GREEN, FREDERICK WILLIAM, agriculteur et fonctionnaire, né le 30 avril 1859 à Rippingale, Angleterre, fils de Robert Barret Green et de Sarah Ann Elsom ; le 1er mai 1884, il épousa, probablement à Brandon, Manitoba, Margaret Anderson, et ils eurent six filles et cinq fils ; décédé le 13 juillet 1915 à Montréal.

Après avoir passé 16 ans dans une ferme en Angleterre, Frederick William Green immigra avec sa famille en Ontario. Il vécut avec ses parents dans le canton de Lobo, dans une ferme louée, jusqu’à ce que, au printemps de 1882, après avoir appris que le chemin de fer canadien du Pacifique se rendrait bientôt dans les Prairies, il quitte l’Ontario pour l’Ouest. Arrivé à Brandon le 1er mai, il acheta une paire de bœufs et se rendit dans les Territoires du Nord-Ouest. Finalement, il choisit de s’établir dans ce qui deviendrait Boharm (Saskatchewan), près de l’emplacement actuel de Moose Jaw.

Durant 25 ans, Green éleva sa famille et exploita sa ferme, Greendale. Il fut le premier habitant du district de Moose Jaw à acquérir une batteuse à vapeur, ce qui pourrait s’expliquer, entre autres, par son expérience en mécanique (il avait travaillé dans une scierie et dans une usine de lainages en Ontario). Dès 1890, il utilisait deux machines de ce genre chaque automne et, en 1910, sa ferme s’étendait sur près de 2 000 acres. Green était un homme pieux ; on dit que, tous les matins, avant de se mettre au travail, son équipe de battage devait s’aligner pour la prière.

En même temps que sa ferme prospérait, Green participait de plus en plus à la vie de son milieu. Membre actif de la Moose Jaw Agricultural Society, il fut secrétaire-trésorier du conseil scolaire de Boharm de 1897 à 1900, puis président de 1901 à 1904. À titre de membre de la Boharm Mutual Improvement Society, il organisait des soirées littéraires et prenait part à des débats entre cette association et celle de Moose Jaw. Toutes ces activités le préparèrent à occuper une place éminente dans le mouvement des agriculteurs de l’Ouest canadien.

En 1906, la Territorial Grain Growers’ Association se transforma en un organisme appelé Saskatchewan Grain Growers’ Association. Green fut élu au conseil d’administration l’année suivante. Dès lors, il s’employa, quelquefois par des interventions controversées, à rendre l’association efficace et durable. Il se fit d’abord remarquer au congrès de 1908 en proposant que chaque fermier puisse devenir membre à vie moyennant une cotisation de 10 $ et que ces cotisations soient placées dans un fonds de fiducie dont le revenu servirait à l’association. Les congressistes adoptèrent sa proposition. Pour administrer le fonds de fiducie, l’association devait être un corps juridiquement constitué. Elle le devint en juin 1908.

En août 1909, après avoir été cinq mois « organisateur général » de la Saskatchewan Grain Growers’ Association, Green y assuma la fonction de secrétaire-trésorier. En cette qualité, il prit des mesures pour renforcer la position du nouveau siège social de l’organisme, situé à Moose Jaw. En plus, il joua un rôle majeur dans le lancement d’une campagne de recrutement. Avec Edward Nicholas Hopkins*, président de l’association, et Edward Alexander Partridge*, il passa le mois d’octobre 1909 à parcourir la province afin de convaincre les fermiers « de mettre en œuvre un plan complet d’organisation en vue d’obtenir collectivement un statut digne d’eux ». Dans son rapport au congrès de 1911, Green indiqua que le nombre de membres avait quintuplé depuis 1908 et que l’association avait désormais de solides assises financières.

À l’époque, une des principales préoccupations des agriculteurs des Prairies était le monopole exercé par les intérêts privés qui étaient propriétaires des élévateurs locaux et les exploitaient. Partridge soutenait que les élévateurs terminaux devaient appartenir au gouvernement fédéral et les élévateurs « de ligne » (les élévateurs locaux) aux gouvernements provinciaux. Par contre, Green, qui dénonçait « les injustices de la centralisation du blé dans les élévateurs », s’opposait à toute solution qui réduirait « la liberté du fermier d’aller porter [son blé] sur des quais de chargement ». Il était disposé à accepter l’étatisation des élévateurs terminaux mais non celle des élévateurs locaux. Il proposait plutôt que le gouvernement nomme une commission qui achèterait et vendrait le grain, et répartirait ses bénéfices entre les fermiers. Son projet, qualifié d’irréalisable à l’époque, annonçait la revendication d’une commission du blé revendiquée dans les années 1920 par les agriculteurs.

Le plan de Partridge obtint l’aval des associations agricoles du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta en 1907–1908, après quoi le conseil inter-provincial de ces organismes fit pression sur les trois provinces de l’Ouest pour qu’elles adoptent des lois en conséquence. Le Manitoba, alors dirigé par le premier ministre Rodmond Palen Roblin*, étatisa les élévateurs locaux en 1910, mais cette solution se révéla désastreuse deux ans plus tard. La Saskatchewan procéda autrement. En 1910, le premier ministre libéral Thomas Walter Scott* nomma une commission royale d’enquête sur les avantages des élévateurs publics. Formée du professeur Robert Magill* de la Dalhousie University, de George Langley*, fermier et membre du gouvernement de la Saskatchewan, et de Frederick William Green, la commission déposa son rapport au Parlement en janvier 1911. Le document rejetait l’étatisation et recommandait plutôt de former une coopérative d’élévateurs qui appartiendrait aux agriculteurs et serait subventionnée par l’État. Le gouvernement accepta les conclusions de la commission et créa avant la fin de 1911 la Saskatchewan Co-operative Elevator Company. L’Alberta adopta une solution identique en 1913. Les deux entreprises remportèrent un succès énorme. La coopérative albertaine d’élévateurs s’intégra à la United Grain Growers Limited en 1917 et celle de la Saskatchewan fut absorbée en 1926 par la Saskatchewan Co-operative Wheat Producers Limited (communément connue sous le nom de Saskatchewan Wheat Pool).

En 1912, Green tenta sa chance en politique. Mécontent de l’influence exercée par le Parti libéral provincial à la Saskatchewan Grain Growers’ Association, il décida de se présenter aux élections provinciales en tant que « candidat indépendant des fermiers ». Malheureusement pour lui, l’annonce de sa candidature dans la circonscription du comté de Moose Jaw coïncida avec le retrait du candidat conservateur. On le soupçonna d’être lui-même conservateur, et la méfiance s’accrut quand il accepta des fonds de ce parti. Finalement, il perdit l’élection et une part de son prestige à la Saskatchewan Grain Growers’ Association.

Green contribua à l’intégration des femmes au mouvement des céréaliers. En 1912, en collaboration avec Francis Marion Beynon*, rédacteur et chroniqueur au Grain Growers’ Guide de Winnipeg, il organisa une rencontre de fermières qui se tint en 1913 à Saskatoon à l’occasion du congrès de la Saskatchewan Grain Growers’ Association. Les congressistes acceptèrent la formation d’une section féminine liée à l’association. Une fois le congrès terminé, Green fit cette déclaration toute simple : « il n’y a pas de foyer sans femme. Les problèmes domestiques sont des problèmes agricoles », ce qui était une manière de reconnaître l’importance des femmes dans le mouvement agricole. En fait, l’ensemble des droits des femmes lui tenaient à cœur. Peu après le congrès de 1913, il écrivit : « J’ai confiance de voir le jour où les femmes seront émancipées politiquement et aussi le moment où elles seront protégées dans nos tribunaux par la présence de quelques personnes de leur sexe dans tous les jurys où l’honneur des femmes est en jeu. »

Green prouva aussi son indépendance d’esprit d’autres manières. Il s’opposa à ce que la Saskatchewan Grain Growers’ Association forme un troisième parti politique parce que, selon lui, les agriculteurs pouvaient exercer plus d’influence par l’entremise d’organismes apolitiques. Il rejeta les revendications en faveur du recours au référendum, à l’initiative populaire et à la révocation en faisant valoir que de telles innovations engendreraient de « l’instabilité et [de] l’inconstance » au gouvernement, car elles priveraient les régions rurales d’une partie de leur pouvoir au profit des villes, plus populeuses. Green partageait l’aversion de bon nombre de ses contemporains pour les villes. Il les considérait comme une menace pour le mode de vie agricole et s’inquiétait des conséquences sociales de l’augmentation rapide des citadins non britanniques.

En février 1914, Green annonça qu’il quittait le poste de secrétaire-trésorier de la Saskatchewan Grain Growers’ Association. À ce moment-là, le gouvernement de la Saskatchewan avait déjà adopté une loi autorisant les fermiers à fonder des coopératives d’achat de fournitures agricoles. Comme l’association était sur le point de se doter d’un service commercial qui achèterait en gros pour les coopératives locales formées en vertu de la loi, Green estimait que le temps était venu de céder sa place à un « directeur commercial tout à fait préparé » à s’occuper de ce service. Toutefois, un autre motif pourrait expliquer sa démission. Dans une allusion voilée aux liens que la plupart des dirigeants de l’association entretenaient avec le Parti libéral, Green, qui citait l’un de ses correspondants, déclara : « si j’avais servi les Dieux avec un zèle deux fois moindre que celui que j’ai déployé pour le peuple, je ne me retrouverais sans doute pas aussi dépourvu devant mes ennemis ».

Pour rendre hommage à Frederick William Green, la Saskatchewan Grain Growers’ Association décida de faire peindre son portrait et de l’accrocher à la University of Saskatchewan. Cependant, il déclina cet honneur et demanda que les dons recueillis pour le portrait soient transférés au Fonds patriotique canadien. Il resta secrétaire honoraire de l’association jusqu’à sa mort, survenue à Montréal en 1915. Green lui-même avait peut-être résumé mieux que quiconque le sens de son existence en disant qu’il avait aidé les fermiers à se regrouper en un organisme permanent et puissant, « non pour opprimer autrui, non pour tyranniser personne, mais uniquement pour obtenir ce que réclament la Justice, la Bonne Foi et l’Équité ».

Gordon C. Church

Saskatchewan Arch. Board (Regina), R-73, (R. A. Mayson), file no. IV.11 (F. W. Green papers).— Saskatchewan Arch. Board (Saskatoon), S-B2 (Saskatchewan Grain Growers’ Assoc.), convention reports, 1902–1926.— Farmer’s Advocate and Home Journal (Winnipeg), 1906–1907.— Grain Growers’ Guide (Winnipeg), 1908–1915.— Moose Jaw Times (Moose Jaw, Saskatchewan), 1890–1906, publié par la suite sous le titre Moose Jaw Evening Times, 1906–1918.— Morning Leader (Regina), 14 juill. 1915.— R. D. Colquette, The first fifty years : a history of the United Grain Growers Limited (Winnipeg, 1957).— V. C. Fowke, The National Policy and the wheat economy (Toronto, 1957) ; « Royal commissions and Canadian agricultural policy », Rev. canadienne d’économique et de science politique (Toronto), 14 (1948) : 163–175.— Saskatchewan, Elevator commission, Report (Regina, 1910).— D. S. Spafford, « Independent politics in Saskatchewan before the Nonpartisan League », Sask. Hist., 18 (1965) : 1–9.— L. A. Wood, A history of farmers’ movements in Canada (Toronto, 1924 ; réimpr., introd. de F. J. K. Griezic, Toronto et Buffalo, N.Y., 1975).

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Gordon C. Church, « GREEN, FREDERICK WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/green_frederick_william_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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