église des Abénaquis.
Gill s’était remarié, le 2 novembre 1763, à Baie-du-Febvre (Baieville, Québec), avec Suzanne, fille du capitaine de milice Antoine Gamelin, dit Châteauvieux ; de cette union naquirent six fils et deux filles dont descendent les représentants les plus illustres de la famille Gill, notamment Ignace* qui fut député d’Yamaska sous l’Union.
APC, RG 10, A6, 1 833, pp.339–341.— BL, Add.
Thomas-M. Charland, « GILL, JOSEPH-LOUIS, dit Magouaouidombaouit », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gill_joseph_louis_4F.html.
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Auteur de l'article: | Thomas-M. Charland |
Titre de l'article: | GILL, JOSEPH-LOUIS, dit Magouaouidombaouit |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 13 déc. 2024 |