GOUTIN (Degoutin, Desgoutins), FRANÇOIS-MARIE DE, officier dans les troupes de la Marine, subdélégué du commissaire ordonnateur à l’île Royale (île du Cap-Breton) et à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), né vers 1690, probablement à Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.), fils de Mathieu de Goutin* et de Jeanne Tibaudeau ; il épousa en premières noces, à Louisbourg, île Royale, le 20 mai 1719, Marie-Angélique Aubert de La Chesnaye (décédée en 1729), dont il eut une fille et quatre fils, puis, en secondes noces, à Louisbourg le 9 avril 1736, Marie-Angélique Puyperoux de La Fosse, qui lui donna trois filles et trois fils : décédé à l’île Saint-Jean le 5 janvier 1752.

On ignore la date exacte de l’entrée de François-Marie de Goutin dans les troupes de la Marine. Il participa comme cadet à la lutte contre les Anglo-Américains en Acadie et le gouverneur Daniel d’Auger* de Subercase envisagea de le recommander au poste d’enseigne en second. Cependant, la prise de Port-Royal par Francis Nicholson* en 1710 mit un terme à sa carrière en Acadie. Il partit pour la France avec sa famille et revint plus tard à l’île Royale, peu de temps après qu’une colonie française y fut établie en 1714. On ne sait à peu près rien de sa carrière militaire sur l’île. En 1717 il est signalé comme aide-major des troupe, poste qu’il occupa à Port-Dauphin (Englishtown).

Le 5 juin 1717 Goutin devint agent des trésoriers généraux de la Marine à l’île Royale, dont la fonction consistait à faire le paiement des comptes approuvés par le commissaire ordonnateur et de préparer un rapport annuel au ministère de la Marine faisant état des revenus et dépenses des fonds royaux. Plus tard, à la suite d’une recommandation conjointe du gouverneur, Saint-Ovide [Monbeton], et du commissaire ordonnateur, Pierre-Auguste de Soubras*, il fut nommé membre du Conseil supérieur, récemment formé à Louisbourg. avec un salaire annuel de 300#.

En 1727, une enquête entreprise par Saint-Ovide provoqua une controverse qui menaça la carrière de Goutin et faillit mettre fin à celle du commissaire ordonnateur, Jacques-Ange Le Normant de Mézy. Ayant ignoré les avertissements qu’il avait reçus en 1718 et 1724, à l’effet de conserver séparément les fonds pour les fortifications et ceux des autres projets et de ne les employer que pour leurs fins propres, Mézy y avait puisé illégalement et avait de plus laissé se détériorer les finances de la colonie. L’enquête sur ses pratiques de comptabilité révéla également que Goutin était fortement endetté. Les agents des trésoriers généraux puisaient fréquemment dans les fonds royaux qu’ils utilisaient à des fins personnelles, cette pratique étant tolérée. Il semble que Goutin ait fait de mauvais investissements. En 1727, il avait tiré du compte des fortifications une somme totale de 48 936#, commettant ainsi une grave imprudence, à l’époque où le ministère s’interrogeait justement sur le coût de celles-ci. Par conséquent, il fut démis en 1730 de son poste par le trésorier général, avec obligation de rembourser cette somme. Le ministre de la Marine, Maurepas, croyait cependant que c’était la mauvaise administration de Mézy qui avait en grande partie créé ces problèmes ; Goutin fut donc en partie justifié par les réprimandes que le ministre adressa à Mézy. Il continua de siéger au Conseil supérieur dont, en 1733, il se vantait d’être à la tête, alors qu’on le mentionne comme doyen du Conseil supérieur en 1739 et comme premier conseiller en 1740.

Goutin était dans les bonnes grâces de Sébastien-François-Ange Le Normant* de Mézy fils, qui succéda à son père comme commissaire ordonnateur. Nommé subdélégué du commissaire ordonnateur, Goutin visita à plusieurs reprises de nombreux avant-postes, tels que La Baleine (Baleine Cove) et Lorembec (Lorraine), pour y faire appliquer les innombrables ordonnances de Mézy. Il devait faire respecter les règlements régissant la pêche et infliger une amende à ceux qui les enfreignaient ; il avait également la responsabilité de régler les poursuites et les querelles entre marchands, associés et colons.

Pour ces différentes fonctions, Goutin recevait un revenu annuel de 1 200#. Il fit l’acquisition de deux propriétés à Louisbourg et s’intéressa de bonne heure au commerce côtier. En 1729, il acheta l’Union, navire de 24 tonneaux grevé d’une hypothèque et, en 1730, il acquit la moitié du Meriane Charlotte, navire jaugeant 35 tonneaux. Mais après la chute de Louisbourg aux mains des troupes anglo-américaines de William Pepperrell en 1745, Goutin, apparemment réduit à la pauvreté, accosta au port des réfugiés, à Saint-Malo en France. En 1746, on lui accorda une gratification de 300#, afin de l’aider à supporter sa nombreuse famille.

Le 12 août 1749, Goutin fut nommé de nouveau subdélégué du commissaire ordonnateur et garde-magasin à l’île Saint-Jean. Il était chargé, de façon générale, de l’application des règlements civils sur l’île, au salaire annuel de 600#. Même si Goutin n’était plus membre du Conseil supérieur de Louisbourg, son nouveau rôle n’était pas dénué de prestige et d’importance ; de concert avec le commandant, Claude-Élisabeth Denys de Bonnaventure, il avait à mettre sur pied une colonie agricole. Après l’inventaire du magasin, il devait faire le recensement des habitants et assurer leur bien-être. Il devait aussi maintenir les anciennes concessions de terrains et encourager l’agriculture dans les régions fertiles. Il avait charge de mettre des pâturages à la disposition des colons, tout en décourageant la pêche à la morue, de façon à protéger le nouveau poste agricole. On lui ordonna en particulier d’encourager l’établissement des Acadiens.

Goutin établit sa nouvelle résidence à Port-La-Joie (Fort Amherst), dans des quartiers pauvrement aménagés. La rigueur de l’hiver de 1750–1751 ayant été aggravée par une disette de viande, Goutin tomba malade en novembre 1751 et mourut en janvier suivant.

Eric R. Krause

AN, Col., B, 39, ff.134v.–135 ; 41, f.584 ; 42, f.474v. ; 48. f.953 ; 50, f.575 ; 52, ff.566–568, 579v. ; 53, ff.593v.–595v. ; 54, ff.509v.–512, 514–514v. ; 57, f.774 ; 84, f.170 ; 86, f.200 ; 91, ff.331, 357–358v. ; 95, f.281v. ; C11A, 126, pièce 111 ; C11B, 1, f.439 ; 2, ff.254–254v. ; 3, ff.l0v.–11, 90, 129 ; 4, 1717.25v., 129v. ; 5, 1717.37v., 70v.–71, 173v.–174 ; 6, ff.182–182v., 220v.–221 ; 7, ff.42v., 62 ; 9, ff.80–83, 98–98v., 122v. ; 10,1717.89–91v., 96–97, 104–108v., 138–139, 168, 169–169v. ; 11, ff.45v–49, 70–72, 87–87v. ; 12, f.98v. ; 13, ff.4–6 ; 14, f.262 ; 15, ff.32, 36v.–37v., 64 ; 17, ff.21, 22v. ; 18, f.114 ; 20, ff.147v.–148v. ; 25, f.167 ; 28, ff.155–155v., 164v., 291–292, 367–369v. ; 29, ff.217v.–218 ; 30, ff.29v.–30, 35v., 37, 101, 289v., 298v., 299v.–300 ; 32, ff.220, 285–285v. ; C11C, 11, ff.23, 28 ; 15, pièces 15, 123, 131, 177 ; 16, 1re sér., pièce 6 ; 2e sér., pièces 17, 18, 19 ; C11D°, 6, f.93v. ; E, 10 (dossier Aubert), 114 (dossier de Goutin), 124 (dossier de Goutin) ; Marine, A1, art.54, pièces 60 ; 61 ; art.56, pièce 44 ; Section Outre-Mer, Dépôt des fortifications des colonies, Am. sept., n° 153 ; G1, 406/4, ff.l, 19v., 30, 38 ; 407/1–2 ; 466, pièces 51 (recensement de Louisbourg, 1715), 56 (recensement de Port-Dauphin, 1717), 62, 76 (recensements de l’île Royale, 1720, 1749), 81a (recensement de l’île Royale et de l’île Saint-Jean, 1752) ; G2, 180, ff.463–486v. ; 181, f.477 ; 182, ff.1 106–1 107 ; 208, dossier 479 ; 212, dossier 542, f.75v. ; G3, 2 037 (24 mai 1729, 3 sept. 1730) ; 2 038/1 (3 août, 27, 29 nov. 1731) ; 2 038/2 (25 juill. 1733) ; 2 039/1 (4 déc. 1735) ; 2 041/2 (28 sept. 1730) ; 2 046/2 (5 août 1742) ; 2 047/1 (19 nov. 1750) ; 2 056 (1er janv., 12 sept. 1715) ; 2 057 (6 juill. 1722) ; 2 058 (20 nov. 1724).

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Eric R. Krause, « GOUTIN (Degoutin, Desgoutins), FRANÇOIS-MARIE DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/goutin_francois_marie_de_3F.html.

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Auteur de l'article:    Eric R. Krause
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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