GOSSE, PHILIP HENRY, naturaliste et auteur de textes religieux, né le 6 avril 1810 à Worcester, Angleterre, deuxième des quatre enfants de Thomas Gosse, miniaturiste, et de Hannah Best, servante ; en 1848, il épousa Emily Bowes (décédée en 1857), et ils eurent un fils, puis, en 1860, Eliza Brightwen ; décédé le 23 août 1888 à St Mary Church, près de Torquay, Angleterre.

Philip Henry Gosse fréquenta les écoles de la localité de Poole ; il apprécia en particulier la formation classique qu’il reçut en 1823–1824 dans un pensionnat du voisinage, à Blandford. « J’ai eu un penchant pour les études dès ma plus tendre enfance », affirma-t-il plus tard ; il conserva ce goût de l’étude lorsqu’il eut quitté l’école à l’âge de 15 ans. Il développa une passion pour l’histoire naturelle bien avant la fin de ses études régulières et, tout au long de sa vie, il se situa dans la lignée de la théologie naturelle. Son père l’influença par sa foi solide dans le christianisme évangélique ; c’est également à lui que Gosse devait son vif intérêt pour la peinture et le dessin. Après avoir quitté l’école, il fit divers petits métiers, puis on lui trouva en 1827 un emploi de commis à la firme de comptabilité Slade, Elson and Company, à Carbonear, dans la colonie de Terre-Neuve.

Au moment où Gosse arriva à Terre-Neuve en juin 1827, deux groupes de citoyens, les marchands et les pêcheurs, s’affrontaient dans cette colonie [V. William Carson*]. Cette situation de conflit était exacerbée par les rivalités historiques et locales qui opposaient protestants anglais et catholiques irlandais ; la perspective de l’avènement du gouvernement représentatif incitait les partisans de ces deux derniers groupes à tenter d’obtenir le haut du pavé. Gosse put néanmoins accomplir son travail à la firme de comptabilité ; il équipait les flottilles de pêche au phoque et calculait leurs prises en mars et en avril, s’occupait du commerce de la morue en juin et en octobre, et copiait les lettres et les grands livres durant le reste de l’année. Comme ce travail lui laissait de nombreuses heures de liberté, Gosse participa à la vie intellectuelle de la localité, où il y avait un cercle de lecture et une société d’exercices oratoires.

C’est en 1832 que Gosse trouva sa voie. Ses premières années à Terre-Neuve avaient été agréables, mais rien n’était venu donner un sens à sa vie. Au mois de mai, il acheta Essays on the microscope (Londres, 1787), de George Adams, dont la lecture précisa son intérêt pour l’histoire naturelle, toujours présent, mais jusque-là quelque peu diffus. Puis, le mois suivant, une lettre de sa famille annonçant que sa sœur Elizabeth était à l’article de la mort vint troubler sa conscience et le fit s’interroger de nouveau sur ses rapports avec Dieu, ce qui entraîna un approfondissement de sa foi à l’Évangile. C’est ainsi que Gosse aborda les deux activités qui allaient occuper le reste de sa vie : l’étude de la nature et la pratique du christianisme évangélique.

En novembre 1832, Gosse se mit à collectionner systématiquement les insectes et à noter des observations scientifiques dans un journal. Des extraits de ses notes météorologiques parurent dans le Conception-Bay Mercury. L’été suivant, il entreprit de compléter un volume (« Entomologia Terræ Novæ ») avec des dessins en couleurs de papillons, de lépidoptères, de coléoptères et d’autres insectes ; cet ouvrage, qui atteignait un niveau de précision scientifique remarquable, n’a pourtant jamais été publié. À la même époque, Gosse se joignit aux méthodistes de Carbonear et lut les œuvres théologiques de John et Charles Wesley ; il devint membre de la chorale, participa aux assemblées de prières en commun et se laissa même convaincre de prêcher dans la localité avec Philip Tocque* et quelques autres.

Gosse quitta Terre-Neuve en juin 1835. Il avait rempli ses engagements à la firme de comptabilité et la tension, qui se faisait de plus en plus forte entre les catholiques irlandais et les protestants anglais depuis que le gouvernement représentatif avait été accordé en 1832, lui rendait la vie insupportable. En outre, il avait « à peu près épuisé [les possibilités de] l’entomologie à Terre-Neuve ; c’était une région froide, aride et improductive ». Un ami intime de Gosse, George Edward Jaques, et sa femme avaient entendu des « propos très enflammés » sur le Canada et ils voulaient absolument s’y établir. Gosse décida de se joindre à eux et ils achetèrent 110 acres de terre partiellement défrichées juste au nord de Compton, dans le comté de Sherbrooke, au Bas-Canada.

Pendant les trois années qui suivirent, Gosse exploita ses 60 acres de terre au prix d’un labeur incessant. Bien que la localité de Compton fût située dans un secteur réputé pour la richesse de son sol, les courtes saisons obligeaient souvent les colons à exercer des métiers plus rentables que l’agriculture ; durant les mois d’hiver, Gosse se faisait professeur afin d’augmenter ses revenus. Jaques et Gosse exploitèrent une partie de la ferme chacun de leur côté et sans le concours d’ouvriers agricoles, car ceux-ci étaient rares ; par inexpérience, ils cultivèrent des denrées qui ne se vendirent que difficilement. Après l’optimisme des débuts, l’évidence de l’échec s’imposa bientôt. Gosse quitta la colonie en mars 1838 ; il passa sept mois en Alabama avant de regagner l’Angleterre au début de 1839. À l’exception d’un séjour de 18 mois à la Jamaïque, il passa le reste de son existence dans son pays natal.

La vie spirituelle de Gosse, durant ses années passées au Bas-Canada, s’affaiblit car ses seuls stimulants se limitaient aux offices que les méthodistes tenaient irrégulièrement à Compton et aux assemblées de prières en commun qui avaient lieu pendant l’hiver. Par contre, son travail scientifique qui n’était d’abord que « le sel, le condiment de l’existence », en devint graduellement « presque la nourriture même ». On le voyait souvent recueillir des spécimens d’insectes sur le terrain et les gens le désignaient comme « ce fou d’Anglais qui passe son temps à ramasser des insectes ». Au cours de son premier hiver au Bas-Canada, il avait assemblé ses journaux scientifiques et composé « The entomology of Newfoundland », qui allait de pair, semble-t-il, avec le volume d’illustrations. Certains extraits de ces journaux furent publiés par la suite, mais le volume lui-même, aux yeux de Gosse, ne méritait pas d’être édité et il demeura sous forme manuscrite. On accorda un peu de considération à ses recherches scientifiques en 1836 ; en effet, il fut nommé membre correspondant de deux sociétés auxquelles il envoya des études : la Société littéraire et historique de Québec et la Société d’histoire naturelle de Montréal. En mai 1837, après avoir amassé des données pendant cinq ans, Gosse décida de réunir ses observations dans un ouvrage général portant sur l’histoire naturelle du Canada. Trois ans plus tard, The Canadian naturalist : a series of conversations on the natural history of Lower Canada paraissait à Londres, avec les illustrations de l’auteur.

Au cours des années qui suivirent, Gosse rédigea plus de 40 livres et brochures, ainsi que 230 articles sur des sujets religieux ou scientifiques. En qualité de naturaliste, il est principalement connu pour ses ouvrages originaux et souvent novateurs sur la zoologie des invertébrés marins, l’ornithologie, les rotifères et les lépidoptères. Il fut le plus éminent vulgarisateur d’histoire naturelle de l’Angleterre au milieu de la période victorienne et il devint fellow de la Royal Society de Londres en 1856. Ses œuvres religieuses, profondément influencées par les Frères de Plymouth, comprennent des textes de prophétie, d’exhortation et d’exégèse, ainsi que des études visant à résoudre le conflit entre la religion et la science.

Gosse n’eut aucune influence sur la vie religieuse terre-neuvienne ou canadienne. Dans l’histoire de l’entomologie à Terre-Neuve, cependant, il occupe une place spéciale : à une époque où la colonie ne comptait aucun homme de science, aucun organisme scientifique et même aucune collection sous vitrine, il fut la première personne qui, d’une manière systématique, fit l’étude entomologique de l’île et nota le résultat de ses observations. On ne peut en dire autant des recherches qu’il effectua au Bas-Canada et il admettait lui-même que sa connaissance de l’histoire naturelle était alors imparfaite. The Canadian naturalist, qui se présentait comme une conversation entre un père et son fils, adoptait une forme surannée et s’adressait aux lecteurs ordinaires plutôt qu’aux savants. Gosse fournissait tout de même un grand nombre de renseignements précis et originaux sur la flore et la faune des Cantons de l’Est, s’attardant à l’écologie de préférence à la taxinomie ; le volume et ses illustrations reçurent un bon accueil. « [C’est] de ce livre, écrivit en 1898 Charles James Stewart Bethune*, que de nombreux entomologistes canadiens de renom ont reçu leurs premières leçons et ont appris les noms de quelques-uns de nos papillons et de nos lépidoptères communs. »

Douglas Wertheimer

Philip Henry Gosse est l’auteur de The Canadian naturalist : a series of conversations on the natural history of Lower Canada (Londres, 1840 ; réimpr., Toronto, 1971) ; « List of butterflies taken at Compton, in Lower Canada », Entomologist (Londres), 1 (1840–1842) : 137–139 ; « Notes on butterfiies obtained at Carbonear Island, Newfoundland, 1832–1835 », Canadian Entomologist (London, Ontario), 15 (1883) : 44–51 ; « On silk produced by diurnal Lepidoptera », Intellectual Observer (Londres), 10 (1866–1867) : 393s. ; « The Y-shaped organ of Papilio larvæ », Hardwicke’s Science-Gossip (Londres), 8 (1871) : 224. De plus, un manuscrit de Gosse, « Entomologia Terme Nova : », circa 1835, est déposé à la Bibliothèque des Musées nationaux du Canada (Ottawa). Pour les autres ouvrages et une étude de la vie de Gosse, on consultera : D. L. Wertheimer, « Philip Henry Gosse : science and revelation in the crucible » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1977).

APC, MG 24, 163.— PANL, T. B. Browning papers, Sketchbook of Newfoundland scenes (William Gosse en est, semble-t-il, l’auteur).— S. H. Scudder, « Gosse’s observations on the butterfiies of North America », Psyche (Cambridge, Mass.), 3 (1881) : 245–247.— R. B. Freeman et Douglas Wertheimer, Philip Henry Gosse : a bibliography (Folkestone, Angl., 1980).— E. W. Gosse, Father and son ; a study of two temperaments (Londres, 1907) ; The life of Philip Henry Gosse, F.R.S. (Londres, 1890).— C. J. S. Bethune, « The rise and progress of entomology in Canada », SRC Mémoires, 2e sér., 4 (1898), sect. iv : 155–165.— F. A. Bruton, « Philip Henry Gosse’s entomology of Newfoundland ; introductory note », Entomological News (Philadelphie), 41 (1930) : 34–38.— T. W. Fyles, « A visit to the Canadian haunts of the late Philip Henry Gosse », Entomological Soc. of Ontario, Annual Report (Toronto), 23 (1892) : 22–29.

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Douglas Wertheimer, « GOSSE, PHILIP HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gosse_philip_henry_11F.html.

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Auteur de l'article:    Douglas Wertheimer
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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